Aron Dönnum se livre : “Pourquoi avoir fait de moi un 'bad guy' sans avoir cherché à me connaître ?”
Hué il y a encore quelques mois, Aron Dönnum est aujourd’hui adoubé par le public de Sclessin qui a enfin appris à comprendre qui il est réellement.
Publié le 20-12-2022 à 06h41 - Mis à jour le 20-12-2022 à 07h56
Présenté en grande pompe, au travers d’une vidéo rapidement devenue virale, à l’été 2021 pour ce qui était sa première expérience à l’étranger, le Norvégien Aron Dönnum a vite déchanté à son arrivée au Standard. Le médian offensif, au profil atypique, est vite devenu la tête de Turc des supporters rouches. Après un retour au pays sous la forme d’un prêt, Dönnum est revenu cet été à Sclessin avec un autre visage pour une saison marquée du sceau de la rédemption.
Aron, êtes-vous satisfait de votre première partie de saison ?
“Je suis avant tout heureux de voir ce qui se passe au club depuis plusieurs mois. Tout a changé. Aujourd’hui, on se parle différemment, tout le monde se bat l’un pour l’autre, tout le monde est positif. Cela me rend, nous rend tous meilleurs. Personnellement, bien sûr que je veux plus de passes décisives et peut-être aussi plus de buts. Je ne suis pas assez souvent en position de tir. Je suis plus l’homme de l’avant-dernière passe. Je pourrais avoir de meilleures statistiques.”
Depuis votre retour de prêt à Valerenga, vous n’êtes plus le même joueur que nous avions découvert la saison dernière.
“C’est vrai. Même si ce n’est pas une excuse, la saison dernière, c’était ma première expérience à l’étranger. En plus dans la partie francophone de Belgique où l’anglais n’est pas vraiment utilisé, et ce, alors que je ne suis pas non plus très bon dans cette langue. C’était difficile de montrer qui j’étais vraiment. J’ai une grosse personnalité et je n’aime pas cacher ce que je ressens. Que ce soit négatif ou positif, je montre mes émotions. La saison dernière, quand cela allait mal, et peu de gens le savent, j’ai tenté de trouver des solutions dans le vestiaire et cela ne fonctionnait pas. Du coup, ce qu’on retenait de moi, c’est que je râlais sur le terrain après une mauvaise passe ou encore quand je quittais le jeu.”
Vous voulez dire que nous n’avons vu que la partie émergée de l’iceberg ?
“Oui et quand les fans me huaient encore en début de saison, c’était dur à vivre pour moi, car je me disais qu’ils ne se rendaient pas compte de l’importance qu’ils ont, ainsi que le club, à mes yeux. Ils ne voyaient pas la passion qui était en moi, cette envie que j’avais de changer les choses.”

C’est la première fois de votre carrière que vous enchaînez 16 titularisations lors des 17 premiers matchs de la saison. C’est aussi une preuve que vous vous sentez bien ici.
“Oui, mais je ne suis pas encore dans ma meilleure forme, même si cela n’a rien à voir avec la saison dernière. Quand les choses vont bien autour de toi, comme c’est le cas maintenant, c’est plus facile de faire ressortir le meilleur de toi. J’ai énormément appris de la saison dernière et elle a fait de moi un meilleur joueur aujourd’hui.”
Tout comme votre repositionnement sur le flanc gauche.
“Oui, c’est vrai aussi. C’est suite à une blessure que j’ai été repositionné à gauche dans un système à cinq défenseurs. Je me suis rendu compte que je pouvais le faire. J’ai donc dit au coach qu’il ne devait pas avoir peur de m’aligner là. Défensivement, j’ai beaucoup évolué et j’apprends toujours. Maintenant, je suis habitué à cette position que je peux aussi occuper dans un 4-3-3."
Le coach a dit de vous que vous pouviez jouer partout, mais que vous deviez être capable de terminer vos matchs.
“Il a raison. Je suis assez polyvalent. Quand j’étais plus jeune, je jouais milieu de terrain comme Nico et Cimi, où j’avais un rôle libre pour aller un peu partout sur le terrain. J’ai également évolué en numéro dix et sur les deux ailes. Je veux juste être bon pour l’équipe, peu importe ma place. Quant à ma condition, je ne vais jamais me cacher. Je préfère sortir à la 70e plutôt que de rester encore 20 minutes sur le terrain à faire semblant de faire les courses.”
"On ne devrait pas juger les gens sans prendre la peine de les connaître."
