Lorin Parys (Pro League) évoque la nouvelle loi football: "Les fouilles autorisées actuellement sont trop sommaires"
Le CEO de la Pro League, Lorin Parys, explique comment la nouvelle loi football renforcera la sécurité dans les stades mais regrette que les stewards ne puissent effectuer de fouilles approfondies.
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Publié le 28-02-2023 à 08h00
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Nommé CEO de la Pro League en mars 2022, Lorin Parys a vécu une année bien remplie avec le lancement du plan "football first" puis les débats sur la sécurité dans les stades. Entretien avec le nouvel homme fort du foot professionnel belge.
Lorin Parys, la loi football 2.0 est en chemin. Est-ce le texte qui doit permettre à la Pro League de tourner la page des matchs arrêtés ?
"Ça avance bien, on a une bonne relation avec la ministre Verlinden. Cette loi doit nous accorder les instruments pour mieux gérer. Il y a 4 piliers dans notre politique de sécurité : la prévention ; des sanctions plus lourdes, prononcées plus rapidement et uniformément. Si un spectateur jette un pyro, la sanction de base est maintenant deux fois plus forte qu’en Premier League. On a également investi au niveau des infrastructures : caméras, stewards, etc. Enfin, on a un volet justice réparatrice: une sanction peut devenir un parcours d’apprentissage. On a une approche complète de la sécurité, au point que des dirigeants d’autres ligues me disent nous envier de ces changements. On travaille sur chaque aspect pour arriver à un football où un parent ne se demande pas s’il sera dangereux de venir au stade avec son enfant. Je vois les graines du changement arriver, comme des supporters ou des dirigeants qui se sont exprimés contre certains comportements.
On a des projets pilotes pour autoriser une utilisation encadrée d'engins pyrotechniques
On va aussi à la rencontre des fans; fédération des supporters ou Ultras. On discute de projets pilotes pour autoriser l’usage d’engins pyrotechniques dans un certain cadre, même si la décision finale revient à la ministre et aux bourgmestres."
Le coup de gueule de la Pro League après l'arrêt du match Charleroi-MalinesAllez-vous retrouver dans cette nouvelle loi les éléments que la Pro League a demandé pour en finir avec les excès ?
"Nous avons demandé plusieurs choses. Que les stewards puissent identifier les supporters, ce qui a été accepté. L'interdiction de porter des cagoules ou de se masquer le visage dans le stade et alentours est dans la loi. Le déploiement de chiens antidrogues devrait aussi être plus facile. On souhaitait également étendre les pouvoirs de fouille des stewards. En l'état, le projet ne contient pas cela, mais ça pourrait encore être intégré, même si le projet est introduit au parlement. Il n'est pas prévu non plus que les interdits de stade doivent se présenter aux commissariats les jours de match, comme demandé par plusieurs chefs de police et par nous. Pourquoi ne pas prévoir un check-in électronique comme dans d'autres pays, par exemple, qui assure qu’un interdit de stade ne se trouve pas dans les alentours du stade ? Par ailleurs, on a demandé que soit introduite une interdiction de stade internationale, pour que des condamnés qui viendraient de France ou des Pays-Bas ne puissent plus perturber des rencontres chez nous. On a lié notre système de billetterie aux trois bases de données belges répertoriant les interdits de stade, pour qu'ils soient automatiquement bloqués s'ils achètent un ticket... mais si un hooligan de Feyenoord achète un ticket dans un stade belge, il n'est pas recensé lui. La Pro League a fait tout ce qui est en son pouvoir, mais nous n'avons pas les moyens de combattre des hooligans d'autres pays. Les clubs sont prêts à prendre leurs responsabilités, mais il leur faut les outils pour cela."

Donc, en l’état, les stewards ne pourront faire plus que des palpations. C’est un regret?
"Oui, mais je garde l’espoir que cela soit encore intégré dans la loi. Le week-end passé, le chef de police de Bruxelles-Sud a confirmé que les fouilles permises sont trop sommaires. Le monde extérieur demande aux clubs d’identifier ceux qui jettent des pyros. D’accord, mais s’ils mettent une cagoule ou un autre vêtement pour se cacher, on ne sait pas le faire tout seul, voilà pourquoi je souhaiterais une réunion avec tous les chefs de zone de police de nos stades car la situation est paradoxale : la police est là, voit que quelqu’un enfile une cagoule, mais ne fait rien car elle dit que si elle intervient, cela envenimera les choses."
J'ai encore l'espoir que la loi donne aux stewards le pouvoir de fouille
"Ce n’est pas le rôle des stewards de contraindre physiquement les gens et on ne le souhaite pas. Mais si la police ne veut pas le faire… quelle est la solution ? Je souhaite connaître leur point de vue et leur expérience."
Pourquoi vous refuse-t-on d’étendre le pouvoir des stewards ?
