Prêté par Gand, Vakoun Bayo ne peut pas jouer avec Charleroi: règlement clarifié, avis divisés
Le règlement, adapté, régit la qualification (ou non) d’un joueur prêté pour affronter son employeur. Mais les avis restent divergents.
Publié le 19-05-2022 à 07h00
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Vakoun Bayo aurait volontiers retardé ses vacances pour empiler quelques buts supplémentaires. L’avant-centre ivoirien de Charleroi carbure depuis que Gand a accepté de le prêter dans le Hainaut, en janvier dernier. Il a retrouvé confiance, rythme et sensations. Ses chiffres le prouvent: 4 buts et 1 passe décisive en 4 matchs d’Europe playoffs. Des stats dans la lignée de ses 7 buts et 1 passe décisive en 12 rencontres de championnat avant ça.
On le sait, et c’était prévu, Bayo ne pourra pas disputer le dernier match de la saison, samedi à la Ghelamco Arena, face au club qui reste son employeur officiellement jusqu’au 30 juin. Charleroi a pourtant déjà levé l’option d’achat incluse dans son prêt, avec un contrat signé portant jusqu’en 2026, mais il n’est pas encore effectif.
L’article B4.50
L’interdiction d’aligner Vakoun Bayo contre Gand s’explique. Depuis 2018, pour éviter les éventuels conflits d’intérêts ou tentatives de manipulation de matchs potentiellement décisifs, le règlement de l’Union belge a changé et a été adopté par les clubs professionnels. L’article B4.50 dit ceci: "le joueur transféré temporairement n’est pas qualifié pour jouer en matches officiels des équipes premières contre son club d’origine si son salaire est pris en charge en tout ou en partie par le club d’origine. Il ne peut être dérogé à cette règle."
Dans les faits, le salaire est rarement pris entièrement en charge. C’est le cas avec Bayo. Vu ses émoluments importants et son manque de rythme à son arrivée, Charleroi ne voulait pas payer 100% de son salaire à Gand. "Généralement, le club prêteur est plus huppé que le club receveur. Et donc, le salaire du joueur est souvent trop considérable pour être assumé à 100% par le club receveur", nous explique un agent. Ce qui le prive d’un joueur potentiellement majeur pour minimum un ou deux matchs. Du moins si le prêt est une réussite. En revanche, le club locataire prend moins de risque financier en cas d’échec sportif du joueur. "Un club locataire préfère économiser un pourcentage du salaire et ne pas pouvoir aligner le joueur pour deux matchs, tant pis, plutôt que de casser sa tirelire pour payer 100% du salaire d’un éventuel flop", estime cet agent.
Des avis partagés
Ce n’est pas la première fois que Charleroi opère de la sorte. Lors de ses deux prêts au Sporting, Kaveh Rezaei n’avait pas pu jouer contre le Club Bruges, son propriétaire. L’attaquant iranien s’était d’ailleurs un peu étonné de cette règle qu’il semblait ignorer.
Qu’en pensent les joueurs, justement? Rezaei aurait été pour, par exemple, "car je fais la part des choses" et que "si le club me prête, c’est qu’il ne compte pas sur moi, alors pourquoi m’empêcher de jouer", s’était-il questionné, en substance, dans une précédente interview.
Dans l’autre sens, Lazare Amani a été prêté cette saison par Charleroi à l’Union SG – qui payait 100% du salaire. Non seulement il a joué contre son employeur, mais il a carrément marqué lors du match retour au Mambourg (0-3, le 19 février). Une situation "un peu spéciale", avait-il reconnu, mais qui ne l’avait pas trop perturbé. "Mentalement, je m’étais préparé toute la semaine à une telle éventualité. Je suis prêté par Charleroi mais je me bats pour l’Union […] Je n’ai pas célébré mon but par respect pour les supporters et les dirigeants qui ont toujours été corrects avec moi."
D’autres joueurs sont contre. C’était le cas de Grégory Dufer. En 2007, il avait été prêté par le Club Bruges à Lokeren. Deux ans plus tard, en 2009, le Standard l’avait loué après l’hiver à Tubize. Dans les deux cas, Dufer n’avait pas défié son employeur et, selon lui, c’était mieux comme ça. "C’est toujours une situation délicate pour un joueur, avait-il déclaré à la RTBF en 2016. Je suis favorable à la clause qui interdit au joueur d’affronter son club prêteur. C’est plus simple".
Les exemples sensibles ne manquent pas: en 2013-2014, Benito Raman avait marqué deux buts avec Courtrai contre Gand, où il était sous contrat. Il y a aussi eu le cas Michaël Heylen lors de la saison 2016-2017: Anderlecht l’avait prêté à Westerlo et le défenseur avait marqué le but de la victoire contre le Sporting (1-2).
La saison suivante, Sander Coopman avait été transféré temporairement pour une deuxième saison du Club Bruges à Zulte-Waregem. Pour éviter que son joueur ne se montre encore décisif face à lui – comme il l’avait fait la saison précédente en playoffs – le Club avait alors ajouté une clause d’environ 750000 euros si Zulte-Waregem alignait Coopman.
Un montage dissuadant mais désormais désuet si le club assume 100% du salaire.