Finalement, avons-nous vu le vrai Aron Dönnum ?
“Je pense que c’est facile de se méprendre à mon sujet, de ne pas me comprendre. Les gens ont toujours eu un a priori négatif sur moi. Toute ma vie, j’ai entendu ce genre de phrases : 'ah, je ne savais pas que tu étais comme ça'. Aujourd’hui, on juge les gens à leur apparence et moi, comme j’ai le corps rempli de tatouages, je vous laisse deviner dans quelle case on me range toujours. Mais on ne devrait pas juger les gens de la sorte, sans apprendre à les connaître. Moi, tout ce que je ressens, je l’exprime, je ne me cache pas, je ne fais jamais semblant.”
Depuis votre arrivée, les supporters n’ont pas été tendres avec vous.
“Pour moi, les supporters comptent énormément. Et quand ils commencent à ne plus me supporter, à me siffler ou me huer, cela me touche. Je me dis alors : 'qu’est-ce que je peux faire de mieux pour leur montrer que ce club compte pour moi '? C’était difficile à vivre, la saison dernière, et c’est aussi pourquoi je profite encore plus de ces bons moments cette saison. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que j’ai demandé ma compagne en mariage sur la pelouse de Sclessin. C’était une façon de leur montrer qu’ils faisaient partie de ma famille.”
La saison dernière, vous aviez été présenté comme le King of North dans une vidéo du club. Avec le recul, diriez-vous que cela vous a desservi ?
“Après coup, on peut toujours se dire que ce n’était pas une bonne idée. Mais je ne regrette pas cette vidéo. La réalité est que je me mets moi-même la barre très haut. J’aime la pression et j’ai apprécié cette présentation, car je voulais que tout le monde attende, à mon sujet, la même chose que moi. Mais encore une fois, il ne faut pas juger sur pièce. Si un joueur arrive au match habillé avec des vêtements de grandes marques et qu’il joue mal, on dira de lui qu’il est plus impliqué dans son shopping que dans son équipe. Mais il faut être soi-même. C’est pourquoi je ne changerai rien, pas même cette présentation. Je ne renierai jamais ce que je suis.”
"Faire ma demande à Sclessin, c’était une manière de dire aux fans : vous faites partie de ma famille."
Considérez-vous également que la presse a été trop rude avec vous ?
“Je ne prête pas beaucoup d’attention aux médias. Je vous respecte et je comprends que vous devez faire votre travail. Mais le fait est qu’il y a tellement de choses que vous ne pouvez voir ! Il y a toujours une raison derrière une attitude. Je prends l’exemple de la saison dernière. Ce que les gens ne savent pas, c’est que le discours tenu par les anciens propriétaires pour me faire venir au club était à l’opposé de la réalité de celui-ci. La façon dont j’ai été traité en arrivant était également à l’opposé de ce qui avait été dit. C’était ma première expérience à l’étranger et je voulais que tout soit carré, que ce soit parfait. À l’arrivée, je n’ai pas reçu l’accueil auquel je m’attendais. C’est la première chose qui m’a rendu nerveux et quand je suis dans cet état d’esprit, je peux avoir l’air fâché, en colère, car encore une fois, je ne peux cacher mes sentiments.”

Justement, qu’est-ce qui a changé à ce niveau ?
“Aujourd’hui, avec le nouveau staff, tout le monde peut dire ce qu’il pense sans avoir la crainte d’être puni. La saison dernière, la culture était tout autre, et ce, à cause du passé du club. Maintenant, on est libre de dire ce qu’on a sur le cœur. Mais quand ce n’est pas le cas, comment voulez-vous que les gens vous comprennent et vous respectent ? De mon côté, je me suis également remis en question. Même si je suis entier, je peux réagir plus positivement à un événement négatif.”
Cela vous agace qu’on vous assimile à un bad guy ?
“J’invite ceux qui le pensent à venir chez moi, au sein de ma famille, pour voir qui je suis réellement. Je suis un homme aimant, qui a besoin d’être proche des siens. Je suis très concerné par les gens atteints de maladie et pour cause, j’ai un frère atteint du syndrome de Down (trisomie 21) et je suis extrêmement proche et fier de lui. On dit aussi de moi que je suis un mauvais garçon à cause de mes tatouages, mais tous, sans exception, ont un rapport avec mon histoire personnelle, ma famille ou la religion qui est très importante pour moi. Cela fait-il vraiment de moi un bad guy ?

Vous êtes justement très actif dans la vie du vestiaire que vous aimez animer.
