Anderlecht: Jos Donvil, sur un fil (financier)
Le nouveau CEO d’Anderlecht va devoir redresser la situation financière, tout en maintenant des ambitions sportives. Un jeu d’équilibre, surtout s’il n’y a pas d’Europe la saison prochaine.
Publié le 20-03-2021 à 06h00
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Comme disait Benoit Poelvoorde dans Les portes de la gloire: «On n'a jamais deux fois l'occasion de faire une bonne première impression.» C'est un peu l'exercice auquel s'est soumis Jos Donvil, mercredi matin. Le nouveau directeur général d'Anderlecht, qui prendra officiellement ses nouvelles fonctions le 1er avril, à la place de Karel Van Eetvelt, s'est présenté à la presse, et a voulu donner le cap à suivre pour les Mauves.
Il a été évidemment question de finances, dans le rouge; de jeunesse, à faire encore grandir; mais aussi d’ambitions, car Anderlecht en a, même si les temps ne sont pas simples. Il a été aussi question du parcours de ce licencié en sciences économiques, qui n’a pas peur de licencier, et qui a appris certaines choses au contact de Roland Duchâtelet, quand l’homme d’affaires était président du Standard, et lui sponsor, avec Base puis Voo.
Mais, avertit-il, il n'est pas supporter du Standard - «je n'y étais que comme sponsor. J'emmenais mon fils au stade. Il a été impressionné par l'ambiance et est devenu supporter».
Les finances: «On a un sac à dos, qui nous freine»
Anderlecht est en grande difficulté, d’un point de vue financier. La dette culmine à 100 millions€, et l’équilibre sera compliqué à retrouver dans l’immédiat.
«On a un sac à dos qui nous freine, et nous empêche d'aller aussi vite que les autres. Ce qu'il faut viser, dans un premier temps, c'est un bénéfice opérationnel, observe Jos Donvil. On peut y arriver dans les trois ans, ou plus tôt en cas de vente similaire à celle de Doku l'été passé (parti pour 26 millions€ à Rennes).» Une qualification européenne, au terme de cette saison, aiderait. Mais l'absence d'Europe «nous coûterait des millions.» Il faudra ajouter les conséquences de la crise sanitaire, et son manque de rentrées. Là aussi, le manque à gagner «représentera plusieurs millions (22,6, pour la période mars 2020-mars 2021)».
Il reste, enfin, le souci des actionnaires, qui n’ont toujours pas trouvé d’accord pour permettre, notamment, la recapitalisation du club, et lui donner un peu d’air. Donvil est confiant, comme l’était Van Eetvelt avant lui, ou encore le président Wouter Vandenhaute, il y a cinq mois.

L'autre axe de travail sera la maîtrise des dépenses, et une organisation du travail plus efficace. Au terme de son tour du propriétaire, Jos Donvil a constaté que beaucoup de départements du club bruxellois «n'étaient pas organisés comme une entreprise professionnelle». Or, «avant et après les nonante minutes d'émotion (le match), c'est le business, et on doit travailler comme dans une entreprise, qui gère un business». Renforcer la marque Anderlecht et la relation au supporter sera un projet important. «Anderlecht reste le club le plus populaire, quand on voit les audiences d'Eleven.»
Autre source d'économie potentielle: des salaires moins élevés. «Trois millions annuels pour un joueur? Avec moi comme CEO, et la nouvelle direction, ce sera compliqué de l'avoir», prévient Donvil.
Les ambitions : «Je ne dis pas qu’on sera champion dans trois ans, mais...»
«Anderlecht doit être à nouveau un club du top.» Comme d'autres avant lui, Jos Donvil a tenu un discours volontaire au sujet des ambitions anderlechtoises. L'Ajax reste le modèle, et le FC Bruges peut être une source d'inspiration.
«Ils ont mis dix ans pour faire le trajet, et arriver là où ils sont maintenant. On veut mettre moins de dix ans. Je ne dis pas qu'on sera champion dans trois ans, et il ne serait pas réaliste de prévoir la Ligue des champions dans notre budget de la saison prochaine, mais on va tout faire pour réussir. »
La question du maintien ou non de Vincent (Kompany) ne se pose pas. ” Et si la question se pose? «C’est impossible de répondre à cette question. C’est comme si vous me demandiez s’il va encore neiger cette année.»
Interrogé sur l'enthousiasme de la direction par le passé, qui parlait de titre ou d'Europe, et sur les sommes folles dépensées pour certains transferts, Jos Donvil préfère botter en touche: «Je ne veux pas tirer sur les gens du passé. Ils l'ont fait dans un certain contexte, et pensaient à ce moment-là qu'ils étaient dans le bon. Au début de la crise sanitaire, Marc Van Ranst a dit de ne pas mettre de masque. Un an plus tard, il dit à tout le monde de le mettre.» Et si, à l'analyse, Anderlecht ne va pas mieux dans deux ans? «C'est impossible! On est dans le bon, ça va marcher, je ne doute pas une seconde.»
Avec ou sans Vincent Kompany, un peu plus sous pression au fil de la saison? «On veut continuer avec Vincent, on ne se pose pas la question (de s'en séparer)», assure le CEO. Et si la question se pose, un jour? «Il est impossible de répondre à ce genre de questions. C'est comme si vous me demandiez s'il va encore neiger cette année. Mais en ce moment, on est certain de vouloir continuer avec lui.»
En dehors des terrains, Anderlecht ne fait plus partie du conseil d'administration de la Pro League, et il pourrait peser avec moins de force sur les décisions importantes du football belge. Jos Donvil n'est pas d'accord: «On pèsera encore. Bruges n'est pas au CA non plus (NDLR: il l'a quitté de sa propre initiative, pas à la suite d'un vote perdu).»
La formation: l’objectif prioritaire

Anderlecht a un important réservoir de jeunes, et son salut passera par Neerpede, où est installé le centre d'entraînement. «J'en fais un objectif prioritaire», assure Jos Donvil, qui prend les progressions d'Ait El Hadj et de Delcroix comme des exemples permettant de faire rentrer de l'argent sans trop en dépenser, en raison des transferts potentiels qui pourront être réalisés.
«On est actuellement quatrième en championnat, avec un des budgets les plus petits pour les transferts, pointe le CEO. On a recours aux prêts, mais on doit aussi s'appuyer sur nos jeunes, et améliorer encore leur cadre de travail.»
Cela passera par un suivi scolaire plus poussé, un accompagnement médical et nutritionnel encore plus performant, ainsi qu'une détection efficace. «On veut rester le numéro un de la formation, et continuer à offrir des perspectives à nos jeunes.»