Spreutels parle de la folle croissance de l’Union avant le derby : “Un trophée ? Pas une possibilité loufoque”
Daniel Spreutels est un administrateur heureux : l’Union carbure dans la saison de la confirmation. Au point de ne plus parler de hype mais de prise de pouvoir. Et au point aussi d’être encore le favori du derby bruxellois ce dimanche à Anderlecht.
Publié le 07-01-2023 à 06h00
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Pas loin de son appartement ucclois, on a retrouvé Daniel Spreutels a la brasserie de la Patinoire, à l’entrée du bois de la Cambre, mardi midi. Mais la vie professionnelle de celui que tout le monde appelle simplement “Dany”, malgré son statut de ténor du barreau en Belgique, se passe de l’autre côté de la capitale, entre son cabinet à l’ombre d’un Lotto Park où il ne connaît plus personne après y avoir évolué pendant 35 ans et Saint-Gilles où sa vie d’administrateur, entamée en 2019 à l’Union est une succession de plaisirs presque inattendus. Avec une… sixième victoire de suite dans le derby ce dimanche ? “Ce sera toujours un match très compliqué, surtout avec un nouvel entraîneur qui voudra gagner à Anderlecht.”
La croissance de l’Union : “Nos miracles ne sont pas le fruit du hasard”
C’est de saison, on commence par les vœux. Que peut-on souhaiter de meilleur à l’Union en 2023 après une année 2021 marquée par la montée et une année 2022 folle entre la course au titre et la première place en poule de l’Europa League ?
”Après avoir une première saison formidable en D1 et le départ de nos deux meilleurs joueurs (Ndlr : Undav et Nielsen), beaucoup ont eu le réflexe de croire que ça allait être plus compliqué pour nous. Mais aujourd’hui, plus personne ne parle des anciens et l’Union est deuxième en championnat, qualifiée pour les quarts de la Coupe et les huitièmes de l’Europa League. Teuma a pris du volume grâce au départ de Nielsen et il a bien compensé. Pour Undav, on a transféré Boniface dont tout le monde se dit aujourd’hui : quelle trouvaille ! Il a été le transfert le plus cher du club, pour deux millions d’euros, mais ce n’est pas beaucoup pour un tel profil. Il a un énorme talent et une énorme marge de progression.”
Si une offre de huit millions tombait en janvier pour Boniface, l’Union aurait-elle le luxe de dire non ?
”Bien sûr !”
Quelle est la recette pour ne pas juste être un one shot au sommet du foot belge et s’installer sur la durée ?
”Il y a beaucoup de raisons mais je pense que tout part du fait que Tony Bloom (Ndlr : le propriétaire majoritaire) et Alex Muzio (le président) ne sont pas arrivés d’Angleterre en disant qu’ils allaient tout faire mieux que les autres. Ils ont demandé à des gens d’expérience en Belgique de les aider et ils écoutent les avis. Il y a notamment le travail remarquable de Philippe Bormans, le CEO. Malgré son jeune âge, il milite déjà avec succès dans le monde du football, tant au niveau du club qu’à la Ligue. Il y a d’autres exemples comme l’arrivée de Martine Kultz, une pointure dans le monde bancaire. J’avais été surpris quand j’avais reçu une lettre du CEO me demandant de devenir administrateur en raison de mon expérience au RSCA et à la fédération mais je suis très heureux de faire partie de l’aventure. Quand un investisseur étranger débarque en Belgique, l’argent n’est pas synonyme de réussite automatique. Il est essentiel et garder un ancrage local et cela a été très bien compris à l’Union. Sur le plan footbalistique, il y a un modèle clair. On part des datas pour le recrutement mais un travail important est fourni en plus des chiffres. Le directeur sportif Chris O’Loughlin collecte un maximum d’informations pour savoir si un joueur pourra se faire à la mentalité de l’Union. Si quelqu’un arrive chez nous en se prenant pour une star, il peut rester chez lui. Et si c’était le cas quand même, le capitaine Teuma le remettrait vite à sa place. Tout est en place. Les miracles de l’Union ne sont pas le fruit du hasard.”
Si l’Union veut continuer sa progression, la prochaine étape est un trophée.
”C’est vrai. Gagner le championnat ou la Coupe, ce ne sont pas des possibilités loufoques. Mais vous n’entendrez jamais dire quelqu’un au club : on veut être champion.”
Jamais ? Même à plus long terme ?
”Ça, peut-être mais à l’heure actuelle, comme le dit Karel Geraerts, on prend les matchs l’un après l’autre sans se dire qu’on doit être dans le top-4 ou gagner la Coupe. On se réjouit de notre évolution mais il n’y a jamais d’euphorie chez nous, même quand on était candidat au titre en fin de saison passée. Pour l’instant en championnat, on est dans une position où on se dit qu’on pourrait finir dans le top-4 mais il n’y a rien d’obligatoire. Le budget annuel n’a pas été calculé sur une participation au Champions Playoffs.”

Le stade : “Les Anglais lassés si le dossier s’enlise ? C’est la bonne question…”
Pour grandir, l’Union devra avoir son nouveau stade.
