Standard: une direction non assistée
La responsabilité de la direction du club liégeois est lourde dans ce qui va être l’une des pires saisons de l’histoire.
Publié le 16-02-2022 à 07h21
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Le Standard a rarement été un club qui brille par sa tranquillité. Cette saison, il semble toutefois toucher le fond, à plusieurs niveaux. Si les responsabilités sportives sont évidentes, il convient d’admettre que la direction a sa part de responsabilités dans ce qui restera l’un des pires exercices de l’histoire du club liégeois.
Cinq grands thèmes ont été retenus pour analyser le bilan de Bruno Venanzi, le président, d’Alexandre Grosjean, le directeur général, et de Pierre Locht, le directeur de l’académie, qui a aussi un œil sur les affaires courantes du club liégeois.
Une gestion à la petite semaine
La phrase de Mbaye Leye avait résonné comme un affront, pour Bruno Venanzi et Alexandre Grosjean, après la défaite à Malines : "Depuis dix ans, des choses sont ancrées dans ce club."
Il fallait comprendre cette sortie comme une manière de remettre en question la gestion d’une direction qualifiée de trop gentille, au mieux; d’amatrice, au pire.
Le ton avait déplu, mais l’entraîneur sénégalais n’avait-il pas pointé un élément essentiel dans la gestion d’un club où il est difficile de comprendre les choix, tant ils sont parfois incohérents?
Leye disait qu’il fallait quelqu’un qui fait peur, une référence, peut-être, à Lucien D’Onofrio, qu’il a connu comme patron du club liégeois quand il était joueur.
L’appel de certains supporters à un retour de l’ancien dirigeant est un souvenir de la nostalgie d’une époque réussie, plus qu’une idée réaliste – pour rappel, François Fornieri, cité pour former le duo avec D’Onofrio, est sous le coup d’une procédure judiciaire pour délit d’initié.
Il n’en reste pas moins vrai que la direction actuelle a du mal à soutenir la comparaison, quand D’Onofrio était capable de faire ou défaire une carrière, avec les aspects négatifs que cela suppose. Mais la balance était plus positive que négative.
Le duo Venanzi-Grosjean, lui, a rarement su trouver la voie d’un calme relatif. Il a dû cravacher pour avoir sa licence certaines saisons, la gestion de l’épisode des primes, au printemps 2020, a été l’exposition d’un désaccord profond, et le casting des entraîneurs a rarement été une réussite.
Il se dit ainsi que Luka Elsner avait été jugé peu convaincant quand son nom avait été cité pour remplacer Philippe Montanier, en décembre 2020.
Il est finalement arrivé, moins d’un an plus tard. Mbaye Leye n’avait pas été jugé bon pour le service quand il a fallu remplacer Michel Preud’homme, au terme de la saison 2019-2020? Il a pris la succession de Montanier, puis a été prolongé après la défaite en finale de Coupe de Belgique contre Genk…
Sur ce point de la stratégie sportive, et de manière plus générale, il est difficile de faire l’économie du rôle de Michel Preud’homme, revenu à Sclessin comme entraîneur et dirigeant, ce qui n’est pas toujours la meilleure idée.
Le retour de MPH a nécessité des moyens revus à la hausse, et les finances en ont souffert, la masse salariale a notamment explosé, avec l’accord d’Alexandre Grosjean et Bruno Venanzi. Ses choix de joueurs ont par ailleurs rappelé qu’il n’était pas un directeur sportif inspiré.
Son arrivée avait empiété sur le champ de compétences d’Olivier Renard, puis a provoqué le départ du directeur sportif officiel, en mai 2019, moins d’un an après l’arrivée de MPH.
Depuis que Renard est parti, il n’a pas été remplacé par un directeur sportif capable d’amener des joueurs à la plus-value certaine. Benjamin Nicaise, team manager puis responsable du recrutement, a été remercié en octobre 2021, et le club a confié la fonction, temporaire, à Réginal Goreux, responsable sportif de l’académie.
Une communication incohérente
Bruno Venanzi est un président surprenant dans sa communication. Les dernières semaines, et les derniers mois, ont rappelé sa précipitation, ou ses maladresses.
En novembre, dans ces colonnes, il avait annoncé une arrivée d’investisseurs dans le courant du mois de janvier, puis il avait fixé le 1er février, lors d’une réunion avec des supporters, mi-décembre. La mi-février est passée et la fumée blanche n’apparaît toujours pas. C’est une affaire de quelques semaines, répète-t-on en coulisses.
