Felice Mazzù mûrit sa reconquête à Charleroi : “On doit avoir l’ambition de jouer le top 6 la saison prochaine”
Son bilan de 29 points sur 51 n’aura pas suffi à hisser Charleroi en playoffs. Tant pis. Après les vacances, dans un championnat nouvelle formule, Felice Mazzù activera le mode reconquête. Objectif top 6.
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Publié le 12-05-2023 à 05h00
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Homme simple et entraîneur toujours accessible, Felice Mazzù débranchera toutefois volontiers ordinateur et téléphone, à partir de lundi, pour des vacances bien méritées. Pour la première fois depuis belle lurette, elles seront sereines pour l’entraîneur actuel du Sporting de Charleroi. La non-qualification pour les Europe playoffs digérée, il pourra partir l’esprit apaisé, avant d’attaquer la préparation d’une nouvelle saison que le RCSC espère plus positive et plus stable, avec le top 6 – et donc une accession aux playoffs 1 vu la nouvelle mouture du championnat – comme objectif désigné.
Avant de prendre le soleil et de profiter des siens, Felice Mazzù (57 ans) a tout de même accepté un dernier devoir médiatique, en milieu de semaine, pour dresser avec plus de recul le bilan de ses cinq derniers mois mine de rien énergivores à Charleroi, et entrouvrir l’avenir.
Mazzù prône l'unité pour son retour à CharleroiFelice, à quoi ressemblent les vacances d’un entraîneur de première division ?
”Personnellement, je vais essayer de déconnecter totalement, ce dont j’étais incapable il y a dix ans. Mais l’âge avançant, ça va mieux (sourire). Je partirai à l’étranger, je ferai un peu de sport et prendrai du bon temps en pensant à moi, ma femme et mes enfants.”
Ce seront enfin des vacances estivales sereines pour vous ?
”Oui, je suis d’accord. Celles entre mon passage de l’Union Saint-Gilloise à Anderlecht ont été catastrophiques. Cette fois, malgré un peu de boulot à distance, je serai plus tranquille parce que je sais quand, où et avec qui je les passerai.”
En 25 ans de carrière, c'est la première fois que je reprenais une équipe en cours de saison.
Aussi parce que vous avez digéré la fin précoce du championnat, sans playoffs ?
”Oui, et c’est la première fois que je vis une telle situation, sans matchs en fin de saison. Honnêtement, je pensais que ce serait beaucoup plus difficile à gérer, même si on a été traversé par pleins d’émotions. Les joueurs ont été respectueux de ces trois semaines creuses sans véritable objectif sportif. Ça me conforte dans l’idée que c’était la bonne option de continuer les entraînements, de rester ensemble pour accepter la déception, et d’entamer la préparation un peu plus tard. Si on était resté chacun de notre côté, cela aurait été plus douloureux. Les mauvaises langues parleront de notre défaite de mardi en amical (NdlR : 2-3 contre le RFC Liège), mais je n’en veux pas aux joueurs. Je peux comprendre un manque de motivation et la crainte d’une blessure.”
Le fait que votre saison se soit jouée sur le dernier match, cela influence le bilan final ?
”Non. Le bilan que l’on a tiré en interne, sur la période depuis mon retour, est très bon. La qualification pour les playoffs n’était pas l’objectif initial, ne l’oublions pas (NdlR : il parlait de maintien à son arrivée). La neuvième place finale ne doit pas occulter le bilan des dix-sept matchs. Sur cette tranche, on est troisième ex aequo (NdlR : avec 29 points sur 51). Si ce dernier match contre Genk s’était déroulé plus tôt dans la saison ou s’il n’avait pas été couperet, tout le monde aurait dit que notre prestation et le résultat étaient merveilleux.”

Qu’est-ce que cela a changé pour vous de reprendre une équipe en cours de saison ?
”C’est la première fois que cela m’arrive en 25 ans de carrière, peu importe la division. J’étais moi aussi dans le questionnement. Mais finalement, avec beaucoup d’humilité, c’est une réussite. Et elle est collective.”
Qu’est-ce que ça vous a appris, sur vous-même et sur le métier ?
”Quand vous entamez une saison dans un club, les choses sont claires. Vous démarrez de zéro et vous avez le temps d’inculquer vos idées et votre philosophie. Quand vous reprenez une équipe en cours de saison, vous devez convaincre les joueurs de changer des choses acquises les mois précédents avec l’ancien entraîneur. Souvent dans l’urgence. Il faut aller à l’essentiel. Donc l’approche est différente.”
Quand on est dans l'urgence, on ne sait pas laisser le même crédit aux joueurs.
À quel niveau, par exemple ?
”Dans mon coaching ou certains choix. Vu notre situation sportive à la trêve (NdlR : 13e à six points du premier relégable), j’ai dû faire des choix parfois très rapidement pour une dynamique de groupe. On ne sait pas laisser le même crédit aux joueurs quand on est dans l’urgence. C’était parfois contre-nature pour moi, mais j’ai toujours expliqué mes décisions aux joueurs.”
Souhaitez-vous apporter des modifications organisationnelles pour la saison prochaine ?
”On doit toujours améliorer des choses. Mais dans le staff même, je n’ai pas envie de changer quoi que ce soit (Ndlr : il est arrivé avec son analyste vidéo Sandro Salamone). J’ai fait confiance aux personnes présentes autour de moi et elles me l’ont bien rendu. Le staff a fait un travail extraordinaire.”

