Douze joueuses dans le top 200 mondial : la recette de la République tchèque pour faire naître ses championnes
La République tchèque, qui recense un nombre d’habitants similaire à la Belgique, compte deux fois plus de joueuses dans le top 200 que notre pays.
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Publié le 31-03-2023 à 08h46 - Mis à jour le 31-03-2023 à 15h47
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Avec douze joueuses membres du top 200 mondial, il devient difficile voire impossible de ne pas constater la présence toujours plus importante du tennis tchèque sur le circuit féminin. Derrière les États-Unis (29), éternels intouchables, et la Russie (16), c’est d’ailleurs le plus gros contingent. Inutile toutefois d’en tirer une quelconque comparaison, tout simplement parce que la République tchèque ne compte que 11 millions d’habitants environ. C’est autant que la Belgique et ses six pensionnaires du top 200 : Elise Mertens (WTA 39), Maryna Zanevska (WTA 78), Ysaline Bonaventure (WTA 85), Alison Van Uytvanck (WTA 97), Greet Minnen (WTA 167) et Marie Benoît (WTA 199) – notons que Yanina Wickmayer les y rejoindra lundi prochain.
La moyenne d’âge des quinze meilleures athlètes tchèques au classement (voir infographie), dont huit figurent dans le top 100, frôle l’indécence : 22,6 ans.
Une précocité extrême qui se vérifie en jetant un œil au classement – symbolique – des moins de 18 ans. Trois Tchèques y monopolisent trois des quatre premières places : les sœurs Linda et Brenda Fruhvirtova ainsi que Sara Bejlek. Et le phénomène est encore plus important chez les moins de 19 ans.
Cette hégémonie grandissante se traduit inévitablement dans les tableaux des principaux tournois. Ainsi, elles étaient onze Tchèques à disputer le premier tour du Masters 1000 de Miami la semaine dernière, devant la Russie et ses dix concurrentes mais toujours derrière les États-Unis (14).
Comment expliquer ces résultats exceptionnels ? Nous avons posé la question à Karel Knap, spécialiste tennis pour MF Dnes, l’un des plus grands quotidiens nationaux de République tchèque.
Précisons-le d’emblée : il n’y a pas une seule recette miracle et les éléments de réponse apportés dans la suite de l’article ne sont pas exhaustifs. Ils permettent toutefois de mieux comprendre la réussite de ce pays en la matière. “Les étrangers nous posent souvent la question mais les réponses ne sont pas tranchées, acquiesce le journaliste. Ce sont divers éléments et circonstances favorables qui contribuent à produire un terreau fertile sur lequel poussent nos talents de demain.”

1. Les infrastructures et la popularité du tennis
La République tchèque compte une grande quantité de clubs de tennis à travers tout le pays. “La plupart des villes ont leur académie, confirme Karel Knap. Celles de Prague et de Prostějov (NdlR : à l’est du pays) sont les plus connues. Mais on en trouve aussi jusque dans certains petits villages.”
Et les terrains n’ont aucune difficulté à trouver leurs amateurs. “Chez nous, le tennis est le sport de prédilection des filles. Tandis que les garçons s’orientent plus facilement vers le football et le hockey sur glace.”
2. Des entraîneurs compétents
Derrière ces nombreuses académies se cachent ceux qui les dirigent et qui y travaillent. Avec leur lot de compétences. ”Il y a pas mal de savoir-faire parmi les coachs. Certains savent très bien comment enseigner les coups de base. D’autres ont entraîné des stars et ont beaucoup appris sur les circuits. Ils peuvent ensuite mettre à profit leur expérience avec les jeunes.”
Pour ne citer qu’un exemple, Linda Noskova (WTA 51, 18 ans) est entraînée par Tomas Krupa et David Kotyza. Le premier a notamment travaillé aux côtés de Stepanek, Berdych, Strycova ou encore Pliskova, le second a collaboré avec Safarova, Kvitova, Strycova et Pliskova. Ce sont tous d’anciens ou actuels athlètes qui ont connu le top 20 mondial au minimum.