La venue d’investisseurs n’est pas une affaire évidente, mais la manière dont le président a annoncé la couleur, couplée à la situation sportive, a fait naître une incompréhension, à tout le moins une volonté de calmer le jeu. À force de ne rien voir venir, le doute a été renforcé, ce qui ne renvoie pas une image sereine.
Il y a, enfin, le dossier de la rénovation du stade, qui traîne. Il était question de travaux qui devaient débuter en 2020.
Un club qui ressemble à un hall de gare
C’est une suite de noms qui donne une idée du manque de vision d’un club qui cherche une sortie de crise : Hamza Rafia, Daouda Peeters, Glody Likonza, Jackson Muleka, Joao Klauss, Eddy Sylvestre et Laurent Jans sont sept joueurs arrivés il y a dix-huit mois, ou moins, et qui ont déjà quitté le Standard, de manière définitive ou en prêt.
Seuls Klauss et Muleka ont marqué, un peu, leur passage en bord de Meuse de leur empreinte, mais ils ont été invités à aller voir ailleurs. Les autres ont été autant d’échecs, compensés en partie par l’avènement des jeunes.
Mais certains ont dû quitter Sclessin, déjà, pour des raisons financières (Siquet), par volonté (Balikwisha) ou un peu des deux (Al-Dakhil).
D’autres joueurs, fort bien payés, sont restés ou sont toujours là, puisque le club n’a pas su sentir le bon moment pour les vendre. Les exemples de Laifis et Cimirot sont les plus spectaculaires alors que la gestion du dossier Carcela, qui a reçu un contrat que personne n’attendait, restera une énigme, jusqu’au bout.
La cohérence des choix pose question, et la réussite de l’académie ne pourra pas masquer tous les problèmes structurels d’un club dont les finances souffrent – il a terminé l’exercice comptable, au 30 juin 2021, avec une perte de près de 20 millions€ (19 737 931€ pour être précis).
Une fracture avec les supporters
Les banderoles ont été nombreuses et elles sont encore régulièrement déployées aux abords du stade les jours de match.
Bruno Venanzi et Alexandre Grosjean sont pris pour cible par les supporters, essentiellement les Ultras et le PHK, les deux groupes d’animation fauteurs de troubles lors de Standard – Charleroi (match arrêté à la suite d’un envahissement de terrain), et interdits d’accès au stade, jusqu’à nouvel ordre. La démission du duo BV-AG est régulièrement demandée.
La fracture, elle, est réelle et elle semble plus profonde encore qu’à l’époque de Roland Duchâtelet, qui avait pourtant placé la barre assez haut. Il est tout de même important de rappeler que Bruno Venanzi et Alexandre Grosjean ont remporté deux Coupes de Belgique (2016 et 2018) alors que Duchâtelet n’a pas gagné de trophée.
Mais le Standard, avec RD, a toujours disputé les play-off 1 : quatre participations, contre deux pour le Standard de Venanzi-Grosjean (trois participations aux play-off 2, une saison interrompue en 2020).
Cette saison, il n’y aura probablement pas de play-off du tout; même les supporters plus modérés accusent aussi une certaine lassitude. Sclessin, quand il peut accueillir du public, n’affiche plus complet, ce qui marque un recul net. Les supporters peuvent vite se réenchanter pour une équipe qui gagne, mais à force d’attendre, le désintérêt va grandir.
Des affaires qui alourdissent le bilan
En grande difficulté sur le plan sportif, Bruno Venanzi l’est aussi en coulisses. Le président risque un renvoi devant le tribunal correctionnel de Hasselt pour faux et usage de faux dans le dossier qui l’oppose à Saint-Trond pour le transfert d’Edmilson Jr à Al Duhail.
Le club trudonnaire a été lésé d’une somme estimée à 1,28 million€ lors de la vente de son ancien joueur, comme le prévoyait l’accord passé entre les clubs lors du transfert du médian offensif au mercato hivernal 2016.
C’est un caillou très gênant dans la chaussure du président, en plus de son possible passage devant la justice pour un autre dossier encombrant, relatif au footgate.
Dans ce cadre, Bruno Venanzi, comme Olivier Renard, est poursuivi par le parquet, pour des fausses conventions de scouting qu’il aurait validées, pour le compte de Dejan Veljkovic.
Il reste, enfin, le volet d’une enquête sur Christophe Henrotay. Le domicile du président avait été perquisitionné, il y a un peu plus de deux ans, dans le cadre d’investigations sur des transferts. De ce côté-là, rien n’a encore filtré, mais la sérénité est de mise, dit-on dans l’entourage du président.