De l’Éthiopie à Huy, l'incroyable destin d'un «berger devenu chirurgien»
Avec «Le berger devenu chirurgien», Mitiku Belachew retrace sa vie de l’Éthiopie à Huy. Il le dédicacera, ce samedi de 10h à midi, à la Dérive.
Publié le 17-11-2015 à 08h39
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Mondialement connu pour sa technique de l’anneau gastrique appliquée pour la première fois au CHRH en 1993, le Professeur Mitiku Belachew (73 ans) sort «Le berger devenu chirurgien». Rencontre.
Professeur, pourquoi avoir voulu écrire un livre sur votre vie?
Étant réservé et relativement pudique, j’ai rarement parlé de ma vie. Mon fils et mon petit-fils m’ont un jour dit: «Écris ta vie pour qu’on sache d’où tu viens et qui tu es». Je m’y suis mis il y a 5 ans. Au départ, cela devait rester un récit familial. Puis des amis à qui je l’ai fait lire m’ont encouragé à le publier. Il va aussi être traduit en anglais et en langue éthiopienne car je le considère finalement comme un livre éducatif pour la jeunesse de mon pays: il faut chercher sa voie, on peut aller loin dans la vie par détermination personnelle.
Vous en êtes un extraordinaire exemple…
J’ai eu une vie très atypique oui. Jusqu’à mes 12 ans, j’étais berger à 150 km de la capitale de l’Éthiopie, dans des montagnes au bord d’un lac. À 3 000 mètres d’altitude, il n’y avait ni route, ni école. Mes parents étaient paysans et j’étais l’avant-dernier d’une famille de 8 enfants. Le décès d’un de mes frères alors âgé de 21 ans constituera un déclic. Je voulais savoir pourquoi il était mort alors qu’il était grand et costaud. J’ai pris la décision de partir dans la capitale faire des études. J’y suis arrivé sans parler un mot d’anglais. Heureusement, j’ai rapidement rattrapé mon retard. À 19 ans, j’avais terminé mes secondaires. Je suis ensuite rentré à l’université en faculté des sciences.
Comment êtes-vous arrivé à l’Université de Liège?
J’ai décroché une bourse. Tout le monde me traitait de fou de ne pas choisir les USA ou l’Angleterre pour la facilité de la langue. Mais, j’ai choisi le défi d’apprendre le français. À mon arrivée à Liège, j’ai acheté un dictionnaire et le livre Fanny de Pagnol que j’ai traduit mot à mot en anglais. Au bout de quelques mois, je pouvais me débrouiller. J’ai fait tout mon cursus ici tout en étant attaché à l’Hôpital de Bavière. À 35 ans, j’étais nommé professeur associé de chirurgie à l’ULg.
Votre livre évoque forcément l’anneau gastrique dont vous êtes le pionnier. C’est votre plus grande fierté?
Assurément. C’est le seul chapitre un peu technique du livre car il s’agit de l’aboutissement d’une recherche médicale. Tout a, en fait, débuté en 1975 quand une infirmière de l’Hôpital de Bavière qui souffrait d’obésité m’a forcé à lui faire un court-circuit intestinal. À partir de là, je me suis perfectionné avec l’agrafage de l’estomac puis l’anneau gastrique en première mondiale à Huy en 1993. Aujourd’hui, 1 million de personnes doivent avoir subi cette intervention dans le monde.
Cette année 1993 fut aussi l’une des plus douloureuses avec le décès d’un de vos deux fils à l’aube de ses 20 ans. Rien n’est éludé dans ce livre.
C’est une vie de luttes que je symbolise volontairement par la montagne de mon enfance. On ne peut la déplacer. Alors soit on la contourne, soit on la grimpe. J’ai dû négocier pas mal de montagnes sociales dans ma vie. Ce livre raconte mon ascension sociale. J’ai toujours aimé la montagne. À 67 ans, j’ai atteint le sommet du Kilimanjaro en Tanzanie. Six jours d’ascension et trois autres de descentes.
+ «Le berger devenu chirurgien» – Éditions Persée,23€ / Le professeur dédicacera son livre ce samedi, sur le coup de 10h, à la Dérive (Grand-Place, Huy).
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Liège, ses bières, ses frites…
Le choc culturel aura été important pour Mitiku Belachew en arrivant en Belgique, quelques années seulement après avoir déjà dû digérer le passage de ses montagnes isolées à la capitale d’Éthiopie. À 20 ans, le futur chirurgien s’apprête à relever le défi d’une intégration réussie dans cette Cité ardente dont il va très vite adopter les habitudes festives en plus d’être un étudiant appliqué et studieux. «La bière et les frites furent mes premières découvertes marquantes, sourit aujourd’hui le Professeur Mitiku Belachew. Pour tout vous dire, j’étais extrêmement maigre à mon arrivée en Belgique. Je mesurais 182 centimètres et pesais 57 kilos. En six mois, la balance affichera 74 kilos. Je n’ai plus varié depuis… (rires). J’allais manger au restaurant “ La Mason ” et c’était frites midi et soir. Et puis, on s’amusait dans la rue du Pot d’Or où nous avions nos habitudes dans des cafés comme “ L’Espinade ” et Le “ Don Quichotte ”. C’est là que j’ai fait mes travaux pratiques pour apprendre la langue française…» Liège sera aussi le terreau des amours adolescentes de Mitiku. «Ma copine Claudine… Je ne sais pas ce qu’elle est devenue aujourd’hui.» Mais, l’étudiante a droit, comme d’autres personnages croisés dans le parcours du Professeur Mitiku Belachew, à une petite place dans le livre de sa passionnante vie.
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