L’arrêté royal qui fait trembler le sport belge
À partir de 2025, la pub pour les sociétés de paris sportifs et casino en ligne sera interdite dans les stades. Avec de lourdes conséquences à la clé pour les clubs.
Publié le 22-03-2023 à 06h00
Un vent d’inquiétude agite de plus en plus le monde du sport professionnel en Belgique. Pour ne pas dire une petite tempête qui risque de faire des dégâts sur le plan économique dans les prochaines années.
En cause: un arrêté royal du ministre de la justice Vincent Van Quickenborne visant notamment à interdire la publicité pour les sociétés de paris sportifs et casino en ligne. Une mesure parmi d’autres qui viserait à protéger les consommateurs.
Officiellement publié au Moniteur belge depuis le 8 mars, ce texte implique de lourdes conséquences puisque toute publicité pour les sociétés belges de paris et jeux de hasard en ligne sera interdite dans les stades à partir du 1er janvier 2025. Une exception sera faite jusqu’au 31 décembre 2027: seul un logo avec le nom, mais sans slogan, pourra être placé sur le maillot. Et puis plus rien…
Cela signerait donc la fin du sponsoring sportif pour ce type de sociétés extrêmement présentes dans le domaine, que ce soit en football, en cyclisme, en basket, en volley…

De 10 à 15% de pertes en foot et en basket
En football par exemple, la majorité des clubs de D1 sont sponsorisés par des sociétés de jeux et de casino dont ils affichent très visiblement le logo sur les maillots et dans les stades. Pour le Club Bruges, l’Antwerp et Charleroi, il s’agit même du sponsor principal. Autant dire que l’impact financier d’une telle loi serait énorme. Selon Loryn Parys, CEO de la Pro League, la perte globale de revenus tournerait autour de 12%.
Au niveau de la ligue belge de basket, elle-même sponsorisée par betFIRST, la pilule serait encore plus difficile à avaler. Les pertes seraient estimées à 15%. "C’est simple: sans sponsoring des sociétés de betting, il n’y aurait tout simplement plus de ligue pro en basket, affirme Wim Van De Keere, manager général de la BNXT League. Après les effets du Covid, des coûts de l’énergie, et du changement de statut social des sportifs professionnels, ce serait la goutte de trop. D’autant plus que nous devons y faire face sans moyen de compensation au niveau politique."
Manque de concertation
Le secteur sportif monte donc au créneau afin de solliciter une proposition de loi plus nuancée. Car celle mise sur la table actuellement a été conçue sans aucune concertation préalable avec les secteurs concernés.
"Il y a eu un réel manque de dialogue dans ce dossier. Par corrélation, le monde du betting et du sport sont liés. Nous sommes d’accord pour dire que des mesures doivent être prises pour la protection des consommateurs. Renforcer les programmes de sensibilisation afin de mettre les acteurs devant leurs responsabilités est nécessaire. Mais couper toute visibilité au produit n’est ni dans l’intérêt du consommateur, qui risque de se diriger vers des sites étrangers ou illégaux, ni dans l’intérêt du sport en Belgique qui y perdra beaucoup d’un point de vue financier", poursuit Wim Van De Keere.

L’Italie fait marche arrière
C’est d’ailleurs le constat qui a été dressé en Italie, où une interdiction de sponsoring par des sociétés de paris avait aussi été prononcée en 2018. Le gouvernement italien est maintenant occupé à faire marche arrière, à l’initiative du ministre des sports Andrea Adobi, afin de permettre aux clubs de se remettre à flot financièrement, et de faire face aux récentes crises dues au Covid et à la guerre en Ukraine. La ligue italienne de football a estimé que les pertes dues à cette mesure législative atteignaient100 millions d’euros par saison pour les clubs de SerieA.
De quoi faire réfléchir…
"On joue un jeu très dangereux"
Du côté des sociétés de paris en ligne, le discours pointe aussi les dangers de cet arrêté royal. Comme l’exprime Emmanuel Mewissen, le CEO de "Ardent Group", qui gère notamment la marque de Casino Circus.
"Je m’inquiète des effets réels que ce projet de loi produira sur la protection des consommateurs et des intérêts de santé publique. Je crains que ce décret n’enferme la Belgique dans un espace réglementaire très étroit sans tenir compte de la dimension internationale du secteur, estime-t-il. En conséquence, nous pouvons nous attendre à ce que seules les sociétés de jeux légales suivent les règles édictées par le gouvernement, laissant le champ libre aux entreprises non agréées. Le numérique n’a pas de frontière. Les sociétés étrangères de paris en ligne continueront à être visibles lors des compétitions internationales. Cela affaiblit le secteur belge à tout point de vue", regrette encore Emmanuel Mewissen.
Il attire l’attention: "Nous avons besoin d’une législation qui prend aussi en compte les réalités économiques. On se ment et on se donne bonne conscience via une attitude moralisatrice sous fond de petit jeu politique. Je suis évidemment favorable à l’idée de renforcer les normes de protection, en réduisant la publicité excessive. Mais en enlevant totalement la visibilité aux sociétés du secteur légal, on joue un jeu très dangereux. La visibilité et la compétitivité restent importantes pour favoriser le maintien des consommateurs dans le réseau légal. Dans le groupe, nous sommes tout à fait favorables à la prévention et à la responsabilisation."