Paul Nardi : “Et là, on me dit : 'Tu vas aller jouer en D2 belge, au Cercle de Bruges, et ils sont derniers'”
Paul Nardi, qui s’est forgé un statut de numéro 1 à Gand, revient sur les déconvenues qui ont parsemé sa carrière et la façon dont il a rebondi avant d’affronter l’Union ce jeudi soir en Coupe.
Publié le 12-01-2023 à 14h05
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Trois ans après avoir quitté la Belgique et le Cercle de Bruges pour rentrer à Monaco et tenter l’aventure en Ligue 1, Paul Nardi a fait son retour en D1 belge, cette saison. Le gardien français étrangement placé sur une voie de garage à Lorient a signé sur le gong du mercato estival à Gand, où il est rapidement passé du statut de doublure à celui de numéro 1, devant Davy Roef. Le Franc-Comtois de 28 ans, décisif en huitième de finale de Coupe et à pas mal d’autres occasions, revient sur les méandres d’une carrière qui n’a pas été sans coups durs et bas.
Paul, le 31 août, sur le gong du mercato, vous signiez à Gand après avoir été mis de côté à Lorient. Quatre mois plus tard, en tant que gardien devenu titulaire, vous devez vous dire que les choses vont très vite, parfois.
”C’est magnifique. J’ai signé dans un club du top belge, disputé mes premiers matchs européens et, surtout, je me suis imposé. La deuxième partie de 2022 a été fantastique : au niveau privé également. Le foot avait été compliqué depuis janvier et la première chose positive de l’année a été mon mariage, en juin. On est partis en lune de miel en Tanzanie quatorze jours durant la trêve du Mondial. Les six premiers mois de l’année ont été durs, mais ceux qui me connaissent savent que je suis un optimisme, que je garde toujours le sourire. Je crois qu’on est récompensé dans la vie et le fait de ne pas avoir lâché à Lorient m’a permis de me réépanouir ici. Et puis ma femme a joué un rôle important. On est ensemble depuis plus de dix ans, avant même que je sois professionnel. Elle a toujours été là pour moi, a connu mes hauts et mes bas. C’est important d’avoir une épaule sur laquelle se reposer quand on est moins bien et j’essaie d’être présent pour elle également, parce que ce n’est pas évident d’être éloigné des siens. Nous, footballeurs, on est formés à ça. J’ai quitté Vesoul et ma famille dès 12 ans pour le centre de formation de Nancy, je sais ce que c’est. Mais pour elle, c’est différent. Elle m’a suivi partout en mettant sa carrière professionnelle de côté. Elle a essayé de trouver un travail à Bruges, mais avec la barrière de la langue, c’était compliqué. Après ma carrière, ce sera focus sur la sienne.”
En signant à Gand, vous étiez là pour apporter de la concurrence à Davy Roef et vous avez vite pris la place de numéro 1. C’est la loi du sport, mais est-ce facile à gérer dans le groupe que forment les gardiens ?
”C’est la vie de notre poste, qui est à part. Ce que Davy vit, c’est ce que j’ai vécu en janvier à Lorient. Mais le groupe des cinq vit bien ; j’inclus aussi les jeunes Louis Fortin et Célestin De Schrevel et l’entraîneur Francky (Vandendriessche). Ils travaillent fort pour me pousser. Je ne les oublie pas.”
Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que c'est plus facile d'être gardien dans une petite équipe.
Vous semblez plus fort que jamais, cette saison.
”Oui, je n’ai pas peur de le dire. C’est aussi parce que j’évolue dans une équipe performante.”
Était-ce plus facile d’être gardien dans une “petite” équipe où l’on a de nombreux tirs à arrêter, comme au Cercle ?
”Avant Gand, j’avais déjà connu une équipe qui dominait à Lorient, quand on a été champions en Ligue 2. Les deux sont difficiles. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que c’est plus simple pour le gardien qui est beaucoup sollicité : la concentration doit être là dans les deux cas.”

Après avoir été titulaire en Ligue 1, vous êtes-vous dit que revenir en Belgique serait un pas en arrière ?
”Non, pas du tout. Et cela n’a pas été vu comme ça par mes proches. J’avais déjà été en contact avec Gand en janvier, quand mon entraîneur à Lorient m’a dit à trois jours de la fin du mercato : 'Je ne veux plus de toi'. Il y avait des soucis avec Sinan (Bolat) à l’époque, mais ça ne s’est pas fait.”
M'entendre dire que je devais quitter Lorient à trois jours de la fin du mercato, c'était monstrueux.
Vous entendre dire cela, sans l’avoir vu venir, c’était un coup dur ?
”Oui, monstrueux, je ne vais pas le cacher. Même si l’équipe était en difficulté, j’avais fait une très bonne phase aller et mon entraîneur des gardiens venait de refaire un bilan très positif. Puis le coach (Christophe Pélissier, NdlR) m’a mis une défaite contre Lille sur le dos. Il m’a plus ou moins avoué ensuite qu’il était sur la sellette et que c’était un peu lui ou moi. Je lui en voulais à l’époque, car m’annoncer ça en toute fin du mercato, c’était catastrophique.”
Vous aviez déjà eu des déconvenues de ce genre dans votre carrière ?
