Première interview européenne de Magallan (Anderlecht) : « Messi me parlait comme si j’étais son ami »
Première interview européenne de Lisandro Magallan, le charmant défenseur – avocat argentin, prêté au RSCA par l’Ajax.
Publié le 21-01-2022 à 07h40
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Jamais, quand Lisandro Magallan (28 ans) a été titulaire avec Anderlecht, le Sporting n’a perdu un match. Et donc, nous avons donné la parole à ce charmant Argentin qui n’a pourtant pas encore convaincu tous les supporters du RSCA.
Voici la première interview sur territoire européen de ce futur avocat, qui appartient encore à l’Ajax.
«Je ne savais pas quoi dire à Messi»
Le 19 juillet 2020 est une date que Magallan n’oubliera jamais. "J’avais été prêté par l’Ajax à Alavés. Dans le dernier match de la saison, nous accueillions le FC Barcelone de Messi. J’avais entendu qu’il était toujours sympa quand il jouait contre un compatriote. Mais je ne savais pas s’il savait que j’étais un Argentin. Je n’osais donc pas lui adresser la parole. Mais je lui ai quand même demandé son maillot pendant le match."
Barcelone gagne 0-5, Messi marque deux buts. La star tient sa parole et échange son maillot avec Magallan après la douche. "Normalement, je suis un moulin à paroles. Là, je ne savais pas quoi dire. Et donc, je lâchais : “Merci Leo. Bonne chance et au revoir.” Mais Messi n’arrêtait pas de parler. Comme si on était les meilleurs amis. Je me disais qu’il fallait que je parle aussi. Mais pour dire quoi? Il a parlé pendant cinq ou dix minutes. Finalement, les gens s’attroupaient autour de lui pour une photo. J’ai dit : “Désolé, Leo, je vais te laisser parce que les gens profitent de notre rencontre pour te demander une photo.” Voilà la seule expérience – inoubliable – que j’ai eue avec lui."
«Devant mes yeux, Maradona brossait le ballon où il voulait»
Sa rencontre avec l’autre Dieu du football argentin, Diego Maradona, date de l’année 2010. "Il était coach fédéral d’Argentine, et je m’entraînais avec l’équipe nationale U18 sur un terrain annexe. Le gardien Sergio Romero revenait de blessure, et il fallait quatre jeunes pour faire un petit match avec lui. J’étais un des heureux élus. Après cet entraînement, Maradona s’est mis à frapper au but. Sans échauffement et sans avoir la forme (il mime un gros ventre). Il disait où il allait brosser la balle. Et c’est exactement là qu’il plaçait le ballon."
Comme pour tout Argentin, Maradona est un héros pour Magallan. "Le peuple n’oublie jamais ce qu’il a fait pour le pays. En 1986, l’Argentine vivait une période difficile à cause des problèmes avec l’Angleterre (en 1982, la guerre des Malouines avait opposé les deux pays). Maradona a joué comme un guerrier au Mondial (il a marqué deux fois contre l’Angleterre, dont une fois de la main, et deux fois contre la Belgique), et il nous a ramené le trophée. Il a rendu le sourire aux gens."
«Delfina est plus populaire que moi en Argentine»
Sa compagne, elle, est une déesse du hockey en Argentine. Delfina Merino est ex-championne du monde et double vice-championne olympique. "Vu que j’ai quitté le pays en 2019, je ne sais pas si les gens me connaissent encore, confie Magallan. Et donc, cela ne m’étonnerait pas si Delfina est plus populaire que moi. Elle a été élue meilleure joueuse du monde en 2018."
Merino joue actuellement pour le… Léo à Uccle. "Elle a voulu m’accompagner en Belgique. Vu que le Léo joue souvent le dimanche matin et Anderlecht le dimanche après-midi ou soir, je ne sais pas souvent aller la voir jouer. Mais quand je peux, j’y vais. Je ne suis pas un connaisseur, mais je vois que Delfina a quelque chose de spécial. Elle est attaquante, elle est exceptionnelle."
Les deux ont appris à se connaître aux Jeux olympiques en 2016 à Rio. "Mais on ne s’est pas directement mis en couple. On a un peu parlé et après un an ou deux, on s’est mis ensemble. Maintenant, elle est en Argentine pour préparer le Mondial de juin."
«J’étais gêné dans la salle de muscu aux JO»
Ces JO de 2016 sont un moment inoubliable dans sa carrière. "Je n’ai joué que le premier match, contre le Portugal. Vu qu’on a perdu 2-0 (Correa de l’Atletico Madrid était aussi sur le terrain, Lo Celso de Tottenham est monté au jeu), l’entraîneur a changé son équipe. Mais malgré cela, c’était la plus belle expérience sportive de ma vie."
Magallan sourit en racontant quelques anecdotes. "Je me souviens du moment où j’allais au lunch dans le village olympique et que Djokovic (éliminé par… l’Argentin Del Potro au premier tour) était en train de s’entraîner sur un court. Je n’en croyais pas mes yeux. Et j’étais bouche bée en rentrant dans la salle de musculation. Je pensais que je m’entraînais bien. Mais quand je voyais ces autres sportifs à l’œuvre, je ne voulais plus être là. J’étais gêné et je me disais : “Comparé aux autres, je ne fous rien!”"