"Le cabinet de la ministre Verlinden nous répond qu’ils auraient alors quasiment les mêmes pouvoirs de fouille que la police. Nous aimerions qu’ils puissent faire plus que palper sommairement. Certains supporters cachent des pyros dans leurs cheveux, mais il faut pouvoir les fouiller pour trouver cela."
On va le dire à votre place : n’y a-t-il pas une hypocrisie du politique de pointer les clubs du doigt, mais de ne pas leur donner tous les outils pour agir ?
"Disons que j’espère encore que ce point aboutisse dans la loi, que l’on parvienne à boucler le cercle de sécurité avec tous les instruments dont on a besoin."
Au niveau de la Pro League, la procédure de l'arrêt de match en trois étapes n’est-elle pas en train de se retourner contre vous puisque des supporters l'utilisent sciemment pour stopper des rencontres?
"Cette règle mérite une réflexion, oui, car elle va parfois contre le principe qui veut que le résultat d'un match doit être déterminé par les acteurs présents sur la pelouse et par eux seuls. On est toujours dans une période d'évaluation. On ne va pas la changer en cours de saison, mais la réflexion est entamée pour la saison prochaine."
On me demande souvent si la politique me manque et je réponds "non" sans hésitation.
Parlons de votre première année de CEO de la Pro League : a-t-elle été plus dure que prévue?
"On me demande souvent si la politique me manque et je réponds toujours ‘non’ sans hésitation. Ici, les choses bougent. On prend une décision, on l'exécute et on voit les résultats assez rapidement, comme avec le projet "Football First" qu'on a lancé en juin avec un changement de format de compétition, un plan sur les finances, de nouveaux statuts, un nouveau conseil d'administrations, la Pro League business school ou encore un nouveau projet sur le football féminin que l'on va annoncer tout prochainement. C'est motivant. Et puis, en un an, j'ai aussi appris à dire ‘non’ beaucoup (sourire)."
Car le football professionnel est un monde où on vous demande parfois des choses limites auxquelles il faut s’opposer ?
"Si on peut trouver des solutions dans les règles, trouvons-les. Mais s'il y a une règle, c'est qu'il faut la suivre. J'ai dû dire 'non' maintes fois, mais je vois que ça évolue. C'est important d'être irréprochable aux yeux de tout le monde."
On dit parfois que la Pro League est un bassin de requins concurrents et qu’il n’est pas facile d’y nager.
"J'ai plutôt rencontré de l'engagement et du courage de la part des dirigeants de clubs, notamment dans le vote du plan d'assainissement des finances. Disons que si j'ai été étonné, c'était plutôt dans le bon sens. Si l'on parle de bassin de requins, je viens de la politique, alors il n'y a plus grand-chose qui peut m'étonner (rires)."

Dans un milieu de plus en plus aux mains de propriétaires étrangers, vous êtes aussi une caution belge.
"Ce qui compte, c'est ce que les clubs font sur le terrain, c'est là où la Pro League a quelque chose à dire, comme contraindre les clubs à investir dans la formation et les projets sociaux. Je défendrai toujours les règles qui ont été votées, comme celle de la présence de six Belges sur la feuille de match. Si on vote une règle, on s’y tient. Si on ne l’apprécie plus, alors il faut la changer."
Ramener plus de monde dans les stades ne doit-il pas être votre projet défi ?
"On voit une amélioration depuis juillet. On tente de trouver un équilibre pour que les téléspectateurs ainsi que les supporters présents en tribunes soient bien servis. On communique beaucoup avec les fans, raison pour laquelle on a supprimé la case du dimanche 21h. La saison prochaine, on annoncera le calendrier non plus à sept moments différents, mais à trois seulement, pour leur faciliter les choses."
C'est au politique à créer un climat où on peut développer de nouveaux stades
Mais si l’on parle des stades, il faut aussi dire que les infrastructures ne sont pas toujours au niveau. Que vous inspire le nouveau coup d’arrêt du projet de stade du Club Bruges, à cet égard ?
"Il n'y a pas que Bruges, mais d'autres cas où ça n'avance pas non plus. C'est dommage de voir nos clubs souhaiter investir pour améliorer leurs infrastructures mais ne pas y arriver. Pour la compétitivité des clubs au niveau européen, pour le climat d'investissement, pour la formation des jeunes, c'est un désastre. Si on accueille les supporters dans des infrastructures qui ne sont plus à jour, ils préféreront rester devant la télévision. C'est au monde politique à créer un climat où on peut encore développer de nouveaux stades. C'est crucial. Parfois, ce n'est pas l’appui politique qui manque, mais les règles juridiques sont telles que mener à terme un projet est impossible. Une réflexion approfondie est nécessaire à ce niveau et rapidement. Bruges reçoit une dérogation pour jouer en Ligue des champions, mais cela ne va pas se dérouler éternellement."