Deux ans plus tard, Alfieri et Henry se sont retrouvés
Coéquipiers à Tubize six mois lors de la saison 2018-2019 en D1B, Lucas Alfieri et Thomas Henry se sont revus. Un pur bonheur.
- Publié le 14-04-2021 à 09h48
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Le Stade Den Dreef est en pleine ébullition en ce début de semaine. L'OHL sort d'une lourde défaite face au Cercle de Bruges (3-0), mais la bonne humeur est de mise. La fourmilière turbine à plein régime. La séance matinale vient de se terminer pour les Louvanistes encore dans la course aux play-off 2. «Ah, qui voilà? » s'écrie la grande carcasse de Thomas Henry à la vue de Lucas Alfieri, son ex-coéquipier à Tubize. L'accolade est chaleureuse entre les deux hommes, devenus amis depuis leur court épisode brabançon il y a deux ans. Sincère aussi. «Oh, ça fait super-plaisir de te revoir! », tonne le deuxième meilleur artificier de D1A en enlaçant le futur portier de Stockay. «Oh calme!, rigole Lucas. Je n'ai pas envie que tu attrapes le Covid-19 et qu'après tu ne puisses plus jouer avec ton club! Moi, c'est moins grave parce que ma saison est finie… (rires).»
Au départ, j’étais comme Lucas, trop timide. Puis, je suis devenu plus crapule…
Le temps semble s'être accéléré depuis Tubize et leur rencontre au stade Leburton tandis que le club, alors sous pavillon coréen, peinait en D1B. À l'époque, le portier stockali faisait du foot professionnel un objectif de vie avec pour ambition de chatouiller Théo Defourny. Exilé de l'Hexagone qui ne mesurait pas tout son potentiel, Thomas Henry, lui, tentait de se relancer dans le foot pro et voulait se faire un nom sous nos latitudes. Mais si leur trajectoire personnelle a pris un tour opposé, les deux hommes ne se sont pas oubliés. SMS, contacts sur les réseaux sociaux, appels réguliers: l'un n'est jamais loin de l'autre. Comme à l'époque où, après leurs séances d'entraînement à Tubize, Thomas mitraillait Lucas de frappes au but pour des exercices supplémentaires. «On arrivait tous les deux à Tubize et le courant est tout de suite passé entre nous, se souvient Lucas. D'abord parce que mon casier n'était pas loin du sien dans le vestiaire. Puis, j'ai aussi récupéré son ancien appartement. Enfin, Thomas est un chouette gars qui sait d'où il vient. La grosse tête, il ne connaît pas. »
Celui qui a planté 21 buts cette saison au sommet du foot belge sourit. Et s'excuse presque… «À Tubize, je suis parti dès le mercato hivernal cette saison-là pour… OHL, un adversaire direct dans la course au maintien, rembobine le Français, un brin ému. Je culpabilisais beaucoup en me disant que je ne pouvais pas laisser les copains dans cette mouise. Mais tous, dont Lucas, m'ont poussé à partir et à ne penser qu'à moi. Et, ça, je ne l'oublierai jamais. Si j'en suis là aujourd'hui, c'est grâce à eux, grâce à toi Lucas en partie. Je me demande souvent d'ailleurs ce qu'il en serait advenu si j'étais resté. Je pense qu'on serait sauvé car il y avait des grosses qualités dans ce groupe… Mais la proposition des Louvanistes était irrefusable…»
Thomas est un chouette gars qui sait d’où il vient. La grosse tête, il ne connaît pas.
