Xavier Siméon : “Bagnaia est favori mais ça peut partir dans tous les sens”
Ancien pilote de Moto2 et même de MotoGP, Xavier Siméon préface pour nous la saison mondiale de vitesse pure qui débute ce week-end au Portugal. Avec notamment Barry Baltus en Moto2.
Publié le 23-03-2023 à 16h38
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Retraité depuis fin 2022 , Xavier Siméon est encore très impliqué au plus haut niveau puisque fraîchement nommé Zelos Motorcycle Manager, soit coach des meilleurs pilotes belges, présents et à venir (Barry Baltus en Moto2, l’antichambre de la MotoGP ; Lorenz Luciano en MotoGP Rookies Cup), au travers de la Belgian Motorcycle Academy. Le Bruxellois de 33 ans a forcément une expertise très pertinente à propos des saisons MotoGP ou Moto2 qui entament une saison record de 21 Grands Prix, cette fin de semaine à Portimao.
Xavier, comment se passe votre vie de retraité depuis votre annonce en septembre dernier ?
”Hé, je suis plus occupé que jamais ! Avec mon coaching, une activité à Andorre où je vis depuis 7 ans (NdlR : une boutique de chocolats Jeff de Bruges) ou des prestations de consultant (notamment pour commenter des courses Superbike/Supersport sur RTBF Auvio), mon agenda est bien rempli.”
Aucun regret d’avoir raccroché, donc ?
”Aucun. J’ai eu la chance de vivre trois belles dernières années et franchement, j’ai raccroché serein après une carrière où il m’aura juste manqué d’apparaître en Superbike et Supersport (NdlR : il a notamment roulé en Superstock (deux titres), Moto 2 (huits saisons, une victoire), MotoGP (2018), Moto E et Endurance (titre en 2021)).”
Que voyez-vous quand vous regardez dans le rétro de votre carrière ?
”Dans chaque période de celle-ci, dans chaque catégorie abordée, il y a eu des moments très forts et j’aurais bien du mal à en pointer un en particulier. Bien sûr, le dernier volet, en endurance, peut paraître le plus beau puisque j’ai été champion du monde (2021), j’ai gagné deux fois les 24H du Mans (2021 et 2022) et on a remporté le Bol d’or aussi (2022). Ce fut une super expérience avec le team SRT et mes coéquipiers (NdlR : les Français Gregg Black et Sylvain Guintoli). Je ne l’oublierai jamais. Mais en gros, je suis très fier de tout.”

L’adrénaline de la compétition ne vous manque pas trop et où la trouvez-vous éventuellement désormais ?
”Ah là, c’est le point sensible… car rien ne remplace les sensations que l’on peut avoir sur une moto de course. En tout cas, on ne les trouve pas dans beaucoup de disciplines. C’est pour cela que je continue de rouler ici ou là pour le plaisir pour ne pas perdre ces sensations-là, justement. J’ai ainsi fait des courses sur glace à Andorre cet hiver et début mai, je participerai à une endurance ‘classique’ de 4 heures sur le circuit Paul Ricard (Le Castellet) avec… mon papa (NdlR : Michel Siméon pilote en championnat du monde dans les années 1980). Le tout sans pression…”
”Je prédis une saison 2023 à suspense”
Vous avez néanmoins eu le temps de vous intéresser à l’actualité MotoGP/Moto2 lors de la trêve hivernale et de suivre les récents essais d’avant-saison ?
”Oui, bien sûr, j’ai tout suivi, et de très près même. J’ai regardé tous les essais ; j’ai accompagné Barry en tests, je suis à fond dedans. Et je prédis une saison 2023 à suspense.”
Quels enseignements avez-vous tirés de ces essais en MotoGP ?
”Que le champion en titre, Francesco Bagnaia (Ita/Ducati), part grand favori ! Quand on regarde les chronos des simulations de course, il est clairement le plus fort sur papier pour l’instant et la Ducati a encore accentué son avantage côté performance. Maintenant, je pense que la nouvelle course sprint instaurée le samedi (NdlR : sur une demi-distance de Grand Prix avec distribution de points – 12, 9, 7, 6, 5, 4, 3, 2 et 1 – aux neuf premiers) pourrait sérieusement redistribuer les cartes. Je pense même qu’on aura de grosses surprises. Car, dans les pilotes, il y a des gars qui sont tout de suite dedans et d’autres plutôt diesel et qui sur une dizaine de tours ne seront jamais aussi redoutables que sur une course ‘normale’ d’une trentaine de tours, où la gestion des pneus, par exemple, peut faire la différence. Ces courses du samedi vont nécessiter une énorme explosivité. Celui qui aura la confiance nécessaire et la capacité à se faufiler dans le trafic dès les premiers mètres pourra tirer son épingle du jeu. Je le répète, il y aura des surprises, c’est sûr. C’est donc difficile de faire des pronostics. Je pense vraiment que ça peut partir dans tous les sens.”
Une bonne chose, selon vous, ces courses sprint du samedi ?
”C’est une nouveauté et comme l’a dit la Dorna (le promoteur du championnat), c’est une saison test. Si cela ne fonctionne pas, elle reviendra au format de week-end classique. Personnellement, je trouve que c’est plutôt une bonne chose. Je suis curieux de voir…”
Outre Bagnaia, qui attendre devant ?