«Un conseil : allez voir Boca»
Le rêve de Magallan est de jouer en équipe nationale A. "Mais cela passera via mes prestations en club. Jusqu’à présent, je n’ai joué qu’en équipe nationale de jeunes. C’est là, d’ailleurs, que j’ai appris à jouer avec le maillot dans mon short. Mes amis disent que je suis le seul à faire ça et que c’est moche (rires)."
En 2018, avant d’être transféré pour la somme record de 9 millions€ à l’Ajax, Magallan était patron de la défense des Boca Juniors, club avec lequel il a joué la finale de la Copa Libertadores – la Ligue des champions sud-américaine – contre River Plate (défaite après prolongations). "Je pourrais essayer de vous expliquer l’ambiance qui règne dans le stade du Boca, mais c’est impossible. Je vous donne un conseil : si vous allez en Argentine, essayez d’assister à un match des Boca Juniors. Vous ne le regretterez pas."
«Tout était nouveau à l’Ajax : ce n’était pas facile d’être heureux»
Son aventure à l’Ajax s’est moins bien déroulée. Après la défaite 6-2 contre Feyenoord, avec un Van Persie déchaîné, le sort de Magallan était scellé. "Nous avions gagné le premier match, en Coupe, et Feyenoord-Ajax était mon second match. Je n’ai pas été bon et cette même semaine, je me suis blessé. Vous savez, tout était nouveau pour moi : le club, la culture, la langue, le style de jeu, mon statut, la vie sans ma famille à laquelle je suis fort attaché. Ce n’était pas facile d’être heureux… Mais bon, cela a été une bonne expérience de vie. Maintenant, je suis plus âgé, ça va mieux (rires)."
Puis, Magallan a été prêté à Alavés et Crotone, mais il n’a plus atteint son ancien niveau. "Mentalement, je ne me sentais pas bien. Ces derniers temps, on attache plus d’importance à la santé mentale des joueurs, mais ce n’était pas le cas à cette époque. Je n’étais pas prêt."
«Si Hannes joue? J’accepterai la décision du coach…»
Sa troisième location – à Anderlecht – semble être la bonne. Il a été titulaire onze fois. Anderlecht n’a perdu aucun de ces onze matchs. "Je ne sais pas si c’est le hasard (rires). J’espère que ça va durer. En tout cas, je suis très heureux ici. Ce qui me plaît le plus? Que Vincent Kompany prenne le temps d’expliquer comment il veut jouer."
Pourtant, Magallan a commis plusieurs erreurs. Contre le Standard, Van Crombrugge l’a sauvé quand une passe dans son petit rectangle a été contrée par Muleka. "J’ai eu beaucoup de chance, oui. J’ai infiniment remercié Hendrik. Je crois en Dieu et Dieu m’a aidé. Mon contrôle n’était pas bon et j’ai fait le mauvais choix. Mes autres erreurs? Cela fait partie du job. Chacun commet des fautes mais quand un défenseur central en commet une, c’est souvent fatal. Bien sûr qu’on doit essayer de construire en défense, mais sans prendre de grands risques. J’ai appris ma leçon."
Magallan a pris le meilleur sur Harwood-Bellis, qui est rentré en Angleterre. Mais voilà que Hannes Delcroix, un produit du club, est de retour. "Harwood-Bellis m’a poussé à devenir meilleur. Et si Hannes joue à ma place? J’accepterai la décision des entraîneurs. La concurrence interne nous rend meilleurs."
Magallan – "Maga" pour les amis – est très populaire au sein du vestiaire. Il est le papa des hispanophones. "Du haut de mes 28 ans, je me sens encore jeune! Mais ici, je suis un des plus âgés. Je n’ai de problèmes avec personne. D’ailleurs, j’ai gardé de bons contacts à l’Ajax. Je parle encore avec les Argentins Martinez et Tagliafico, mais aussi avec le capitaine Tadic."
Et son avenir? Anderlecht a obtenu une option d’achat de 5 millions€. "En ce moment, je me concentre sur le football. On verra à la fin. Cela ne dépendra pas que de moi. Mais j’aime Anderlecht. Oui, je sais que le club a une tradition d’Argentins. Dernièrement, Frutos est passé à Neerpede et on s’est parlé."
«Je reprends les cours d’avocat en mars»
Au sein du vestiaire, Magallan est considéré comme le professeur. En effet, il fait des études d'avocat. Dans la série Netflix Boca Juniors Confidencial, sa passion pour ses études était déjà un des thèmes principaux. "Alors que ma maman et mon jeune frère sont médecins, on est tous avocats dans la famille. Mon papa, qui a aussi joué au football, était avocat. Ma sœur est avocate et Delfina a son diplôme d'avocat. Mon frère n'a plus qu'un an à étudier pour être avocat. Moi, je suis dans ma troisième ou quatrième année des sept. Puis, je devrai me spécialiser. Je vais faire le droit du travail."
Grâce au Covid, il peut poursuivre ses études en jouant au football. "Les universités en Argentine donnent des cours en ligne. En mars, les cours reprennent. Non, je ne vais pas brosser des entraînements de Kompany (rires). Mais je dois dire que j’ai pu brosser un entraînement avec les Boca Juniors pour pouvoir passer un examen (rires)."
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