“Je suis un peu fou, c’est vrai, mais dans le bon sens du terme. J’ai toujours cette âme d’enfant en moi qui aime s’exprimer et prendre du plaisir. Oui, je mets l’ambiance dans le groupe et tout le monde met sa pierre à l’édifice.”
"Quand je suis rentré en Norvège, j’étais comme vide, plus rien ne me touchait."
Ce n’était pas le cas la saison dernière ?
“Si, mais c’était totalement différent. La dynamique était mauvaise. J’ai tellement de tristesse en moi. À certains moments, tu sens que tu vas abandonner même si tu sais que tu ne le feras pas, mais ce sentiment négatif t’accompagne. Tous les matins, on se levait et on sentait la détresse des uns et des autres, des fans, de la famille qui en a assez de te voir triste. Mais au final, on a énormément appris de cette situation et je suis même content d’avoir vécu cette saison. Aujourd’hui, on sait quoi faire. C’est aussi l’histoire de ma vie, j’ai connu des moments difficiles, mais j’ai toujours su me relever.”
Quand vous êtes revenu à Valerenga, Ole Martin Arst, qui était dithyrambique à votre propos, nous a dit : “On n’a pas reconnu Dönnum, il était tellement terne !”
“Il a raison, à 100 %. Je ne pouvais pas mentir et encore une fois, cela se voyait sur mon visage. Rentrer en Norvège m’a tout de même fait du bien au niveau personnel. Car à ce moment-là, je me sentais comme vide. Peu importe ce qui se passait autour de moi, que ce soit positif ou négatif, je n’en avais rien à faire. Je ne me reconnaissais pas. Ce que les gens ne savaient pas non plus, c’est qu’avant ce break de quinze jours suite à la Coupe du monde, je n’avais plus eu quatre jours de congé depuis décembre 2020.”
La saison dernière, après le partage 2-2 à Bruges où vous avez inscrit un but, vous avez déclaré que, comme en Norvège, vous alliez marquer la Pro League de votre empreinte. Cela a été pris comme de l’arrogance, vous pensez ?
“Peut-être, mais je ne juge pas les gens qui ont eu ce ressenti. Certains fans ont eu le sentiment que j’arrivais dans leur club sans trop de considération et avec beaucoup d’arrogance. Je ne peux pas empêcher les gens d’avoir leurs propres idées, leurs sentiments. Mais je ne suis pas comme ça, je suis un garçon qui aime avoir des connexions avec les fans, mais on n’a jamais eu l’occasion de créer une relation eux et moi, car les choses ont vite mal tourné la saison dernière.”
"Combien de fois ne m'a-t-on pas dit : je ne savais pas que tu étais comme ça."
Aujourd’hui, quand vous quittez la pelouse, les sifflets ont fait place aux applaudissements. Est-ce là une victoire pour vous ?
“Bien sûr. Cela veut dire beaucoup pour moi. Voir qu’ils ont compris que j’aimais le club et que je m’investissais pour eux, cela n’a pas de prix. Je deviens meilleur quand j’ai les supporters derrière moi.”
Revenons à votre demande en mariage après le Clasico du 23 octobre dernier. Était-ce planifié depuis longtemps ?
“Depuis un mois, je dirais. J’avais regardé le calendrier et en cas de victoire, je comptais le faire. J’étais très confiant quant au fait que j’allais faire ma demande ce soir-là, même lorsque nous étions menés 0-1. J’en avais parlé à certains joueurs comme Raskin et ils ont fait un cercle autour de nous. Si vous m’aviez dit, il y a un an, que j’allais faire ma demande à Sclessin, devant nos fans, je ne vous aurais jamais cru.”

Quelle a été la réaction de votre compagne ?
“Le lendemain, c’était son anniversaire. Elle pensait donc que j’allais lui souhaiter un joyeux anniversaire et que tout le stade allait reprendre en chœur (rires).”
Votre vie de couple est assez atypique. Vous êtes footballeur professionnel au Standard et votre compagne (Céline Bizet) l’est également à Tottenham. Cela ne doit pas être simple à vivre au quotidien.
“Ce n’est pas facile. On doit être patients. Être loin des personnes que vous aimez le plus au monde ne vous aide pas à être meilleur au quotidien. Mais on arrive à trouver notre équilibre. Céline est quelqu’un de très fort et dont je suis très fier. On se ressemble énormément sur beaucoup de points. Chaque jour, je remercie Dieu de l’avoir placée sur mon chemin.”