Alerte rouge sur les finances du foot belge (3/5) : ce que doivent faire les clubs pour redresser la barre
Tour d’horizon des mesures que doivent prendre les clubs de Pro League face aux nouvelles règles.
Stéphane LecaillonPublié le 08-02-2023 à 12h00 - Mis à jour le 09-02-2023 à 12h12
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La majorité des clubs belges sont dans le rouge, avec des dépenses beaucoup trop lourdes par rapport aux revenus. Raison pour laquelle la Pro League a lancé un plan avec deux grands axes de travail d’ici 2027 : que la masse salariale ne représente pas plus de 70 % des revenus et que les fonds propres négatifs redeviennent positifs en cinq ans. On passe en revue les principaux clubs de D1 – Antwerp, Eupen, Seraing, Zulte et Genk n’ont pas publié leurs comptes 2021-22 – et les défis qui les attendent.
Anderlecht doit alléger sa masse salariale
L’opération finances saines a commencé à Anderlecht. Peter Verbeke, l’ancien CEO, avait mis en place un plan pour retrouver l’équilibre en cinq ans. Il se basait sur des transferts à bas prix avec une revente à gros prix. Sauf qu’Anderlecht n’a pas bien transféré (et a dû passer par des prêts) lors des derniers mercatos et a rentré moins d’argent que prévu.
”Le problème d’Anderlecht est sa masse salariale”, précise Trudo Dejonghe. L’économiste du sport pointe des chiffres anormaux : 38 millions de chiffre d’affaires (fixe) et 57 millions de masse salariale. Les salaires annuels cumulés de Trebel, Hoedt, Refaelov et Van Crombrugge dépassent les 10 millions. Cette saison – qui n’est pas incluse dans les comptes – Anderlecht a ajouté Vertonghen et Diawara. Deux gros salaires supplémentaires.
Anderlecht a commencé à élaguer pour réduire au maximum ses coûts salariaux. Le calcul est assez simple, le RSCA doit dépenser près de deux fois moins dans ce secteur à moyen terme. “Ça me fait d’ailleurs sourire que les supporters réclament des transferts, dit Dejonghe. Parce qu’il n’y a pas d’argent dans les caisses et qu’Anderlecht aurait perdu près de 30 millions sans la hausse de capital. Ils ne doivent rien viser de plus que le maintien et juste penser à libérer les gros contrats.” Les Mauves devront également espérer bien vendre leurs joueurs afin de combler les dettes et principalement celles dues à un an. Elle était de 41,5 millions en juin. La priorité des Mauves est de la rembourser.
Alerte rouge sur les finances du foot belge (1/5): "Le plan de redressement était nécessaire, mais il peut aussi tuer des clubs"Charleroi est le bon élève
Trudo Dejonghe voit d’un bon œil les méthodes de Mehdi Bayat. “Il a parfois été en conflit avec ses supporters. Les supporters voient les résultats d’aujourd’hui mais les clubs doivent penser à demain et après-demain. Les supporters ne sont pas fiers du fait que leur club gagne de l’argent mais parce qu’il prend des points. ”

Mehdi Bayat a, depuis qu’il gère le club, tout fait pour maximiser la valeur de certains joueurs quitte à les vendre très tôt (Nicholson et Bayo en sont les exemples plus récents). Si la méthode a parfois pesé sportivement, elle a permis à Charleroi de pouvoir être targué de club sain. La saison passée les Zèbres ont fait 2,5 millions de bénéfices. Le secret se trouve dans la masse salariale qui n’atteint pas les 13 millions et n’équivaut qu’à 45 % du chiffre d’affaires.
Avec ce modèle, Charleroi peut perdurer sans souci. “Mais dans le ventre mou du tableau”, nuance Dejonghe. En ne pouvant pas offrir de gros salaires et en devant forcer ses ventes, Charleroi aura du mal à chatouiller des clubs plus dépensiers. L’arrivée du stade va peser dans les comptes à l’avenir mais devrait compenser au long cours les capacités concurrentielles sportives des Zèbres.
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Le Standard est confronté à de grosses pertes depuis un moment. Après avoir perdu 19,7 puis 20,2 millions € lors des exercices 20-21 et 21-22, le déficit cumulé des dernières années a atteint 44,9 millions €. 777 Partners a donc décidé en mai d’agir pour se préparer aux nouvelles exigences de la Pro League en réinjectant d’une part 5 millions € dans le capital, puis en utilisant la quasi-totalité de ce capital (16,9 millions €) pour apurer les pertes. Résultat : le Standard n’a plus “que” 26,5 millions de capitaux propres négatifs, ce qui limite l’effort à fournir pour atteindre des fonds propres positifs en 2027, comme l’impose désormais le règlement de la Pro League.