”Fabio Quartararo (le Français, champion du monde en 2021), cela me semble une évidence. La Yamaha a visiblement bien progressé côté moteur, même s’il faut toujours prendre les résultats des tests d’avant saison avec des pincettes, surtout à Portimao qui ne reflète pas forcément les particularités des autres tracés de la saison. Pas de conclusions trop hâtives, donc. J’ajouterais aussi aux pilotes attendus les deux frères Marquez, Alex et Marc. Ils seront dans le coup. Je crois très fort au retour de Marc au premier plan (NdlR : après trois saisons chaotiques à cause de blessures et opérations), car c’est un champion-né. Quand il s’agira de faire des stratégies pour signer de bonnes qualifs et de bons premiers tours, il sera là. Marc, c’est une bête de course ! Ok, la Honda a semblé perfectible aux tests, mais j’y crois à 100 %.”
Doit-on s’attendre à une surprise par ailleurs ?
”Raul Fernandez ! Le Madrilène va en surprendre plus d’un avec son Aprilia.”
Pour vous qui y avez touché en 2018 et la suivez de près, la MotoGP mérite-t-elle toujours son nom de catégorie reine ?
”Oui, clairement. Il n’y a rien qui l’égale ni le Superbike ni aucune autre catégorie. Ne fût-ce que parce qu’une MotoGP reste technologiquement le summum, quelque chose de hors du commun.”
À propos de hors du commun, Freddy Tacheny (Zelos) évoque votre aventure en MotoGP comme un “voyage sur la lune” tant elle semblait improbable…
”C’est vrai que ce fut une sacrée aventure. Même si j’ai longtemps eu un sentiment mitigé par rapport à ça, car j’étais un compétiteur, je le suis encore d’ailleurs, j’avais faim de bons résultats et le contexte ne m’a jamais vraiment permis de m’illustrer. Aller en MotoGP avait toujours été un rêve, mais, soyons sincère, avec le matériel à ma disposition, je n’ai jamais pu espérer quoi que ce soit. Mais avec le recul, je suis très fier d’avoir été pilote MotoGP, même si ce fut très frustrant et dur psychologiquement sur le moment de devoir me contenter de figuration. Au final, ce fut une belle expérience quand même.”

“LaMoto2 est une catégorie qui peut rendre fou par moments.”
Est-ce une lapalissade de dire que Valentino Rossi manque à la MotoGP ou a-t-elle tourné la page ?
”Son départ fin 2021 a forcément eu un impact, car pendant toutes ses années de présence, la MotoGP c’était Rossi. Tout simplement. C’était LA star, dont tout le monde connaissait le nom, même les non-connaisseurs ou passionnés de MotoGP. Aux pilotes d’aujourd’hui de bâtir leur notoriété, mais à ce propos, personne, à part peut-être un Marc Marquez, ne lui arrive à la cheville.”
Un Grand Prix de Belgique, c’est un doux rêve ou on peut y croire ?
”Sincèrement, quand je vois les investissements que fait Francorchamps, l’envie du circuit d’y ramener la moto, avec pour preuve le retour du Mondial d’endurance à la mi-juin, je pense que oui, c’est possible. Cela ne tient plus du rêve. Je suis persuadé qu’on peut revoir un Grand Prix de vitesse à Spa-Francorchamps. Mais il faudrait rouler sur le circuit tel qu’il est, soit avec ses 7km et pas une version raccourcie. C’est un tracé mythique, c’est incroyable de rouler dessus. Il ne faut pas y toucher pour la MotoGP !”
Enfin, parlons un peu Moto2 : quid de Barry (Baltus). Que peut-il espérer ?
”Cela va être sa troisième année en Moto2. Il a désormais une sacrée expérience à ajouter à son talent de fou. Il est resté dans la même équipe – très important pour sa sérénité – et il aura (enfin) une moto identique aux autres, même millésime 2023 et plus une version de la saison précédente, donc il va devoir passer un cap. Cela reste du Moto2, soit une catégorie très difficile avec des écarts si infimes entre les pilotes qu’elle peut rendre fou par moments. Car on peut être super-bien aux essais du matin et relégué derrière l’après-midi sans qu’on n’y comprenne rien. L’ascenseur émotionnel peut y être très cruel et il faut donc un mental à toute épreuve. C’est là-dessus que je veux principalement aider Barry, car sur l’aspect talent et pilotage, il est indiscutablement à sa place. Il doit juste encore apprendre à être fort à chaque moment et à ne pas se laisser déstabiliser par un éventuel petit moment en deçà… Il doit viser des top 10, se rapprocher même du top 5 et viser le podium ici ou là. Cela doit être son objectif.”
Avant et afin de passer au plus vite en MotoGP ?
”C’est clair que quand on a l’occasion d’y plonger, il ne faut pas trop hésiter à la saisir. D’autant qu’aujourd’hui, les usines aident vraiment tous des teams satellites avec des motos d’usine. Il n’y plus d’équipe juste là pour être sur la grille.”
Portimao sera important ce week-end ?
”Un premier week-end de saison est toujours important ; il ne définit pas le scénario de l’année, mais c’est toujours bien de commencer sur une bonne base…”