Luka Elsner: "En 6 mois, j’ai l’impression de n’avoir servi à rien"
Depuis qu’il a quitté Courtrai, Luka Elsner n’est pas parvenu à faire progresser le Standard.
Publié le 19-03-2022 à 07h24
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La vie d'un entraîneur de football est tout sauf un long fleuve tranquille. Depuis son arrivée sur le petit banc rouche en provenance de Courtrai pour ce qu'il a lui-même appelé "le plus gros défi de sa carrière", Luka Elsner déchante. Son rêve s'est transformé en cauchemar. Mais le Franco-Slovène de 39 ans – qui retrouve son ancien club ce dimanche – n'est pas du genre à se voiler la face. Au moment de mettre sur papier les éléments de son échec, il est partie prenante dans l'analyse. En toute humilité. C'est à souligner.
Son bilan chiffré était meilleur à Courtrai
«Je savais que ça serait compliqué et je ne regrette pas mon choix»
Le bilan comptable de Luka Elsner au Standard pique aux yeux. En 21 matchs de Pro League, il a gagné quatre fois, pour huit partages et neuf défaites. Soit 20 points sur 63 possibles et un bilan de 0,95 point par match. C’est moins bien que le bilan qui était le sien à Courtrai lors des dix premières journées de Pro League (quatre victoires, trois partages, trois défaites, soit 15 points sur 30 et un bilan de 1,5 point par match).
À la lecture de ces chiffres, on en vient presque à se demander comment Luka Elsner est encore en poste. De son côté, regrette-t-il d'avoir quitté le stade des Éperons d'or pour rejoindre Sclessin? "Non", rétorque-t-il. "On ne peut pas dire que Courtrai ait brillé à un niveau incroyable depuis que je suis parti, même si la saison du club a été correcte. Mais je suis quelqu'un qui aime aller au-devant de challenges en essayant d'apporter mon envie." Pas question non plus de parler de cadeau empoisonné. Même si la situation du Standard s'est dégradée semaine après semaine, Elsner savait où il mettait les pieds. "Il ne faut pas croire que quand je suis arrivé, je voyais la situation du Standard comme un conte de fées. Je savais que le chemin serait long et qu'il faudrait plusieurs mois pour rectifier le tir. Je n'avais pas une fausse image de ce qui m'attendait. Mais je n'imaginais peut-être pas la saison prendre sa dimension actuelle. Cela s'est parfois joué à des détails mais ça n'a pas fonctionné comme je l'aurais voulu, c'est évident."
Il n’a pas réussi à améliorer le fond de jeu
«C’est la réalité et c’est dur à encaisser»
La rencontre dramatique face à Seraing a sans doute été la plus difficile à vivre pour Luka Elsner. Elle a été la preuve que depuis son arrivée, le fond de jeu du Standard ne s'est pas amélioré. Il a lui même parlé du pire match de la saison. "Cette rencontre, c'était le vide intersidéral. J'ai dit aux joueurs que j'avais l'impression de n'avoir servi à rien lors des six derniers mois. C'est la réalité, c'est blessant et c'est difficile à avaler. Il est clair que cela génère un peu de doute personnel. On a fait des efforts, on a travaillé au quotidien mais on n'est jamais parvenu à trouver le petit truc qui allait relancer la machine. Ce n'est pas facile à encaisser."
Luka Elsner a eu beau faire des tentatives tactiques, avec différents systèmes utilisés (4-4-2, 4-3-3, 3-5-2...), il a beau avoir tenté de travailler sur la mentalité : cela n’a jamais fonctionné. Deux victoires face à Eupen (une sur un but contre son camp, l’autre sans briller), une à l’Antwerp (avec des Anversois en infériorité numérique durant une mi-temps) et une autre face au Beerschot dans le match de la mort ne sont pas suffisantes. Jamais, le Standard n’est parvenu à sortir son match référence sous Elsner. Et cela a installé le doute.