”Pas aussi grandes, mais j’en ai connu d’autres, oui. C’est dur sur le coup, mais il faut se relever. C’est là qu’on grandit et je suis persuadé à 1 000 % qu’avoir passé cette étape m’a permis d’être meilleur aujourd’hui. Le plus marrant, c’est que Lorient n’a réussi à signer aucun autre gardien en janvier, finalement, et que moi, j’étais toujours là. Le coach m’a demandé quel était mon état d’esprit et j’ai répondu : 'Toujours le même : vous montrer tous les jours que c’est moi le meilleur.' Puis je sors un premier entraînement fantastique et on a un échange de regards où je lui fais comprendre que je suis là. Je n’ai pas rejoué de toute la deuxième moitié de saison pour autant, hein. Mais je n’ai pas lâché à un seul entraînement. Des équipiers avec qui j’ai gardé contact m’ont dit que c’est grâce à ça que j’ai pu signer ici le 31 août.”
C'était stressant d'être mesuré chaque semaine et de s'entendre dire qu'on n'allait pas me prendre parce que je ne faisais pas 1 m 80.
Si cela ne s’était pas réglé le dernier jour, vous auriez pu vous retrouver bloqué à Lorient pour six mois encore, au moins, et ne pas vivre la Coupe d’Europe et tout le reste avec Gand.
”Il y avait eu des contacts en début de mercato avec Gand puis plus grand-chose avant la toute fin. Entre-temps, j’avais pas mal de pistes en Ligue 2, mais comme Lorient n’avait pas encore signé de nouveau gardien, il disait 'non'. Après, ces portes-là s’étaient refermées. Heureusement, c’est l’entraîneur de l’équipe réserve qui a pris la relève, et il m’a dit que vu ce qu’on m’avait déjà fait subir en janvier, il ne voulait pas mettre son veto à mon transfert, même si ça le mettait un peu dans l’embarras, car ils n’avaient pas encore de remplaçant. Ils n’ont transféré Vito Mannone que le lendemain. Heureusement, il y a des gens comme ça dans le milieu.”
Il faut y montrer une grosse force mentale pour réussir, non ?
”Depuis que je suis gamin, je suis confronté à ça. À Nancy, en préformation, j’étais mesuré tous les lundis. Et comme je mettais du temps à atteindre le mètre quatre-vingts, j’entendais dire : 'On ne sait pas si on va le garder, il est petit.' Vous stressez, quand vous entendez ça à 13 ans. D’un autre côté, ça m’a poussé à montrer que ce n’était pas parce que je n’avais pas la taille que je n’étais pas bon. Puis une fois que j’ai passé le mètre quatre-vingts, on m’a accepté au centre de formation. Je discute parfois de tout ça avec mon frère et on se dit que je suis passé plusieurs fois de tout à rien, comme à Lorient. C’est aussi ce qui rend ma carrière belle.
Je suis prêté à Rennes, où je ne joue pas une minute en championnat. J'ai droit à un seul match de Coupe... où j'en prends sept contre Monaco.
Quand je signe à Monaco, tout est extraordinaire pour moi. Je suis doublure pendant un an et je joue un peu (il est international U21, NdlR), puis je pars en prêt un an à Rennes pour prendre du temps de jeu et vraiment lancer ma carrière (en juillet 2016, NdlR). Mais là, je ne joue pas une minute en championnat en six mois. Le numéro 1 (Benoît Costil, NdlR) devait partir… mais il est finalement resté. Je joue un seul match de Coupe de la Ligue contre Monaco et j’en prends sept ! Puis on m’appelle et on me dit : 'Tu dois aller en D2 belge… et ils sont derniers.' (Le Cercle était avant-dernier, en réalité, NdlR.) Ce sont les montagnes russes. Mais finalement, ce que j’ai vécu au Cercle pendant deux ans et demi a été extraordinaire. C’est tout ça qui m’a construit. Sans un gros mental, je n’aurais pas fait de carrière. Dans tous les clubs, il y a des joueurs qui baissent la tête quand ils ne jouent pas. J’essaie d’en parler avec les jeunes. Ici, par exemple, j’ai une bonne relation avec Salah : quand il ne jouait pas, je lui disais de retenir le positif et que ça paierait. Maintenant que ça paie, je lui dis de profiter, mais aussi que ce sera difficile parfois.”

Paul Nardi : “Gand voudra montrer contre l’Union en Coupe qu’on peut remporter des gros matchs”
Pour Gand, le quart de finale qui le verra se déplacer à l’Union Saint-Gilloise jeudi soir (20 h 45) est d’autant plus important que les Buffalos sont actuellement cinquièmes, après leur défaite de samedi à l’Antwerp (2-0). Paul Nardi préface ce match.
Paul, Gand joue-t-il particulièrement gros avec ce quart vu votre classement ?
”La Coupe était de toute façon importante. En tant que tenants du titre, on veut la garder. J’aimerais vivre ce qui a été vécu ici la saison passée. Jeudi, ce sera très compliqué. L’Union est une des meilleures équipes belges et son parcours en Ligue Europa est très beau. Elle sait rebondir quand elle est menée. On a fait un non-match là-bas, donc on sera surmotivés pour montrer qu’on peut remporter ces gros matchs.”
Pour faire mieux en 2023, il faudra davantage de victoires dans ces affiches, non ?
”On a su le faire contre Bruges, mais c’est notre seule victoire contre une équipe du top 4 (pour quatre défaites, NdlR). On devra le faire plus sur la phase retour… et on n’a pas réussi contre l’Antwerp, même si on a eu des occasions à saisir. On doit être plus efficaces dans les deux rectangles. La marque des grands clubs est de répondre directement après un revers, même si, ici, on a juste eu deux moins bons résultats en championnat. Il ne faut pas noircir le tableau non plus. Mais ce match de Coupe peut être très important pour nous. Gand reste un club du top, à mes yeux. On a redressé la pente après un début de saison mitigé. Essayons de passer rapidement devant Bruges.”