Vedran Runje avant Croatie-Belgique : “On a mieux géré notre transition générationnelle”
L’ancien gardien du Standard et de l’équipe nationale est confiant avant la rencontre de jeudi. Mais il ne veut pas vendre la peau de l’ours avant de l'avoir tué non plus.
- Publié le 29-11-2022 à 11h52
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Avec plus de 200 matchs joués par le Standard et 22 en équipe nationale, Vedran Runje fait partie de ces anciens joueurs croates (comme Perisic, Stanic, Rapaic, Weber, Balaban, Strupar, Spehar…) qui ont d’aussi bons souvenirs dans notre pays que dans le leur. Mais ce jeudi, sur le coup de 14 h, l’ancien portier des Rouches soutiendra évidemment sa patrie. Avant la rencontre face aux Diables, l’actuel entraîneur des gardiens de Sergio Conceicao à Porto a accepté de nous offrir une interview en guise de préface.
Vedran, avec cette victoire face au Canada, on a l’impression que la Croatie a fait le plein de confiance.
”Oui, et c’était nécessaire. Après le partage face au Maroc, on avait du mal à se positionner. On ne savait pas si on avait perdu deux points ou si on avait pris un bon point. Les journalistes étaient un peu négatifs suite à ce premier match. Et quand on a vu le contenu du Canada face à la Belgique, on s’est dit: "aïe, aïe, aïe". Mais en 90 minutes, l’impression a changé. Le Maroc a été impressionnant face aux Diables rouges et on se dit désormais que c’était donc déjà bien de prendre un point face aux Lions de l’Atlas. Et dans la foulée, on a battu les Canadiens.”
Grâce à une belle performance collective.
”Tout à fait, même si je ressortirais quand même quelques individualités. Les trois milieux de terrain, qui sont le cœur de notre équipe, ont été très bons. Je parle de Modric, qui est le cerveau de l’équipe, de Kovacic et de Brozovic. Le problème du match face au Maroc, lors duquel il manquait un appui offensivement, a également été résolu par la titularisation de Livaja, qui a permis de décaler Kramaric sur le flanc droit et de lui donner plus de liberté. Il a besoin de cela. Avec ce onze de base, l’équipe s’est bien mieux comportée.”
Et ce, même sans Vlasic, qui était incertain et qui est tout de même monté au jeu.
”Oui, cela a finalement été un mal pour un bien puisque cela a libéré Kramaric. Son doublé a été important et lui a rendu confiance.”
"La victoire face au Canada a redonné confiance à tout le monde."
Dalic va réaligner la même équipe face aux Belges ?
”Je pense. Mais il pourrait aussi décider de titulariser Petkovic comme numéro 9. C’est un peu le même profil que Livaja mais ce dernier est plutôt un renard des surfaces alors que Petkovic possède plus de qualités techniques. Il marque cependant un peu moins.”
Pour le reste, l’équipe semble vraiment bien balancée.
”Il y a un intéressant mélange de jeunesse et d’expérience. Le milieu marche très bien mais il faut aussi parler de Perisic, qui est un des leaders de l’équipe sur le terrain et en dehors de celui-ci. Face au Canada, il a joué à un haut niveau. En réalité, on a de la qualité à tous les postes. L’arrière droit Juranovic et l’arrière gauche Sosa sont des joueurs offensifs mais ils font bien leur job en défense. La paire centrale Lovren-Gvardiol est très solide. Il faut savoir que Lovren n’était même pas pressenti pour être titulaire, mais il fait un superbe début de Coupe du monde. Quant à Gvardiol, c’est un futur grand. Ce n’est pas un hasard si tous les grands clubs anglais veulent le transférer. Il a tout. On l’avait déjà vu bien se comporter en club, à Leipzig, mais en équipe nationale c’est une vraie découverte. Il est rapide, technique. Il peut aussi jouer comme arrière gauche. Il sait initier les transitions offensives. C’est une bénédiction pour le gardien Livakovic – fort sur sa ligne et sobre dans ses relances – de l’avoir devant lui.”

Et la Belgique, vous en avez pensé quoi ?
”On sent que cette équipe a des problèmes. Il y a le niveau général d’Eden Hazard, qui est loin de celui de 2018, même s’il a été très correct lors des deux premiers matchs. Physiquement, on voit tout de même qu’il est en souffrance. On a vu un grand Thibaut Courtois face au Canada mais le match face au Maroc a été la preuve qu’il ne peut pas tout faire non plus tout seul. C’est la même chose avec Kevin De Bruyne : l’équipe ne peut pas dépendre que de lui. Il ne peut pas venir chercher les ballons très bas, faire des centres et être à la finition. On voit que cela le frustre et qu’il n’est pas content. Il y a aussi l’interrogation autour de Romelu Lukaku, dont l’entrée en jeu face aux Marocains n’a pas forcément rassuré. Il est difficile de dire à quel niveau il se situe. On va voir s’il est en mesure de commencer face à la Croatie ou pas. Car on sait qu’un bon Lukaku peut faire mal à n’importe quelle équipe. On se méfie aussi de Leandro Trossard, qui a été excellent en Premier League récemment.”