"Au fur et à mesure que ça ne fonctionne pas, on se demande si on va dans la bonne direction, si notre manière de travailler est la bonne. On a essayé beaucoup de choses comme la menace ou la récompense pour tenter de trouver un peu d’énergie supplémentaire mais nous n’avons jamais trouvé le fil sur lequel nous accrocher de manière forte."
Il a compris que ses chances de rester T1 sont très minces
«Je ne sais pas si ça sera avec moi ou un autre»
Mains dans les poches, tête baissée. Cette image de Luka Elsner, souvent aperçue devant son petit banc ces dernières semaines, donne l'impression que l'entraîneur des Rouches est résigné. Qu'il n'a pas les armes pour faire plus. "La situation est assez aberrante", explique-t-il. "Prenons les matchs contre Gand, le Beerschot et Charleroi. On a vu un mieux. Puis contre Seraing : un joueur file au but seul au but sans que l'équipe ne réagisse. C'est difficile à comprendre, difficile de capter l'essence de la chose. Dans ces moments-là, d'un coup, tous les doutes reviennent encore plus forts."
Mais il n'y a pas le choix : il faut repartir au combat. "Il reste encore quelques semaines de compétition pour sauver ce qui reste à sauver. Vous allez me dire qu'il ne reste pas grand-chose mais on doit aussi faire preuve d'un minimum de fierté. Au moins faire notre boulot."
S’il a déjà préparé la transition vers la saison prochaine en termes de préparation, Luka Elsner sait que son bilan comptable et le niveau de jeu de son équipe risquent plus que probablement de lui être fatals, surtout depuis l’annonce du rachat du Standard par 777 Partners. Un nouveau staff devrait débarquer et Elsner n’est pas un idiot. Même si aucun changement n’a encore été annoncé, il sent le vent tourner. Mais il se veut philosophe.
"Le fait que le club soit autant dans la difficulté va aussi permettre au Standard de revivre et de créer quelque chose de neuf. Je ne sais pas si ce sera avec moi ou avec quelqu’un d’autre, ni avec quels joueurs, mais nous sommes au point d’inflexion à partir duquel l’équipe va retrouver de la vie et des ambitions."
Il sait que sa cote sur le marché a baissé
«J’aurais peut-être à payer les résultats… mais les joueurs aussi»
À 39 ans, Luka Elsner est encore un jeune coach. Et il est ambitieux. Dans sa carrière de coach, il a déjà franchi plusieurs étapes : il a entraîné en Slovaquie, il a fait sensation à l’Union et il s’est essayé à la Ligue 1 avec Amiens. En rejoignant le Standard, il voyait là une belle occasion de donner un nouvel élan à sa carrière et d’utiliser le Matricule 16 comme tremplin. Mais force est de constater que cette expérience n’aura pas eu l’effet escompté. Et que cette dernière ligne sur son CV ne le met pas forcément en valeur.
Au début du mois de janvier, Noë Dussenne avait publiquement soutenu son coach tout en indiquant avoir un peu l'impression de "jouer avec la carrière de quelqu'un" si la suite de la saison se passait mal. Cette phrase a presque pris des allures de prophétie au fil des semaines.
"Mais un groupe n'est pas là pour protéger un coach", indique Elsner. "Il peut y avoir des connexions entre joueurs et staff mais aucun ne joue juste pour protéger la carrière d'un coach, je ne suis pas dupe à ce point. Et de toute manière, je n'ai pas forcément besoin que les joueurs le fassent pour moi, même si cela peut mettre ma carrière en difficulté. Ce qui m'inquiète le plus, c'est que leurs raisons sont beaucoup plus importantes que les miennes. Moi, j'aurais peut-être à payer les résultats mais les joueurs le paieront tout autant que moi. Si les joueurs sont inquiets pour leur avenir, ils doivent le montrer sur le terrain."
Il leur reste trois matchs pour le faire. Et il reste trois matchs à Elsner pour tenter de tirer un peu de positif de son expérience à Sclessin.