"Mon sang est mauve mais mon cœur, unioniste"
De plus en plus de supporters anderlechtois prennent place dans les tribunes saint-gilloises.
Publié le 29-01-2022 à 06h56
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Je ne comprends pas comment certains peuvent supporter Anderlecht et l’Union. C’est comme si j’étais fan de Chelsea et de Tottenham…" Depuis le retour de l’Union au plus haut niveau, un grand débat agite les réseaux sociaux au sujet de ces supporters mauves de plus en plus présents dans les travées du Stade Marien. Pour différentes raisons, de nombreux fans anderlechtois s’intéressent au phénomène unioniste et sont attirés par ce qu’il se passe du côté de Forest.
Si ce double amour crée l’incompréhension dans l’esprit de certains, les supporters des deux camps ont toujours été relativement proches. "Il y a des liens historiques entre le public d’Anderlecht et celui de l’Union", explique Fabrizio Basano, fidèle supporter de la RUSG et fin connaisseur de l’histoire des Jaunes et Bleus. "À l’époque, les dirigeants des deux clubs s’accordaient même pour que les deux équipes ne jouent pas le même jour, à la même heure. Dans les années 50-60, ils avaient remarqué qu’une proximité existait entre les deux parties. Leur accord permettait aux fans des uns d’aller voir l’équipe des autres."
Cette proximité s’explique en partie pour des raisons familiales. Après avoir connu ses heures de gloire, l’Union est un peu rentrée dans le rang au contraire du Sporting d’Anderlecht ce qui a poussé certains à changer de club de cœur. "Il n’est pas rare de voir des grands-parents unionistes dont les fils sont devenus anderlechtois, continue Fabrizio Basano. Maintenant, les petits-fils sont présents à l’Union. Ces vingt dernières années, de plus en plus d’Anderlechtois sont revenus à l’Union car ils y trouvaient une bonne ambiance et un chouette climat même si les résultats sportifs n’étaient pas nécessairement bons. Même en Division 3, beaucoup de Mauves venaient voir l’Union et appréciaient le match mais aussi et surtout l’avant-match et la troisième mi-temps."
Un phénomène amplifié
Depuis la montée en Division 1A, le phénomène s’est encore amplifié et de nombreux fans de l’équipe de Vincent Kompany sont rapidement tombés amoureux du jeu proposé par les hommes de Mazzù. Pour d’autres, le coup de foudre a eu lieu il y a plusieurs années déjà. "J’ai toujours été un grand fan d’Anderlecht", explique Janusz, devenu supporter des Mauves grâce à son père et abonné au Lotto Park. "Mes souvenirs remontent à la fin des années 90 et à la campagne en Ligue des champions au début des années 2000. J’ai rêvé avec Anderlecht et je suis rapidement tombé amoureux du club. Puis, en 2018, j’ai découvert l’Union sous l’ère Luka Elsner. Des amis m’ont dit qu’il fallait que je connaisse cette ambiance si particulière. J’y suis allé par curiosité et je n’ai pas été déçu. Une fois en tribunes, on ressent rapidement l’idée de la zwanze. À Anderlecht, si je me lève de mon siège, je me fais presque engueuler…"
Depuis lors, Janusz a la particularité d’être abonné à Anderlecht… et à l’Union. "C’est vrai que c’est hyperparadoxal et j’ai beaucoup réfléchi avant de franchir le pas", explique le jeune homme de 31 ans. "Je dis souvent que j’ai le sang mauve mais un cœur unioniste. Pour moi, ce sont deux plaisirs différents. À Anderlecht, j’adore ce que Kompany met en place en essayant de lancer le plus de jeunes possible. À l’Union, j’aime ce côté positif où on peut boire des bières entre amis. Je croise beaucoup plus de gens que je connais du côté de l’Union. Il y a moins ce côté ‘‘copain’’ à Anderlecht. Et puis, il y a aussi une petite ambiance à l’anglaise avec cette tribune debout le long du terrain qui rend les choses spéciales. On peut presque parler aux joueurs tellement on est proche du terrain."
Rivalité saine
Dans les tribunes du Parc Duden, les uns cohabitent avec les autres sans aucun problème. Pour beaucoup, cette bonne cohabitation est due à la rivalité qui est quasi inexistante entre les deux entités bruxelloises. "Il y a bien sûr une rivalité citadine mais il n’y a jamais eu de rivalité sportive car les deux équipes n’ont que rarement été au sommet en même temps, avance Fabrizio Basano. La vraie rivalité pour l’Union est celle avec Molenbeek. Il serait beaucoup plus surprenant, même si cela existe, de retrouver des supporters du RWDM dans nos gradins… Pour le moment, retrouver des fans anderlechtois dans notre stade ne me surprend pas car ce n’est pas un phénomène nouveau. Ce qui est neuf, c’est le nombre d’Anderlechtois présents chez nous. Avec le retour en D1A et les résultats actuels, cela s’est vraiment amplifié."
"Je n’ai jamais senti de haine entre les deux clubs", analyse Hermès, un fan d’Anderlecht depuis tout petit qui supporte aussi l’Union depuis quelques années. "Cette idée de rivalité sortait un peu de nulle part… sauf qu’elle existe maintenant réellement vu le classement des deux équipes. Certains amis supporters d’Anderlecht ne comprennent pas ma "double casquette". Je ne me suis jamais dit que je devais choisir car je ne m’attendais pas à ce qu’un jour, l’Union et Anderlecht deviennent rivaux sur le terrain. Finalement, je supporte l’Union plus pour le folklore que pour l’aspect sportif. Beaucoup d’amis y vont pour se défouler et s’amuser dans la joie et la bonne humeur même s’ils ne sont pas les plus calés en football."
Reste à ces supporters à faire un choix en vue de la rencontre de ce dimanche. Si pour Hermès, la décision est prise ("Anderlecht restera toujours mon premier club"), le dilemme est cruel pour Janusz. "J’en dors mal, rigole-t-il. Les deux clubs ont une place différente en moi. J’ai presque envie que ce soit match nul (sourire)."
Avant que les deux équipes bruxelloises ne se retrouvent sûrement en fin de saison pour deux autres derbies haut en couleurs en PO1…