Christian Benteke et l'équipe nationale : “Je garde la porte ouverte, mais je reste très conscient de ma situation”
L’attaquant de DC United (32 ans) ne ferme pas la porte de l’équipe nationale, même s’il n’a pas de nouvelle de Domenico Tedesco et sait que les chances sont minces. Il évoque sa nouvelle vie américaine.
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- Publié le 16-09-2023 à 07h26
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Alors que la plupart de ses compatriotes entament à peine leur saison, Christian Benteke va aborder la dernière ligne droite de la phase régulière du championnat américain (MLS), avec DC United, l’équipe de Washington. L’ancien attaquant du Standard et de Genk explique son choix d’avoir opté pour la vie américaine, il y a un an. Il ne ferme pas la porte de la sélection nationale, mais il évoque avec lucidité son avenir international.
Christian, quel bilan tirez-vous de votre première saison complète en MLS (10 buts en 26 matchs) alors que la phase régulière arrive à son terme ?
”D’un point de vue personnel, le bilan est positif. C’est toujours bien d’atteindre des chiffres, comme attaquant, même si je veux toujours les améliorer. Je suis exigeant, je ne suis pas venu en vacances. Sur le plan collectif, il nous reste six matchs, contre des équipes à notre portée. On vise les playoffs (NdlR : DC United est actuellement neuvième, et virtuellement qualifié). Après, j’ai remarqué qu’il y a deux ou trois équipes qui sont au-dessus, comme Cincinnati ou Columbus dans notre conférence (le championnat américain est réparti en deux conférences, quinze équipes à l’Est et quatorze à l’Ouest). Le championnat est plus ouvert qu’en Angleterre, où on sait que (Manchester) City, Liverpool sont un cran au-dessus. Aux États-Unis, avec les vols et la fatigue, les différences de température, ça joue en ta faveur ou en ta défaveur. Pour donner un exemple : Miami, dernier avant l’arrivée de Messi, pourrait se qualifier pour les playoffs.”
L’arrivée de Messi a-t-elle modifié le regard porté sur le championnat américain ?
”Clairement, Messi et Cristiano (Ronaldo) sont les pionniers du foot moderne. On a vu, après Cristiano, que d’autres top joueurs sont partis en Arabie saoudite. Messi a ouvert une porte pour tous les grands joueurs qui aimeraient goûter au challenge américain. Le regard est différent, même si ça ne parle que de Messi. Mais c’est bien pour l’image de la Ligue.”
Vous avez Wayne Rooney comme entraîneur. Comment conseille-t-il l’attaquant que vous êtes ?
”Il sait que j’ai joué pendant un moment en Angleterre (à Aston Villa, Liverpool et Crystal Palace). À mon âge (32 ans), tu peux toujours apprendre, mais il va plus me donner des conseils par rapport à son vécu. À un moment de la saison, je ne marquais pas, j’étais frustré, il y avait un goût d’inachevé malgré des bonnes prestations. Il ne m’a pas dit comment faire pour retrouver le chemin des filets, il a plutôt partagé son vécu, quand il était joueur et dans la même situation, quand il ne marquait pas. C’est plutôt ce genre de conseils qu’il me donne. Il n’a pas besoin de me dire ce que je dois faire, il sait que je peux le faire. Il me donne une certaine liberté et la responsabilité de faire la différence pour l’équipe.”
Parfois tu veux la reconnaissance, c'est agréable. Mais plus tu grandis, plus tu veux ta tranquillité.
En juillet dernier, vous avez participé au All-Star Game, réunissant les meilleurs joueurs de MLS. Vous avez rencontré Joe Biden à la Maison-Blanche. Que vous a-t-il dit ?
”Je pense qu’il était au courant que je représentais l’équipe de Washington. Il m’a souhaité bonne chance. C’est aussi pour ce genre de choses que je suis venu aux États-Unis. Pas uniquement pour serrer la main du président des États-Unis, mais pour découvrir la culture américaine, que je connaissais partiellement pour y être venu en vacances.”

Elle ressemble à quoi, cette vie à l’américaine ?
”C’est vraiment un kiff ! De ce que je voyais à la télévision, je m’attendais à du bling-bling, et en fait pas du tout. Washington est comme Londres, avec beaucoup de musées, des monuments. C’est une ville de travail, avec beaucoup de bureaux, et loin de ce qu’on a comme image des États-Unis. Mais ce que je suis venu chercher aussi, c’est une vie normale. Il n’y a pas le même engouement qu’en Europe, et spécialement en Angleterre. Je me sens plus épanoui désormais car je peux marcher tranquillement dans la rue, dans les endroits publics, sans être reconnu. La liberté n’a pas de prix.”
Ce n’était plus possible en Angleterre ?
”Non. Je suis quelqu’un de très réservé, ce qui ne m’aidait pas. Parfois tu veux la reconnaissance, c’est agréable, mais plus tu grandis, plus tu veux ta tranquillité en dehors du terrain.”
Où en êtes-vous avec la sélection ?
”Franchement, je n’en ai aucune idée. Quand je suis venu ici, j’ai fait mon choix en connaissance de cause : même si c’est au détriment de l’équipe nationale, je voulais aller en MLS. Mais je n’annonce pas pour autant que j’arrête la sélection. La MLS est un championnat correct, visible de tous. Tout est possible (pour la sélection), même si je suis conscient de la position dans laquelle je me trouve. Je me concentre sur mes performances.”
