Même s’il a rapporté plus de 130 millions en transferts, Jean Kindermans ne plaisait plus à la direction d’Anderlecht
Jean Kindermans, le directeur à succès du centre de formation, a été écarté par les hauts dirigeants du RSCA. Pour quatre grandes raisons qu’on vous détaille. Un tournant dans l’histoire du club.
Publié le 09-01-2023 à 19h26 - Mis à jour le 09-01-2023 à 19h27
:focal(544.5x371.5:554.5x361.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/OORCSPFIJFBFTDB44ULTEKSEB4.jpg)
Dix-huit ans. L’âge de tant de jeunes promesses lancées par Anderlecht ces dernières années. Un nombre qui restera aussi la durée du mandat de Jean Kindermans à la tête du centre de formation au RSCA. Un mandat qui va prendre fin prochainement, le temps de régler officiellement son départ. Ce qui ne sera pas une mince affaire vu les 18 mois de salaire d’indemnité prévus en cas de rupture de contrat. Au Sporting, on n’exclut pas que Kindermans reste dans un autre rôle mais les chances que ça arrive sont quasi nulles.
Mais pourquoi se sépare-t-il de l’architecte de son école des jeunes, le seul secteur du club qui a rapporté beaucoup d’argent ces dernières années ? Selon nos informations, il y a quatre grandes raisons qui ont amené la direction à pousser Kindermans vers la sortie. Et tant pis pour la cote de popularité des dirigeants qui va encore baisser.
Il n’a pas voulu s’adapter à la religion des data
C’était l’un des secrets les moins bien gardés dans les bureaux de Neerpede : ce n’était pas la grande histoire d’amour entre Jean Kindermans et Peter Verbeke. Rapidement après son arrivée, celui qui n’était encore que le jeune directeur sportif du club avait reproché au boss des jeunes de ne pas assez s’intéresser aux data (données numériques), pourtant utilisables aussi dans ce domaine. Kindermans préférait garder sa méthode, basée sur un scouting plus traditionnel.
Au fil des mois, malgré la promotion de Verbeke comme CEO puis sa longue absence pour maladie, le différend est resté. Kindermans était isolé dans un club où les data étaient élevées au rang de religion. La jeune garde estimait que le potentiel des jeunes pouvait être mieux cerné. Après avoir écarté Kindermans, la direction a l’ambition de faire entrer l’académie dans l’ère moderne, pour limiter les risques de rater un talent. Mais le défi sera de ne pas y perdre l’œil, celui qui permettait à Kindermans et son équipe de repérer rapidement les perles dans tout le royaume.
Des ratés qui font mal, comme El Khannouss
Les ratés, c’est un autre grand reproche de la direction à Kindermans. Selon elle, Anderlecht aurait trop souvent perdu de grandes promesses ces dernières années. Elle ne pouvait pas lui reprocher grand-chose sur les cas Rayane Bounida (Ajax) et Roméo Lavia (Manchester City, aujourd’hui à Southampton), des gamins en or qui avaient décidé d’aller voir ailleurs malgré un travail de longue haleine de Kindermans pour les motiver à s’engager au RSCA. Ce sont d’autres dossiers qui ont crispé les dirigeants.
Le plus récent, c’est Bilal El Khannouss, la petite perle de Genk qui avait décidé de quitter Neerpede en 2019. Le Bruxellois estimait qu’on ne lui montrait pas "assez de respect" au club. Il estime qu’il était mis en retrait par rapport à d’autres talents de la génération 2004, notamment Mario Stroeykens.
D’autres noms sont aussi cités. Des garçons qui auraient été snobés par Kindermans et qui ont pris de la valeur ailleurs. Jakub Kiwior, le défenseur polonais dont le contrat n’avait pas été prolongé, a explosé en Italie (Spezia) au point de devenir international A et de valoir 8 millions, selon Transfermarkt. Il y a aussi les cas de Samuel Mbangula et Joseph Nonge, qui ont préféré rejoindre les jeunes de la Juventus en évoquant un manque de considération au Sporting. Aujourd’hui, ils font partie du noyau A à Turin. Et les data actuelles des deux garçons, visiblement impressionnantes, ont fait tomber les détracteurs de Kindermans de leur chaise au RSCA.
De son côté, Kindermans pouvait présenter ses résultats impressionnants. Rien qu’avec les jeunes du club, le RSCA a touché plus de 130 millions (Doku 27 millions, Tielemans 25, Sambi Lokonga 17, Lukaku 15, Dendoncker 13, Kompany 10,5…). Et il avait bon espoir d’encore faire grimper le montant dans les prochains mois avec des garçons comme Zeno Debast et Julien Duranville. Sous sa direction, le centre de formation d’Anderlecht est passé de l’endroit où il était pratiquement impossible de sortir à l’une des académies les plus tendances d’Europe. Il pensait être protégé par ce constat mais les dirigeants ont estimé que ce n’était plus suffisant.
Des jeunes pas assez préparés au foot moderne
Au printemps passé, Wouter Vandenhaute était fâché. Le président en avait marre de voir les jeunes du club, si doués mais si indolents, trop vite balayés face à des équipes qui mordaient au mollet. La solution devait être Felice Mazzù. Il allait enseigner les valeurs du football engagé, comme à l’Union, à ces gamins qui ne voulaient miser que sur leur technique.
Mais l’entraîneur n’a jamais pu inverser la tendance et il a fini par payer la note avec un C4 fin octobre. La direction n’était pas dupe : ce n’était pas la faute de Mazzù, le mal était plus profond. Selon elle, les jeunes n’étaient pas préparés au football d’aujourd’hui, celui du pressing intense où la technique ne peut pas tout résoudre.
Kindermans est un vrai et pur Anderlechtois. Un ancien équipier d’Enzo Scifo chez les jeunes du club. Un supporter qui a vu les Coupes d’Europe remportées par des artistes comme Robbie Rensenbrinck, Juan Lozano ou Franky Vercauteren. Il a toujours veillé à transmettre cet ADN aux jeunes de Neerpede. Avec comme conséquence des joueurs à la technique magnifique comme Vincent Kompany, Adnan Januzaj, Dennis Praet, Charly Musonda, Youri Tielemans et bien d’autres.
La direction dit vouloir conserver cet ADN mauve mais en incluant plus d’intensité dans la formation. Avec les usines Red Bull comme modèle.
Un gros salaire avec bonus
C’est le dernier clou sur le cercueil anderlechtois de Kindermans : son contrat. Grâce à ses résultats et aux ventes importantes, il avait pu augmenter son salaire, en négociant aussi différents bonus. Un contrat aux normes de l’époque Roger Vanden Stock. Si Marc Coucke pouvait encore se montrer généreux, ce n’est plus le cas avec Vandenhaute. Les comptes, dans le rouge, ne peuvent plus supporter de trop gros salaires. Qu’on s’appelle Kindermans, Trebel ou Van Crombrugge.
Actuellement en vacances, Jean Kindermans n’a pas voulu donner de commentaire. "Pas encore", a-t-il ajouté.