Cancer: une découverte essentielle pour l’immunothérapie
Un ancien traitement pour l’hypertension qui booste le système immunitaire ? C’est la découverte de chercheurs belges. Explications du Pr Van den Eynde (UClouvain).
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- Publié le 07-06-2023 à 17h00
- Mis à jour le 07-06-2023 à 17h50
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La découverte publiée par les chercheurs belges dans Nature est en grande partie due au hasard. Des équipes de l’Institut de Duve et de l’Institut Ludwig travaillaient sur une molécule abandonnée dans son usage premier, l’hypertension, à cause de ses effets secondaires.
"En plus d’être hypotenseur, ces molécules avaient une autre activité. On les utilisait dans ce cadre, pour comprendre les mécanismes qui se passent dans le cancer et l’immunosuppression dans le cadre du cancer", se souvient le Pr Benoît Van den Eynde, à l’institut de Duve. "On a constaté que cette molécule, donnée en monothérapie – donc sans aucun autre traitement ralentissait fortement la croissance des cancers. On s’est rendu compte que c’était dû à l’effet agoniste de cette molécule sur un récepteur adrénergique, un effet qui était hypotenseur au départ, et c’est pour ça que le médicament était utilisé."

Une action sur les macrophages
Les lymphocytes T sont un type de globules blancs. Ils sont les protecteurs de notre corps contre les maladies: ils reconnaissent et détruisent les celules étrangères.
Dans le cadre d’une immunothérapie, les lymphocytes T détruisent les cellules cancéreuses, qu’ils reconnaissent grâce à des marqueurs spécifiques. "Telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, l’immunothérapie ne permet de combattre efficacement que 30 à 40% des cancers,explique le Pr. Van den Eynde, beaucoup de cancers résistent, en grande partie parce que leurs lymphocytes T ne sont pas assez réactifs."
Les chercheurs ont établi que les molécules stimulent les macrophages. Cet autre type de globules blancs a pour rôle d’engloutir et de digérer les débris issus des agents pathogènes, tels que les cellules cancéreuses, les microbes et les substances étrangères. En faisant leur travail, ces "éboueurs du corps humain" – les macrophages – alertent aussi les lymphocytes T des anomalies qu’ils rencontrent.
L’intérêt de la découverte, c’est que les macrophages, devenus plus réactifs, alertent plus vigoureusement les lymphocytes T, et stimulent ces derniers à rejeter les cellules cancéreuses, notamment dans des modèles de cancers résistants à l’immunothérapie standard.
En laboratoire, cela fonctionne sur des modèles de cancers différents: une quinzaine au total.

Et le traitement, c’est pour quand ?
Mais cet ancien hypertenseur ne sera pas utilisé tel quel sur des patients: les chercheurs veulent développer une nouvelle molécule, qui en aura les qualités sans avoir les effets secondaires, d’autant que "il faut l’utiliser dans des doses plus élevées que pour l’hypertension", précise le Pr Van den Eynde.
On pourrait imaginer voir aboutir le développement du nouveau médicament d’ici un an et demi à deux ans, puis commencera la phase des tests cliniques (3 à 4 ans). Un bel espoir pour s’attaquer aux 60% de patients chez qui l’immunothérapie ne fonctionne pas.