Et le Verlainois de rassurer son ami. «Tu as bien fait, tu devais partir, assure-t-il. Le club allait mal. On a vu d'ailleurs ce que ça a donné depuis (NDLR: Tubize a quitté le monde professionnel et évolue aujourd'hui en D2 ACFF). Quand tu es revenu un mois après, d'ailleurs, nous voir à un match, tu t'es glissé dans le vestiaire comme si tu ne l'avais jamais quitté. Et si certains ont douté de toi, moi, j'étais sûr que tu allais y arriver. Tu as tout avec tes 191 cm, cette vitesse, cette technique et cet instinct de tueur devant le but. Tu l'avais déjà à Tubize. Quand je pense que c'est notre coach de l'époque Christian Bracconi qui t'a positionné en 9, c'est incroyable comme le foot peut aller vite, des fois… »
Le Français acquiesce et s'étonne quand il apprend que la saison prochaine, l'ancien espoir de Bruges et du Standard jouera en «D4 belge» comme il dit. «Ouf, là, ça me fait mal pour toi, ça, dit-il, réellement embêté. Je suis désolé. C'est dingue parce que je peux te dire que des gars moins forts que toi, j'en ai croisé un paquet depuis. Mais tu le sais comme moi: c'est le foot, ça. Il suffit, parfois, d'être au bon moment au bon endroit pour faire une carrière. Regarde-moi: si je n'avais pas quitté la D4 française pour la Belgique, je serais peut-être à ta place en ce moment. Et pourtant, tu as des qualités. Et je sais de quoi je parle… »
L'émotion est palpable. Et la confidence entre amis pavée de vérité(s). Lui qui tutoie désormais les sommets en D1A, comment explique-t-il que son ancien coéquipier ne fasse pas pareil? «Lucas a tout, même un jeu au pied dingue, ce qui est important pour un gardien aujourd'hui, (r)assure l'ex-Nantais qui a disputé 2 rencontres de Ligue 1 à 20 ans. Sauf peut-être cet instinct de tueur. Il lui manque ce côté crapule, que moi j'ai appris à développer. Au départ, j'étais comme lui. Je me retrouve d'ailleurs totalement en lui. Je suis moi aussi à la base un grand timide. Il lui manque juste ce déclic. Aujourd'hui, c'est fou, mais plus je crie, plus je suis une crapule, plus je me sens vivant sur un terrain même si je me mets des limites, bien sûr (rires). Mais sincèrement, ce n'est pas grave car dans ma vie privée, je préfère bien plus avoir des crèmes comme toi que des crapules, tu sais (rires).»
Les deux hommes éclatent de rire. L'espace d'une petite heure sur un des billards que compte le flamboyant complexe louvaniste, ils se sont retrouvés. Avec un bonheur non feint. «Et n'oublie pas de me dédier ton premier but en Ligue des champions la saison prochaine, hein, tu as compris? » demande Lucas à son ancien coéquipier promis à un bel avenir. «Ok. Et si jamais il faut un gardien là où j'irai, je penserai à toi!» taquine Thomas. Comme au bon vieux temps…

La page du foot professionnel est quasi définitivement tournée pour Lucas Alfieri. Celui qui défendait les buts du RFC Liège cette saison a fermé la porte à 90%. «Ce milieu et un certain nombre d'éléments m'ont poussé à prendre cette décision, soupire-t-il. Sans rancune. Dans ma tête, je garde un petit espoir, mais il faudrait vraiment beaucoup pour me faire changer d'avis. Je suis passé à autre chose… Et je sais que je vais être bien à Stockay, dans mon jardin… »
Il a mis en place un vrai projet professionnel depuis sa décision. Dans deux ans, il sera agent immobilier indépendant. Avec, à terme, l'envie d'avoir sa propre agence. «Oui, c'est l'objectif mais pas de suite, sourit-il. Là, je dois réussir deux examens et ensuite trouver un stage. Cela me plaît. Et cela ne veut pas dire que je vais jouer au foot en touriste. Non, loin de là. Je fais attention à mon hygiène de vie comme quand je voulais être professionnel. Mais j'ai besoin de me lancer dans la vie active et de me relancer sur le terrain. »
Standard, Bruges, Tubize, Liège: le Verlainois de 23 ans pourra être fier, quoi qu'il arrive, de son parcours qu'il ne devra à personne. Avec une pointe de réussite et des clubs qui croyaient davantage en lieu, il ne ferait pas tâche bien plus haut. «C'est clair que quand je vois la réussite de Thomas Henry, mes potes Maxime Busi qui est à Parme, ou Lois Openda qui explose au Vitesse Arnhem, j'ai un petit pincement au cœur, avoue-t-il. Cela dit, tous, comme Thomas, le méritent. Mais je serais ravi aussi si, dans dix ans, j'ai ma propre agence immobilière, une famille et une belle carrière à l'échelon régional. Il y a aussi l'image positive qu'on laisse de soi… » Et à ce niveau, c'est clair que le Verlainois est hors catégorie…