"Kevin De Bruyne est frustré? Il ne peut pas tout faire."
On parle beaucoup de l’âge de nos Diables rouges. Qu’en pensez-vous ?
”Des joueurs âgés sont des joueurs expérimentés. Mais à partir d’un certain âge se pose la question du rythme : sont-ils encore capables de le suivre ? L’agilité et la vivacité, ça se perd. Prenez l’exemple d’Axel Witsel. Il a joué comme défenseur central contre nous (NdlR : Porto) en Ligue des champions car au milieu de terrain, il éprouve plus de mal à suivre le rythme. Quand il est mis sous pression, il réagit moins vite qu’avant. Cela vaut également pour Toby Alderweireld et Jan Vertonghen. Avant, c’était des joueurs impressionnants. Désormais, ce sont juste des bons joueurs.”
Les profils offensifs croates ne sont pas aussi rapides que ceux du Canada. Cela peut être un avantage pour les Belges ?
”Peut-être. Mais des joueurs comme Vlasic et Brozovic sont tout à fait capables de faire des appels de rupture. Et si Dalic joue avec un point d’appui, je pense que cela peut également poser souci aux Diables.”
C’est quoi la clé du match, selon vous ?
”Le milieu de terrain. Le combat de l’entrejeu sera déterminant. Les deux équipes voudront avoir le contrôle du ballon pour poser le plus de soucis possible à l’adversaire.”
Pour tous les observateurs, la Croatie est favorite.
”C’est normal. Les Croates restent sur un bon match et les Belges viennent d’en enchaîner deux mauvais. En Croatie, on est surpris du bas niveau de la Belgique. On s’attendait à ce qu’ils terminent premiers du groupe sans difficulté. Mais je ne les enterre pas car de nombreux Diables rouges sont habitués à la pression et aux matchs à enjeu. Dans un contexte comme celui-ci, c’est très important. Une action réussie peut totalement relancer cette équipe belge.”
"Les clés du match? La bagarre du milieu et la forme de Courtois et Lukaku."
Il y a des similitudes entre la Belgique et la Croatie. Notamment la difficulté à gérer l’après-Coupe du monde 2018.
”Oui. En Croatie, on a la chance d’avoir une nouvelle génération qui est déjà en train de percer, pendant que l’ancienne est toujours là. Mais s’il y a six joueurs qui étaient là en 2018 dans le onze de base, il n’y en a que sept dans toute la sélection. En Belgique, il y a encore 16 joueurs de 2018. Même si on a eu des soucis, la Ligue des nations nous a permis de faire éclore la nouvelle génération. Et maintenant, on sait qu’il y a du talent derrière Modric, Perisic ou Kovacic. Luka (Modric) est toujours le meilleur joueur de l’équipe à 37 ans mais les jeunes poussent.”
Chez les Diables rouges, c’est moins le cas.
”La Belgique traverse la même période que nous avons traversée il y a un an ou deux. Nous, on a déjà fait la transition que les Diables rouges amorcent seulement. Mais pour cela, le sélectionneur doit être capable de lancer des jeunes joueurs à des moments clés. Aujourd’hui, notre banc a plus de ressources que le banc belge.”
En parlant du sélectionneur, comment est perçu Zlatko Dalic en Croatie ?
”Selon moi, on ne peut qu’apprécier un entraîneur qui a permis à la sélection d’être vice-championne du monde. Il a été critiqué durant le changement de génération mais il est en train de faire taire les critiques.”
Pour terminer, comment imaginez-vous la rencontre de jeudi ?
”Ce sera un match compliqué pour les Croates. Dans le football, tout est possible et il ne faut pas croire que tout est joué d’avance. Mais l’avantage de la Croatie, c’est qu’elle n’a besoin que d’un petit point là où la Belgique doit absolument gagner. Je m’attends à un match ouvert, qui peut partir d’un côté comme de l’autre. Comme je l’ai dit, la bataille du milieu de terrain sera cruciale mais il y a aussi des éléments sur lesquels on ne peut rien faire. Si Thibaut Courtois a le même jour de grâce qu’en finale de Ligue des champions, la Croatie ne marquera pas. Et avec un grand Lukaku, on verra une autre Belgique, tant physiquement que mentalement.”