”Oui. L’Union aura jour de grandes ambitions mais ça passera par un nouveau stade. Les supporters l’ont compris aussi, même si on adore tous Marien. On ne peut plus évoluer économiquement si on ne peut pas inviter un sponsor dans une loge. Anderlecht fait 2300 repas avant un match, l’Union a la capacité d’en faire 60, dont certains hors du stade…”
L’Union a déjà une maquette, un financement sans subside et un emplacement à Forest. Mais on a l’impression que le dossier s’enlise quand même.
”On a déjà vu dans d’autres cas, comme à Anderlecht ou Bruges, combien il est compliqué d’obtenir un nouveau stade en Belgique. Ici, le cas est même unique puisqu’on ne demande aucun subside. Y a-t-il une peur du monde politique de prendre ses responsabilités ? C’est la question que je me pose. C’est un dossier qui avance doucement, mais il reste du travail. Il est évident qu’un grand avenir ne se conçoit pas sans stade et le site du Bempt reste l’option numéro une.”
Si le dossier du stade n’évolue pas rapidement, ne craignez-vous pas que les investisseurs anglais se lassent ?
”C’est la bonne question. Imaginez que des gens qui viennent en Belgique et donnent satisfaction aux supporters disent qu’il faut créer un stade sans quoi il n’est pas possible d’être rentable à long terme. Si jamais il s’avérait que c’est impossible, on peut imaginer leur déception. Mais bon, jusqu’ici, je n’ai pas ressenti de lassitude, juste de l’enthousiasme et l’envie de comprendre les difficultés du paysage politique belge. Il y a aussi une volonté d’avoir un nouveau centre d’entraînement (Ndlr : l’actuel est à Lierre, près d’Anvers), qui permettrait aux supporters d’avoir plus de contacts avec les joueurs, mais ce n’est pas évident non plus de trouver un emplacement pour dans Bruxelles ou sa périphérie.”
En huitième de finale d’Europa League, l’Union jouera au Lotto Park, ce qui a entraîné la colère d’une partie des supporters.
”Le 16 mars, on va vivre un événement inouï. On pourrait affronter des géants comme Barcelone ou Manchester United. Certains supporters ont dit ne pas vouloir aller à Anderlecht mais imaginez la frustration d’aller jouer à Louvain avec l’une de ses affiches. On devrait alors refuser une grande partie de nos fans vu la capacité du stade, ce qui ne sera pas le cas à Anderlecht.”
Le Heysel n’était pas envisageable ?
”Le Heysel n’a pas été une expérience positive pour nos supporters. L’ambiance était très froide. Il faut aussi tenir compte d’un élément extrêmement important pour ce qui pourrait être un match à haut risque : la sécurité. La zone de police Midi, avec le commissaire Boucar, a une expérience énorme dans l’organisation de ce genre de rencontres. En plus, elle gère déjà les matchs du RSCA et de l’Union. Aller à Anderlecht, c’est la bonne décision.”
Mais Anderlecht est devenu l’ennemi de l’Union pour une partie de vos supporters.
”Il y a une rivalité mais on ne doit pas parler d’ennemi. Le fait qu’Anderlecht ait accepté de nous accueillir est une belle reconnaissance malgré la rivalité des derniers mois. Ils n’accueillent plus le petit frère mais le club bruxellois avec les meilleurs résultats actuellement. Ça va dans le sens d’une saine gestion du sport.”
Le derby de dimanche : “Je ne me réjouis pas parce que ça va moins bien au RSCA”
Vos visites au Lotto Park restent particulières avec votre long passé au Sporting ?
”Le premier derby l’avait été. On a gagné les cinq derniers affrontements mais je n’en tire aucune jouissance particulière. J’ai tout connu à Anderlecht et je ne vais pas me réjouir aujourd’hui parce que ça va moins bien.”
Il y a deux ans dans nos colonnes, vous aviez déclaré que Marc Coucke avait sous-estimé une chose en rachetant le club : l’âme du RSCA. Cela semble toujours vrai aujourd’hui.
”Je vais vous répondre ainsi : Tony Bloom et Alex Muzio ont compris l’âme de l’Union, c’est leur grand mérite. Tout est toujours fait dans l’esprit du club. Ils ne sont pas arrivés en se disant qu’ils allaient tout faire révolutionner.”
Ce que Coucke a fait à Anderlecht.
”C’est son choix mais vous ne m’entendrez jamais dire un mot sur lui.”
Le débauchage de Felice Mazzù pendant l’été a quand même été une mauvaise surprise à l’Union.
”Il y en a parfois dans le monde du football. Certains ont dit à l’époque que nous avions traîné pour renouveler de Mazzù, mais c’est faux. Il y a eu des conversations avec des propositions qui n’étaient pas négligeables. Mais voilà. Je ne reprocherai jamais à un entraîneur qui est sollicité par un club du rang d’Anderlecht de choisir de partir. Dans un cas comme ça, on doit pouvoir réagir rapidement et l’Union l’a fait avec Karel Geraerts, qui accomplit sa mission à la satisfaction totale, c’est le plus important.”
Ne craignez-vous pas que Karel Geraerts suscite vite de l’intérêt ailleurs, lui aussi ?
”On est attentif. Le président sait ce qu’il faut faire pour le garder. C’est important de montrer à l’entraîneur qu’on l’apprécie, qu’il est respecté. Quand on fait des transferts, on lui en parle.”