3. Le soutien de la Fédération
La République tchèque accueille un tournoi du circuit principal sur son territoire. Ainsi, l’Open de Prague, un WTA 250 depuis 2021, est organisé chaque année au mois de mai. De nombreuses joueuses du pays y sont invitées. C’est pareil pour les quatre événements ITF (le circuit secondaire) dont trois ont lieu dans la capitale : deux 60 000 dollars, un 40 000 dollars et un 25 000 dollars. À titre de comparaison, pour le calendrier féminin 2023 uniquement, trois compétitions ITF sont proposées en Belgique (un 25 000 dollars à Coxyde et deux 15 000 dollars à Duffel et Wanfercée-Baulet).
Vu les gains et les points qui y sont distribués, le niveau y est fort logiquement plus bas. “Oui, il y a un certain soutien de la part de l’association nationale de tennis, indique le journaliste tchèque. Cela se traduit par des aides financières, des invitations aux tournois pour nos joueuses mais aussi par l’organisation de ligues nationales.”
4. Le soutien indéfectible de la famille
“Je pense qu’aucun joueur ou joueuse tchèque ne réussirait sans l’énorme dévouement de ses parents, poursuit Karel Knap.
Ce dernier a eu l’occasion de passer une semaine auprès de Linda Noskova (WTA 51). La jeune Tchèque de 18 ans répétait ses gammes à l’académie de Přerov, une ville de 40 000 habitants située à l’est du pays. “Lors de ma présence, Madame Noskova assistait en personne aux entraînements de sa fille. Comme elle le fait au quotidien d’ailleurs.”
Un investissement en temps mais aussi en argent. “Comme l’ont fait ceux de Radek Stepanek, Tomas Berdych, Lucie Safarova (NdlR : tous les trois retraités), Petra Kvitova et des sœurs Pliskova avant eux, les parents de Linda Noskova passent de nombreux week-ends à voyager avec leur fille et ont dépensé beaucoup d’argent. Ils l’ont également emmenée en Suisse pour pratiquer aux côtés de Melanie Molitor, la maman de Martina Hingis.”
Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. “Les parents de Linda et Brenda Fruhvirtova, tous deux architectes d’intérieur, ont vendu leur affaire pour se concentrer sur la carrière de leurs filles. Le père a voyagé avec Linda, et la mère avec Brenda”, nous apprend le journaliste du MF Dnes.
Leurs sacrifices ne sont pas restés vains… Linda, 18 ans dans un mois, est 50e mondiale ; Brenda, même pas 16 ans, est 142e.
5. Les stars de tennis sont admirées
En République tchèque, les joueurs et joueuses de tennis sont de véritables idoles. Non seulement auprès de ces générations de filles et de garçons qui ont regardé et admiré Kozeluh, Drobny, Kodes, Navratilova, Lendl, Mandlikova, Navratilova, Korda, Novotna, Berdych, Kvitova, Pliskova et d’autres. “Mais aussi auprès des médias, qui les suivent particulièrement, et des sponsors. Il y a une très forte tradition tennistique dans notre pays. Le succès, la gloire et la fortune inspirent des familles entières”, conclut Karel Knap.
Les nouvelles générations sont déjà là
En matière de tennis féminin, la République tchèque a clairement un coup d’avance sur les autres nations, exception faite des États-Unis, comme on a pu le voir, où le sport est une véritable religion.
Le constat est tellement vrai que de jeunes joueuses sont déjà en train de montrer le bout de leur nez. Et ce, alors que l’aînée des sœurs Fruhvirtova n’a même pas encore atteint la majorité.
Lors des trois dernières éditions de la Billie Jean King Cup réservée aux juniors, les Tchèques ont atteint la finale à trois reprises pour une victoire et deux défaites, à chaque fois contre les… USA. Tereza Valentova (16 ans), Lucie Urbanova (17 ans) et Magdalena Smekalova (17 ans), qui ont défendu les couleurs de leur pays en 2022, ne sont pas encore professionnelles mais elles sont déjà bien parties pour se faire une place au soleil.
Et l’on peut descendre ainsi toujours plus bas dans les catégories. En juillet dernier, lors des championnats d’Europe U14 organisés à Most (en République tchèque, tiens tiens…), Alena Kovackova a été sacrée devant la Slovaque Mia Pohankova. La jeune joueuse, âgée aujourd’hui de 14 ans et déjà 63e mondiale au ranking junior, avait également remporté le double aux côtés d’Eliska Forejtkova. Pour soulever le trophée, elles avaient écarté une autre paire de… compatriotes composée par Laura Samsonova et Veronika Sekerkova. Une terre de talents qu’on vous disait…