En rééducation avec Nadhir Benbouali à Charleroi : “Pour la première fois, j’ai vu mon père pleurer”
Nadhir Benbouali, attaquant algérien du RCSC, évoque sa rupture des ligaments croisés du genou et le long chemin de croix entamé pour revenir plus fort.
Publié le 02-03-2023 à 18h00
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Il est environ 15 heures, ce vendredi 24 février chez “RPM” (rehab performance management), centre de rééducation situé à Gozée où sont régulièrement pris en charge les joueurs du Sporting de Charleroi. Nadhir Benbouali franchit la porte de ce lieu pratiquement devenu sa deuxième maison, depuis quelques semaines et pour quelques mois encore.
Il est en béquilles, un mois après son opération du genou gauche subie à Anvers. “Chaque jour, j’ai rendez-vous à 8h30 pour une première partie en salle au stade. On alterne parfois avec une séance en piscine pour réapprendre à marcher ou travailler sur l’extension de ma jambe, commente Benbouali, la voix basse, un petit sourire en guise d’espoir. L’après-midi, je viens ici pour environ une heure trente de travail avec l’un des kinés du club.”
Portrait de Nadhir BenboualiAu programme du jour : un peu de vélo, quelques exercices de réactivation. À ce stade, chaque petit pas peut sembler une grande avancée. “En plus de l’opération des ligaments croisés du genou, Nadhir a souffert d’une lésion méniscale. On est encore dans la phase 1 post-opération, explique Frédéric Vanbelle, en charge du suivi de l’Algérien avec les kinés du Sporting Tristan Blyckaerts et Lilian Scarlata. Au début, il fallait le pousser un peu parce qu’il était logiquement craintif par rapport au traitement. C’était une inconnue pour lui.”

Un bruit qui laisse peu de doutes
Arrivé en Europe l’été dernier en provenance du Paradou AC avec des rêves plein la tête, Nadhir Benbouali (22 ans) a vu son espoir d’éclosion prendre un sacré coup de frein ce soir du 7 janvier 2023 sur la pelouse d’Eupen. Vers l’heure de jeu, sur une charge par l’arrière de Gary Magnée au milieu du terrain, son genou a tourné. “Je me souviens avoir entendu un claquement. Je n’ai pas réalisé tout de suite qu’il s’agissait des ligaments croisés mais j’ai directement su que c’était grave”, rembobine-t-il timidement.
Sa détermination n’aura pas suffi, ce soir-là. “J’étais monté à la mi-temps. J’avais envie d’aider l’équipe, de me montrer, donc j’ai essayé de reprendre part au jeu. Mais de retour sur le terrain, je ne parvenais plus à contrôler mon genou.” En fin de match, malgré la victoire arrachée par ses équipiers (1-2), Benbouali n’a pu retenir ses larmes. “J’ai pleuré toute la nuit. Ce sont des moments douloureux.”

Loin des siens, bien qu’épaulé par son équipier, compatriote et grand ami Adem Zorgane, le natif de Chlef a d’abord souhaité rentrer en Algérie pour entamer sa revalidation. Ce sont finalement ses proches qui viendront à lui. “J’ai un frère qui habite en France, et mes parents vont arriver en Belgique dans une quinzaine de jours. Ça va me faire du bien de les avoir près de moi, me soulager.”
C'est la première grosse blessure de ma carrière.
Et l’aider à surmonter mentalement ce coup du sort. “C’est la première grosse blessure de ma carrière. Avant ça, en Algérie, j’avais été sur la touche maximum une semaine. Ici, c’est autre chose… Quand j’ai appelé mes parents pour les prévenir, pour la première fois j’ai vu mon père pleurer. Il est médecin, donc quand on lui a parlé des ligaments croisés du genou, il savait pertinemment que ce serait long et pénible pour m’en remettre.”
Sur le vélo d’à côté, un homme d’un certain âge jette un regard admiratif sur le grand gaillard qui tourne méticuleusement les jambes. Benbouali descend du sien. Il s’assied et enfile une sangle au niveau du bas de la cuisse pour une séance de BFR. Ce sont les initiales pour “blood flow restriction”, comprenez une restriction du flux sanguin. La zone meurtrie est appauvrie en sang, et donc en oxygène, ce qui pousse la réparation musculaire. Son front perle. Il serre les dents. Il souffle. Souffre. Le prix à payer. Mais il tente de philosopher : “Les blessures font partie du football.”

Adaptation freinée
Le football qu’il a découvert en Belgique constitue forcément un grand changement pour lui. Son adaptation ne fut pas évidente, notamment parce que l’Algérien, sensible, s’est infligé une grosse pression d’emblée. En pensant peut-être un peu vite qu’il réussirait rapidement à empiler les buts, comme au pays.
”La découverte du championnat n’a pas été facile. J’ai dû m’adapter à l’impact physique ici. Heureusement, j’ai mon mètre 90 et mon gabarit, sourit le numéro 45. Cette blessure vient briser mon adaptation, mais je suis sûr que je reviendrai plus fort la saison prochaine et que je réussirai. Je l’espère de tout mon cœur.”
Pour ajouter d’autres buts aux deux inscrits en seize apparitions. Grâce à deux passes décisives de Zorgane, “la Paradou connexion”, plaisante-t-il. Dont l’un fêté par un saut à la retourne, bras et jambes écartés, comme Cristiano Ronaldo. “Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, se marre Benbouali. Rien n’était prémédité. Cette célébration est venue comme ça, sur le moment. Je l’avais déjà faite une fois au Paradou.”
Retour à la réalité. Exercice suivant. Réagir à un signal lumineux, enjamber une petite haie en pliant la jambe, toujours aidé par les béquilles. “Dernière série.” Il serre les dents. Encore. Et fixe l’un des maillots encadrés au mur. Massimo Bruno, Crisitan Benavente, Dorian Dessoleil… Des joueurs passés par de pareilles souffrances.
Je reviendrai plus fort.
Un élan de motivation pour finir l’heure trente de travail. Avec le sentiment du devoir accompli mais la contrainte de devoir revenir lundi, et tous les autres jours d’une rééducation qui prendra encore six mois, au moins. Avant un retour sur terrain, petit à petit, pour retrouver le ballon, le rythme et les sensations.
Bientôt 16h30. Nadhir Benbouali renfile son impressionnante genouillère et répète, tel un mantra : “Je reviendrai plus fort. Je sais que je ne serai pas prêt pour la reprise du championnat en juillet mais je veux revenir plus fort.” Demain est un autre jour.