Comme 777 Partners n’a pas envie d’injecter chaque année des dizaines de millions, il n’a pas le choix et doit réduire la voilure. Première solution, lorsqu’on ne génère pas assez de revenus en loupant l’Europe et les champions playoffs, c’est de (bien) vendre ses joueurs. Les départs d’Amallah et Raskin feront baisser l’enveloppe salariale, mais les faibles montants récupérés pour ces transferts au regard de la valeur des joueurs empêchera le Standard de faire une double bonne affaire. Plus largement, le RSCL vend mal : Djenepo et Marin sont les deux seuls joueurs à avoir quitté Sclessin pour plus de 8 millions € ces dix dernières années.
Une perte de 20 millions au dernier bilan roucheAutre option : se séparer de gros contrats pour réduire une masse salariale qui était encore en 2021-22 dans le top 6 de la Pro League (28,9M €), un rang bien trop élevé pour une équipe qui a terminé 14e. Le Standard répond tout juste à l’autre exigence de la Ligue : voir les rémunérations de l’équipe représenter 70 % des revenus au maximum d’ici 2027. Mission accomplie, mais aussi parce que les Rouches ont su vendre en 21-22 des joueurs (Muleka, Siquet, Balikwisha) pour 10,6 millions €.
Union SG : encore en perte, malgré les performances
Financièrement aussi, le promu de D1B a changé de monde en 2021-22, en intégrant la D1A et en signant une incroyable saison qui l’a mené à la seconde place. Après avoir perdu 8,9 millions € en D1B l’année précédente, la RUSG a profité de revenus nettement en hausse (19,7 au lieu de 5,6 millions €) pour terminer la saison… avec une perte moins importante, mais une perte quand même : -4,1 millions €. Il faut dire que les rentrées européennes n’arriveront que cette saison et que la masse salariale a sensiblement augmenté (15,2M €).
Cette dernière, nettement inférieure à celle des clubs du G5, représente un peu plus de 70 % des revenus, ce qui n’est pas un problème dans l’immédiat, mais ce ratio devra être amélioré à terme.
Comme beaucoup, l’Union avait en juin de capitaux propres négatifs (-8,3 M €). Un problème réglé par une hausse de capital de 9 millions € de la société détenue par Alex Muzio et Tony Bloom en ce mois de janvier. Il faut rester à l’équilibre, maintenant, ce qui est simple lorsqu’il y a une belle campagne européenne comme cette année. Mais on a bien conscience à Saint-Gilles que cela ne sera pas le cas chaque fois ; d’où l’importance de construire un nouveau stade qui permettrait aux Bruxellois de créer plus de revenus.
La Commune de Forest dit 'non' à la proposition de l'Union pour le BemptLe Club Bruges ne doit pas uniquement compter sur l’Europe
Le Club Bruges a bien rempli ses caisses en 2021-22. Notamment grâce au transfert sortant de Kossounou (23 millions) et à plus de 30 millions des primes de participation à la Ligue des champions. Ce qui permet au champion en titre d’être en bénéfice de plus de 5,5 millions. Attention toutefois que le rythme des dépenses du Club – 129 millions de coûts d’entreprise, dont 69 millions de salaires – est supérieur à ses rentrées fixes (84 millions). “Idéalement, il faudrait que les salaires équivalent à 60 % du chiffre d’affaires et plus 80 %”, dit l’économiste Trudo Dejonghe.

Les Brugeois ont un modèle économique efficace et qui a fait ses preuves au fil des années grâce aux investissements du président Bart Verhaeghe. Continuer à ce rythme risque toutefois d’être compliqué notamment au vu des investissements prévus – malgré le refus de son permis, le Club rêve d’un nouveau stade – et une probable absence en poules de la Ligue des champions en 2023-24. “Cela aura un poids dans la balance”, appuie Dejonghe.
Le Club doit également s’acquitter dans l’année d’une dette considérable de près de 42 millions d’euros. Ses rentrées européennes devront d’abord compenser ce vide avant de remplir les caisses.
Gand : une courbe en baisse
Devenu un des grands de Belgique au fil des ans, Gand présente un bilan financier mitigé : ses fonds propres restent parmi les trois plus gros de D1 (16,6 millions €), mais sont moins importants qu’un an plus tôt (22,7 millions) à cause d’un exercice 2021-22 terminé en négatif (-6,1 millions €), ce qui n’est pas illogique pour une équipe qui a loupé les Champions playoffs et n’a disputé “que” la Conference League. Car la masse salariale des Buffalos reste une des trois plus grosses de Belgique (39,5 millions €) après le Club et Anderlecht, ce qui oblige le KAA à vendre (environ 30 millions €) pour rester dans les clous et éponger une dette à un an de quasiment 20 millions € (19,7).
Genk ne sera plus longtemps une ASBL
Genk est une sorte d’anomalie dans le système belge. Le club limbourgeois possède un statut économique à part vu qu’il fonctionne sous le régime d’ASBL. Son président est d’ailleurs élu pour un mandat limité. Est-ce un problème ? Absolument pas. Pour le moment du moins. Genk réussi depuis des années à maintenir ses comptes à flot. Ses comptes de 2021-22 n’ont pas été publiés mais il ne perdait qu’un peu d’argent sur l’exercice précédent.
Le modèle tient grâce à la bonne gestion du club et à sa balance de transferts largement dans le vert (+34 millions cette saison). Un changement pourrait arriver en cas de coup de moins bien. “Genk pourrait devenir une SA si un jour il doit réaliser une hausse de capital, explique Trudo Dejonghe. Une ASBL peut recevoir des dons mais ne peut pas vendre des parts. Genk peut continuer de la sorte tant que tout va bien. Si cela change, il faudra évoluer.”