Match arrêté à Charleroi: la fracture entre le club et la T4 ne date pas d'hier
Ces derniers mois, le fossé s’est accentué entre le Sporting de Charleroi et sa principale tribune. La cassure définitive a été actée ce samedi.
- Publié le 14-11-2022 à 06h00
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Le surréalisme à la Belge s’est exprimé une fois de plus. Cela doit être une première mondiale de voir des supporters d’un club stopper la rencontre alors que leurs protégés mènent au score.
Il fallait voir la T1, la tribune assise principale, conspuer la T4 où se trouvent les Storm Ultras alors que Benbouali avait ouvert le score quelques minutes plus tôt pour comprendre que le malaise est grand au sein du Matricule 22.
Lassés par les chants hostiles envers leur actionnaire majoritaire principal et les jets de fumigènes qui ont provoqué une première interruption du jeu après un quart d’heure, les spectateurs de la T1 ont pris pour la première fois la défense de Mehdi Bayat. Ce Charleroi-Malines a donc offert un tableau complètement sombre des tribunes carolos avec des supporters d’une même équipe qui s’insultent et où le jet de fumigène fatal à la poursuite du match a constitué l’apothéose.
Le 17 avril 2021 comme point de départ
Mais comment en est-on arrivé à une telle situation ? Pourquoi les Storm Ultras, le groupe ultra, demandent-ils le départ de Mehdi Bayat alors que le club se trouvait en faillite virtuelle il y a dix ans avant la prise de pouvoir de ce dernier avec Fabien Debecq ?
Le pire, c’est que les Zèbres ont vécu la plus belle décennie sportive de leur histoire. Les faits le prouvent. Charleroi a disputé trois fois les play-off 1, goûté à deux reprises aux tours préliminaires de l’Europa League et, surtout, ils ont changé de dimension sportive en passant de la lutte pour le maintien à la course aux play-off.
Quelles sont donc les raisons de la colère des Storm Ultras qui ne reflète pas la pensée de tout un stade ? Il faut remonter à la saison 2020-2021 pour trouver trace de la naissance du conflit entre eux et la direction. Après un exercice 2019-2020 stoppé prématurément suite à la crise sanitaire où Charleroi occupait la troisième place, les hommes de Belhocine poursuivent sur leur lancée à la rentrée en enchaînant six victoires consécutives.
L’élimination face à Lech Poznan en barrages d’Europa League constitue le point de départ d’une saison noire. Charleroi termine à une anonyme treizième place. Karim Belhocine est évincé. Le 17 avril 2021, les supporters de la T4 envahissent la pelouse quelques minutes avant le coup d’envoi de Charleroi-Eupen, le dernier match de la saison. Ils réclament plus d’anticipation dans la politique des transferts et une ambition sportive assumée. Des revendications qui tiennent toujours deux ans plus tard. "Si on a commis des erreurs cette année, je les assume. Est-ce qu’on a commis des erreurs cette saison ? Oui, je ne les nie pas, réagit alors Bayat. C’est un échec collectif. On n’est pas là pour dire que ce n’est que l’entraîneur ou que les joueurs. On gagne ensemble et on perd ensemble."
Ce premier coup de pression le pousse à démissionner de son poste de président à l’Union Belge. La venue d’Edward Still apporte un vent de fraîcheur qui ne lui permettra pas de se réconcilier avec ses ultras. Malgré des résultats satisfaisants la première année, les ventes de Nicholson en hiver puis de Bayo lors du dernier mercato, accentuent leur colère. Pour eux, les dirigeants manquent de transparence et les ventes avec des plus-values conséquentes ne sont pas réinvesties. "Tout est vérifiable. On publie nos bilans et chacun peut les consulter", ne cesse de répéter Bayat qui se défend en invoquant une gestion saine et sans dettes contrairement aux autres clubs belges.
Le nouveau stade comme dernier point de crispation
La performance catastrophique des Hennuyers à Seraing, mardi, a constitué la goutte d’eau de trop pour les membres de la T4. Toute la semaine, les Storm Ultras ont prévenu qu’ils agiraient. Le 11 novembre, à la veille du match, ils se disaient prêts à "suspendre notre rancœur et reconstruire une relation plus saine" si Mehdi Bayat répond à leurs interrogations, au nombre de douze.
Parmi elles, la question de ses parts dans le nouveau stade incarne le point de crispation le plus chaud. Via sa société MB Management Company, l’homme fort du Sporting détiendra à titre personnel 82% des parts dans l’exploitation de la ZebrArena alors que le club ne bénéficiera que des 18% restants. Ce doute n’a d’ailleurs pas encore été éclairci par le dirigeant.
Une chose est sûre, les Storm Ultras sont allés trop loin dans la quête de leurs réponses. La cassure semble cette fois définitive entre la T4 et les dirigeants. Les sanctions vont pleuvoir. À force de jouer avec le feu, le principal groupe de supporters s’est peut-être brûlé…