À quel mercato faut-il s’attendre ?
”Il faut selon moi rééquilibrer l’effectif, principalement le secteur défensif. Pas en qualité mais en quantité. Certains ont été pénalisés ou ont reçu moins de temps de jeu à cause de ça.”
Ne manque-t-il pas aussi des défenseurs latéraux pour pouvoir jouer à quatre ?
”Notre système actuel, à trois, a donné satisfaction. Cette saison et la précédente. Mais il est clair qu’il faut être prêt à changer, à éventuellement s’adapter. D’ailleurs, quand on l’a fait lors de quelques fins de matchs, cela nous a souvent réussi. On verra selon les profils disponibles.”
Je sais que la santé financière du club reste la priorité.
Ne craignez-vous pas de perdre plusieurs cadres, dont Adem Zorgane ?
”Non. La stabilité est le paramètre le plus important dans un effectif. Vous savez comment Mehdi Bayat et moi aimons travailler. Mais je suis aussi conscient que la santé financière du club reste la priorité. Je me suis réengagé ici en sachant très bien comment Charleroi fonctionne et qu’il faut régulièrement vendre un ou deux cadres. Dans les transferts entrants, vous en connaissez déjà deux.”
Justement, que peuvent apporter Oday Dabbagh (attaquant, FC Arouca, 24 ans) et Antoine Bernier (ailier offensif, Seraing, 25 ans) ?
”Ils doivent nous permettre d’élargir notre palette offensive. En amenant leur vivacité et les qualités techniques. Je me suis récemment entretenu avec Dabbagh, de passage quelques jours à Charleroi. J’ai aussi regardé beaucoup de vidéos. Quant à Bernier, je le connais par cœur. Il nous a toujours posé des problèmes quand on l’affrontait et je le voulais déjà dans mes clubs précédents…”

Où se situent les manques ?
”Il nous faut plus d’efficacité, tout simplement. Offensivement, je me souviens entre autres des matchs contre Ostende, Louvain, et même Genk. Puis défensivement, on a aussi perdu l’efficacité affichée en février et mars (NdlR : 5 clean sheet en 6 matchs). Dernièrement, on a trop encaissé (NdlR : 9 buts en 4 matchs) alors qu’on avait installé un truc extraordinaire. C’est pour ça qu’il ne faut pas trop de surnombre, pour garder une concurrence cohérente.”
Quelle sera l’ambition la saison prochaine ?
”Supérieure à celle de cette saison. Ces dernières années, Charleroi a pris l’habitude de disputer ces playoffs à six. On doit avoir cette ambition, je ne peux pas vous dire autre chose. On doit s’en donner les moyens mais la manière de le communiquer sera importante pour ne pas nous infliger trop de pression vis-à-vis du monde extérieur, du public ou de la presse. Mais je le répète, la communication est primordiale. Certains grands clubs pensent qu’ils ne doivent s’exprimer que de la sorte, alors que leur structure et leur organisation font qu’une autre communication pourrait enlever beaucoup de pression… (silence).”
Mazzù a failli solder ses comptes”Au début, j’ai certainement été un peu naïf”
Felice Mazzù l’assure : “Mes passages à Genk, à l’Union Saint-Gilloise et à Anderlecht m’ont changé, complètement, affirme-t-il. Pas vis-à-vis de mes joueurs, mais par rapport au monde extérieur. Quel que soit mon groupe, je garderai toujours la même approche parce que c’est ma manière d’être et que je suis convaincu que la connexion interne, sans perdre de discipline, est la chose la plus importante qui soit.”
Mais. Il y a un mais. “En revanche, ce que je pense des gens ou de la vraie politique d’un club professionnel a changé. Ça, oui. Il y a beaucoup d’hypocrites et de profiteurs qui gravitent autour. Dans le passé, cela m’impactait. Maintenant plus du tout. Je suis nettement plus serein par rapport à tout ce qui peut se dire sur moi. J’ai aussi moins envie de me montrer, ce n’est plus important à mes yeux”.
Elle semble loin, la naïveté qui pouvait l’habiter lors de ses débuts professionnels à Charleroi (2013-2019). “J’ai certainement été un peu naïf, admet Mazzù, aujourd’hui plus serein et sûr de lui. Initialement, je fais confiance aux gens. Je respecte les idées et les pensées des autres. Mais ça a changé. Je me fous de tout le superflu maintenant.”