Monicas Seles agressée il y a 30 ans : “Si le couteau avait sectionné une artère, Monica serait morte en quelques minutes”
Le tournoi de Hambourg a été le théâtre d’un événement tragique le 30 avril 1993 : un fou, fan de Steffi Graf, y poignarda Monica Seles
Publié le 30-04-2023 à 07h42
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Les incidents en tennis ne sont pas légion. Alors, quand un événement tragique se passe, tout le monde s’en souvient. C’est dans ce cadre qu’il faut appréhender ce qu’il s’est passé le 30 avril 1993, à Hambourg. À l’époque, une jeune femme, considérée comme la première cogneuse de l’histoire du tennis, semble irrésistible. Elle dame le pion aux championnes et se trouve une rivale en la personne de Steffi Graf. Au début, l’Allemande prend le meilleur sur celle qui est née Yougoslave. Puis Monica Seles s’impose tout doucement et gagne sur quasi tous les terrains : Australian Open (1991, 1992, 1993), Roland-Garros (1990, 1991, 1992) et l’US Open (1991, 1992). Seul Wimbledon lui échappe. Mais l’avenir semble radieux pour Seles, devenue la plus jeune n°1 mondiale.
Seles, dix-neuf ans, marche tout simplement sur l’eau. Un événement tragique changera toutefois la donne pour toujours. Un tournant pour le tennis, sa carrière et tout simplement sa vie. En 1993, Seles vient à Hambourg pour y briser l’hégémonie de Graff, vainqueur des six dernières éditions du tournoi sur terre battue, dont une finale face à Seles en 1991. Petit galop d’entraînement au premier tour face à la Suédoise Maria Strandlund (6-2, 6-2) puis l’Argentine Patricia Tarabini, éliminée sur le même score. Puis, arrive un quart de finale plus sérieux avec la Bulgare Magdalena Maleeva. Seles prend le premier set 6-4 et mène 4-3 dans le deuxième. Changement de côté, la victoire semble proche… Et puis… Et puis, tout change.
Un ouvrier de 38 ans
Un fou furieux descend des tribunes et agresse Monica Seles. Gunter Parche est un fan de Steffi Graf. Il veut mettre un terme à la domination de celle qui sera naturalisée américaine en 1994. L’ouvrier de 38 ans plante un couteau de 23 centimètres dans les omoplates de Seles. Tout le monde est éberlué. Le monde entier s’inquiète pour Monica Seles. “Je me souviens m’être penchée en avant pour prendre une gorgée d’eau. Le gobelet avait à peine touché mes lèvres que j’ai ressenti une horrible douleur dans mon dos, racontera Seles dans son autobiographie. Ma tête s’est tournée vers l’endroit où ça faisait mal ; j’ai vu un homme portant une casquette de baseball, un ricanement sur le visage. Ses bras étaient levés au-dessus de sa tête et ses mains serraient un long couteau. Je ne comprenais pas ce qui se passait.”

L’agresseur est rapidement maîtrisé. Monica Seles, elle, souffre, grimace et se tient avec angoisse le haut du dos, puis, elle s’écroule sur le court. La tenniswoman est emmenée rapidement à l’hôpital. Par “chance”, la blessure n’est que superficielle. Si elle n’avait pas été penchée, elle aurait pu être paralysée, voire pire. ” Si le couteau avait sectionné une artère, Monica serait morte en quelques minutes d’une hémorragie”, dira le médecin du tournoi.
"Je me demanderai toujours pourquoi je suis la seule à qui cela soit arrivé.”
Les séquelles ne sont pas que physiques. Monica Seles est bien évidemment marquée psychologiquement et elle tombe dans une dépression longue de 28 mois. Gunter Parche, de son côté, est reconnu déficient mental et ne devra pas faire de prison. “Je n’ai pas eu l’intention de la tuer, je voulais simplement la priver de sa place de n°1”, confessera l’agresseur, décédé l’été dernier, à 68 ans, après avoir passé plus de dix ans dans une maison de retraite.
Seles est scandalisée lors du verdict trop clément. “Quel genre de message cela envoie-t-il au monde ? Il a admis m’avoir harcelé et poignardé. Il peut retourner à sa vie mais je ne peux pas parce que je me remets encore de cette attaque, qui aurait pu me tuer.”
Steffi Graf, elle aussi, ne comprend pas (“Comment un homme qui a mis en danger la vie de quelqu’un peut-il sortir libre ?” ) et se sent coupable : “Ce fut une période difficile pour moi, avouera-t-elle à la télévision australienne. Il m’a fallu sept à huit mois pour m’en remettre. C’est difficile de dire que je m’en veux parce que je sais que je ne l’ai pas fait mais j’avais l’impression d’en être la cause et je me sentais vraiment mal à ce sujet.”
Un Grand Chelem après le retour
Seles, immense championne arrêtée brutalement dans son élan, arrivera finalement à surmonter les difficultés. Elle reviendra à la compétition plus de deux ans après l’agression scandaleuse. Si elle ne parviendra jamais à retrouver le trône qui était le sien avant les événements du tournoi de Hambourg, Monica Seles gagnera un autre Grand Chelem, en Australie (1996).” Quand j’ai pensé à revenir, je n’avais aucune idée de ce que je ressentirais en m’asseyant sur la chaise, sachant que la personne qui m’avait poignardé n’avait jamais été mise en prison. expliquera Seles lors d’une interview au Guardian. Après deux ans et demi, j’ai senti que je devais essayer. Je suis revenue lors du tournoi de Toronto (NdlR : qu’elle a remporté). Le soutien des fans a été incroyable et je me suis dit que j’étais encore bonne à ce sport…”
Traumatisée, elle ne retournera jamais en Allemagne. “Mon palmarès aurait été différent si je n’avais pas été poignardée, évoquera-t-elle par ailleurs. Je me demanderai toujours pourquoi je suis la seule à qui cela soit arrivé.”