Les femmes seront-elles un jour plus rapides que les hommes?
Il y a 50 ans, elles étaient interdites de course. Aujourd’hui, elles sont plus nombreuses que les hommes à courir et se rapprochent de plus en plus de leurs performances.
Publié le 11-02-2020 à 06h00
Nous sommes le 18 avril 1967 à Boston où se tient le plus vieux marathon du monde (il fêtera son 124e anniversaire en avril prochain.) Une course légendaire qui fait partie du World Marathon Majors, compétition regroupant six marathons majeurs.
Ce jour-là, on assiste à une image étonnante, complètement surréaliste. Un homme, qui n’est autre qu’un directeur de la course, se lance dans le peloton, avec sa veste noire et son pantalon gris. Il poursuit le dossard 261. Ce qu’on lui reproche? Être une femme. Ce qui, à l’époque, est considéré impensable et insensé selon les médecins. Ils estiment que les femmes n’ont pas les capacités physiologiques pour courir 42,195 kilomètres.
L’organisateur tente donc de l’extraire de la course en la retenant et en essayant de lui arracher son dossard, en lui criant «Tirez-vous de ma course et donnez-moi ces numéros.» Protégée par son ami et son entraîneur, Kathrine Switzer finira l’épreuve, en 4h20. Elle est aujourd’hui l’ambassadrice du sport féminin à travers le monde. Et continue sans relâche sont combat.
Dans les années 60, on pensait que la course longue distance pourrait faire tomber l’utérus de la femme ou l’émasculerait… Les femmes ne pouvaient courir que sur des 800 mètres. «Des poils vont pousser sur ta poitrine» pouvait-on entendre quand les premières courageuses ont chaussé leurs baskets.
Un florilège d’inepties qui choquent d’autant plus aujourd’hui quand on entend les médecins louer les bienfaits de la course et de l’activité physique en général pour la santé.
Injustices sportives
Le docteur Francis Marchand, directeur de la clinique du sport de Namur, rencontre lors de ses consultations autant d'hommes que de femmes. Pour des ruptures d'utérus? Le docteur Marchant rigole. «C'était une autre époque. Quand j'ai fait mes études de médecine, il n'y avait presque pas de femmes dans les auditoires. Aujourd'hui, elles sont largement majoritaires.»
C’est vrai aussi en course à pied où les femmes sont aujourd’hui bien plus nombreuses que les hommes à courir, dans et hors compétitions.
Ont-elles pour autant atteint l'égalité au niveau des performances? « Là, je pense que pour certaines disciplines de course, ce ne sera jamais le cas» estime le docteur Marchant.
Pourquoi? Tout d’abord, les femmes sont 13 cm plus petites que les hommes, 16 kilos plus légères mais leur masse graisseuse est supérieure.
Si les capacités musculaires des garçons et des filles restent similaires jusqu’à l’âge de 12 ou 13 ans, la puberté se fait apparemment un plaisir d’apporter avec elle son lot d’injustices sportives.
«Ces différences de poids, de taille et de masse musculaire offrent aux hommes un avantage facile à comprendre dans les sports de force ou de puissance poursuit le docteur Marchant. Sans parler des nombreuses périodes d'immobilisation des femmes, où l'entraînement est perturbé.»
10% moins rapides
Différentes études tendent à montrer qu’en moyenne elles courent 10% moins vite que les hommes. Mais ces études montrent aussi qu’elles égalent les records de leurs égaux masculins d’il y a quelques années.
« Mais par contre, plus la distance s'allonge, plus les différences s'estompent note le docteur, pas surpris de voir des femmes se hisser dans les Top 10 des ultra-trails, ces courses en montagne avec des distances supérieures à 80 km.
«Si les facteurs morphologiques, hormonaux et cardiaques offrent un avantage logique aux hommes dans les sports qui exigent de la force et de la puissance, les sports d'endurance pourraient bien inverser la donne.»
D’autant que plus la distance augmente, plus le mental est important. Et qu’au niveau mental, tous les spécialistes s’accordent pour donner l’avantage aux filles.