Olivier Suray préface Anderlecht-Charleroi: "Avec Vanden Stock, les murs auraient tremblé dans une situation pareille"
Olivier Suray, ancien Mauve mais surtout ex-Carolo, n’a pas sa langue en poche.
Publié le 02-04-2022 à 06h00
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/N5INE35LU5H5ZI3CZVORH3NE54.jpg)
Huit saisons à Charleroi (dont cinq ans en pro) et trois saisons à Anderlecht: Olivier Suray (50 ans) a joué onze ans dans le maillot d’un des deux Sporting. Aujourd’hui, il est entraîneur à Braine, en D3 amateur, et délégué commercial dans le matériel informatique, mais il garde un regard pointu sur ses anciens clubs.
Anderlecht version 2022
«Plusieurs jeunes rament: où est Colassin?»
Cela fait un bail qu’il n’a plus été voir un match à Anderlecht. "Mais je suis les Bruxellois à la télévision. Tout le monde s’attendait à mieux, surtout vu le noyau qualitatif dont Kompany dispose. À l’époque des Vanden Stock, les murs auraient tremblé si Anderlecht n’était pas encore qualifié pour les playoffs 1 à deux journées de la fin. Et la politique des jeunes? J’ai vu tous leurs matchs en catégorie de jeunes, vu que mon fils jouait avec eux. Je savais depuis ses 13 ans que Yari serait le premier à percer. Doku, lui aussi, était hors normes. Mais en mettre sept en même temps sur le terrain, comme l’année passée, n’était pas une bonne idée. Maintenant, il y en a beaucoup qui sont en train de ramer au niveau émotionnel. Kana, Sardella, Ait El Hadj: il faudra aller les rechercher en bas de l’ascenseur. Et je suis très étonné de voir que Colassin est 4e ou 5e attaquant. Je ne vais pas dire qu’il a sauvé la tête de Kompany en marquant plusieurs fois il y a deux saisons, mais quand même…"
Charleroi version 2022
«Pas mauvais, mais on s’ennuie une fois sur deux»
Charleroi a par moments été l’une des révélations du championnat. "Les résultats ne sont pas mauvais, c’est vrai. Mais moi, je suis un vieux de la vieille. J’ai connu l’époque de Waseige et Peruzovic à Charleroi et de Goethals et Boskamp à Anderlecht. On était plus dans l’envie et dans le sentiment de groupe que dans les data. On avait aussi des schémas tactiques, mais j’ai l’impression que Still joue trop selon les data. Si l’adversaire fait la même chose – ce qui est le cas une fois sur deux – le public s’ennuie. Still est jeune, il faut lui laisser le temps. J’espère qu’il va se diriger vers une moitié de data et une autre d’envie. Et l’ambiance? Dans la tribune, elle est bonne. Mais je ne vois plus l’enthousiasme en dehors du stade. Avant, les gens venaient une heure et demie à l’avance et repartaient deux heures après le match, quel que soit le résultat."
Ce dimanche, Suray ne sera pas au stade: il coache son RCS Braine contre Saint-Symphorien. "On va regarder le match dans la buvette. Je souhaite à Charleroi de gagner. C’est la ville de mon cœur, j’y ai habité pendant 30 ans. Je crois qu’Anderlecht va faire un six sur six mais que ça ne suffira pas pour terminer quatrième."
Mathis, son fils
«Merci de l’avoir motivé, Anderlecht»
Mathis, (20 ans), son fils, était l’un des onze grands talents d’Anderlecht qui avaient reçu un contrat pro quand Marc Coucke a débarqué au Sporting. À la fin de la saison 2019-2020, il a dû partir. "Il n’a pas été traité correctement, dit Suray. Il y était depuis huit ans, était meilleur buteur et était en équipe nationale depuis six ans. Sans explication, on a reçu une lettre de Jean Kindermans, directeur de l’école des jeunes, disant qu’il devait partir. Il faut se mettre à la place du gamin. Même moi, en tant qu’adulte, j’éprouvais du mal à avaler la nouvelle. J’attends encore une explication."
Mathis a signé à Dordrecht, équipe de D2 néerlandaise. Lors de sa deuxième saison, il est quasiment toujours titulaire (22 fois, 4 buts). "Il est arrivé blessé et a eu le Covid. Maintenant, il fait sa carrière lui-même. On a reçu des coups de fil de clubs de D1 néerlandaise et même de D1 belge. Ce qui ne l’a pas tué le rendra plus fort plus tard. À la limite, je remercie Anderlecht de l’avoir motivé. J’espère qu’un jour, on pourra déposer un maillot dédicacé dans la boîte aux lettres de Jean Kindermans…"
Olivier le Carolo
«Sous Waseige, on choisissait où on jouait»
Impossible, en quelques lignes, de décrire toutes ses aventures à Charleroi. "J’avais encore 17 ans quand j’ai joué mon premier match en pro, au Germinal Ekeren (défaite 1-0). Je me souviens même avoir été remplacé par Francisco Ugarte (à la 63e). On était venu me chercher à l’internat, il y avait trop de blessés dans le noyau."