Je suis réaliste, je ne m'attendais pas à ce qu'il (Domenico Tedesco) me contacte.
Le nouveau sélectionneur a envoyé quelques joueurs à la retraite et renouvelle la génération. Vous espérez qu’il vous appellera ?
”Franchement, je n’en ai aucune idée. J’ai vu les départs des anciens, mais d’autres anciens n’ont pas arrêté. Tout dépendra de ce dont le sélectionneur a besoin, c’est pour cette raison que je garde la porte ouverte. Mais je suis très conscient de ma situation.”
Avez-vous eu un contact avec le sélectionneur ?
”Non. Je suis réaliste, je ne m’attendais pas à ce qu’il me contacte. Je suis professionnel, je fais mon travail et je n’ai pas besoin d’essayer d’aller vers qui que ce soit ; les gens me connaissent. Il sait où me trouver, et je dis ça avec le plus grand respect. Ce sont ses décisions.”

Suivez-vous encore la sélection ? Et qu’en pensez-vous ?
”Bien sûr que je suis toujours l’équipe nationale. J’ai vu le match contre l’Azerbaïdjan (NdlR : l’interview a eu lieu lundi, veille de Belgique – Estonie). Ce n’était pas un grand match, mais il y avait la victoire au bout. Les attentes sont super élevées, et c’est ce qui peut rendre la tâche difficile. Le public belge est exigeant. Il veut la victoire et le beau jeu. Mais il y a de bons joueurs dans ce noyau.”
Vous en retenez un en particulier ?
”Jérémy Doku. J’ai joué avec lui, j’ai pu voir le très bon joueur qu’il est. Je suis content pour lui qu’il soit parti en Angleterre, il va apprendre avec Pep (Guardiola) et va pouvoir rentrer dans une autre dimension.”
J'ai une relation 'attaché-détaché' avec la Belgique. Pour retrouver une envie intense, je dois regarder onze ans en arrière.
Avec l’équipe nationale, on a l’impression qu’il y a une succession de rendez-vous manqués, entre le forfait de la Coupe du monde 2014 et un rôle de remplaçant. Comment le vivez-vous ?
”Je crois que toute chose arrive pour une raison. Le plus dur reste 2014 (NdlR : il avait été victime d’une rupture du tendon d’Achille, à quelques semaines de la Coupe du monde). Je savais que si je n’avais pas été blessé, j’étais l’attaquant numéro 1. Je vivais probablement l’une des meilleures périodes de ma carrière. Le reste, je ne peux pas le contrôler. Avant l’Euro 2016, même si Romelu (Lukaku) était numéro 1, c’est moi qui avais marqué le plus les mois avant le tournoi. Je ne voulais pas être dans la sélection par défaut, je voulais y être pour mes performances. J’ai tout donné, je m’attendais à jouer, mais après l’entraîneur a fait des choix.”
Un retour en Europe est-il envisageable ?
”Je me vois encore jouer quelques années, puisque je suis épargné par les blessures. Mon rêve était de jouer en Premier League, pour suivre les traces de Thierry Henry. Maintenant, venir ici, c’est un autre challenge. J’aime le foot qui y est pratiqué, qui progresse, et je ne me vois pas forcément rentrer en Europe.”
Un retour en Belgique pour boucler la boucle n’est pas non plus à l’ordre du jour ?
”J’ai une relation 'attaché-détaché' avec la Belgique. J’ai 32 ans, et j’ai quitté la Belgique quand j’en avais 21. Pour retrouver un manque ou une envie intense, je dois regarder onze ans en arrière. Je vis aujourd’hui ma troisième adaptation à un nouveau pays, une nouvelle culture. La deuxième, c’était l’Angleterre, et la première la Belgique.”
Peu importe où je vais, je suis reconnu pour ce que j'ai fait.
Avez-vous été approché par des clubs d’Arabie saoudite ?
”Je n’en ai aucune idée parce que Kismet (Eris, son agent) ne me dit rien tant qu’il n’y a rien de concret, pour ne pas me déstabiliser ou me raconter de belles histoires. Bien sûr, si une offre arrivait, j’y regarderais. Ce ne serait pas un non catégorique. Tu regardes les montants, les années qu’il te reste à jouer.”
Votre palmarès ne renseigne qu’un titre de champion (avec le Standard en 2009). Est-ce un manque ?
”Je vois plutôt ça comme un plus. Je joue au foot pour la sensation de marquer des buts, pour être reconnu à mon échelle. Je suis connu dans le monde entier sans avoir gagné des titres, et c’est quelque chose que je vais garder. Peu importe où je vais, je suis reconnu pour ce que j’ai fait.”
Vous êtes dans le top 50 des meilleurs buteurs de l’histoire de la Premier League (86 buts). Avez-vous l’impression d’avoir souffert d’un manque de considération en Belgique ?
”En Belgique, j’étais talentueux, mais il fallait prouver et on m’a mis des bâtons dans les roues au début. Ensuite, il y a eu Genk, qui m’a permis de montrer mon talent. Je dirais que c’était dur, voire chiant, parce que tu ne joues pas. Mais ça te forge, et toutes ces étapes m’ont forgé un caractère. Aujourd’hui, je reçois la considération par rapport à ce que j’ai pu faire.”