Avec Charleroi, il s’est pris des claques à Anderlecht (5-0, 4-0, 6-0) mais il a connu un mois de mai magique en 1993 en battant les Mauves à trois reprises en deux semaines: 2-1 en championnat et 1-2 et 3-2 en demi-finale de la Coupe de Belgique. "C’est mon plus beau souvenir, rembobine notre interlocuteur. Le Petit Poucet qui bat l’ogre. On était une bande de potes; il ne fallait pas nous motiver. Parfois, Waseige nous demandait comment on voulait jouer et qui voulait jouer où. Je ne dis pas qu’on faisait l’équipe, mais il tenait compte de notre avis. Et on avait Zetterberg, le meilleur joueur que j’ai côtoyé. Il jouait toujours vers l’avant, était précis, régulier et savait marquer des 25 ou 30 mètres. Pour sa carrière, je lui donne un 8/10."
La finale, Charleroi l’a perdue contre le Standard. La tête de Turc était Alphonse Constantin, qui – après sa carrière – est devenu directeur des Rouches. "Un jour, il est rentré dans le restaurant Zio, à Waterloo. Pas de chance pour lui, il n’y a pas plus supporter des Zèbres que le patron. Quand Constantin a demandé la carte, le patron a répondu: “Tu n’as pas donné de cartes au Standard, tu n’auras pas la carte ici.” Et il a pu sortir."
Olivier le Mauve
«Le maillot de Maldini coupé en morceaux»
Suray avait 21 ans quand il est arrivé à Anderlecht en tant que concurrent de Bertrand Crasson. "Mais Bertrand est devenu un pote, comme Walem et Doll. Nous, les quatre francophones, on ne se lâchait jamais. Et on s’entendait bien avec les Limbourgeois, aussi. Surtout grâce à Philippe Albert, qui les connaissait déjà tous. J’ai joué à tous les postes: à droite, à gauche, dans l’axe…"
Son meilleur match, il l’a joué au Milan AC, en Ligue des champions. "La Gazzetta m’a élu homme du match. J’ai d’abord sorti Raducioiu et ensuite Marco Simone du match. Et Nilis a failli marquer le 0-1 sur ma passe."
Il a échangé son maillot avec le grand Maldini. "Je l’ai offert à la personne qui est venue me chercher à l’aéroport. Mais après une dispute avec son voisin, ce dernier l’a coupé en morceaux. Dix ans plus tard – j’étais à Mons – ce voisin m’a envoyé les bouts de tissu. Comme si j’y étais pour quelque chose…"
Après trois saisons (et avec deux titres, un doublé et deux participations à la Ligue des champions en poche) il a resigné à… Charleroi. "Lucien d’Onofrio m’avait pourtant réglé un transfert à Porto ou à Bordeaux. Mais je venais de me séparer de ma première femme. Je voulais rester en Belgique pour être proche de ma fille. Je suis retourné à Charleroi. Mais après quatre mois, j’avais déjà signé au Standard."
Olivier le presque-Diable
«Dans une chambre avec ma femme qui a accouché»
À son palmarès, on trouve 46 matchs en Diablotins (entre les U16 et les U21) mais pas un seul en équipe nationale A. "Pourtant, j’aurais dû aller à la Coupe du monde aux États-Unis, explique Suray. Van Himst a déclaré que j’aurais été dans les 22… si je ne m’étais pas fracturé la jambe. C’est Pascal Renier qui a pris ma place."
L’accident est survenu à trois journées de la fin du championnat, à la 9e minute lors d’un Anderlecht – Ostende (2-0). "Le grand Éric Pinson est retombé sur ma jambe après un duel aérien. Il ne l’a pas fait exprès. Je ne lui en veux pas."
Suray a été opéré dans un hôpital à Charleroi. "Ma femme était dans le même hôpital pour accoucher de notre fille. J’ai demandé et reçu une chambre commune. Comme quoi, à quelque chose, malheur est bon…"
Olivier le coach
«Je m’amuse mieux dans le foot amateur qu’en pro»
Morialmé, Gerpinnes, deux fois Uccle Léopold, le RC Schaerbeek et, pour la deuxième fois, le RCS Brainois: voilà les clubs amateurs qu’il a coachés. "Je m’amuse mieux dans le foot amateur que dans le foot pro, où on ne se dit pas les choses en face, dit Suray. Je n’ai pas du tout l’ambition de devenir coach en D1A ou D1B."
Il ne dispose d’ailleurs pas du diplôme requis. "J’ai le diplôme UEFA B. J’ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi il faut un diplôme pour pouvoir entraîner, sauf que c’est pour une histoire d’argent. Je connais un tas de personnes avec un diplôme UEFA A qui ne connaissent rien au foot et je peux vous citer des non-diplômés qui sont de grands spécialistes. Par contre, je suis d’accord qu’il faut des icônes pour entraîner les jeunes entre 6 et 14 ans. Les Néerlandais l’ont compris."
Suray n’a clairement pas la langue en poche et serait un bon consultant télé, mais il n’a pas encore eu l’occasion de faire ses preuves. "Je n’ai jamais eu un nom qui passait bien dans le milieu du foot… J’aime pourtant débriefer des matchs et je crois avoir un avis juste sur le foot. Je ne dirais pas non à la télé mais je préférerais faire de la radio. Dans le passé, j’ai participé à une ou deux émissions à la RTBF et ça m’a bien plu."