Mircea Rednic est toujours le dernier vainqueur à Bruges avec le Standard : “Deila a l’esprit pour ce club”
L’ancien entraîneur des Rouches, dernier vainqueur au Club Bruges il y a dix ans, apprécie l’évolution de l’équipe liégeoise. Il revient sur son passage en bord de Meuse.
Publié le 09-03-2023 à 08h51
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Dimanche, à Bruges, le Standard va essayer de mettre fin à une longue série de matchs sans succès. Depuis dix ans, les Rouches n’ont plus gagné dans la Venise du Nord, en championnat. Cela représente l’équivalent de treize rencontres (huit défaites et cinq partages).
Le dernier entraîneur du Standard à s’être imposé au Club Bruges est Mircea Rednic. Le technicien belgo-roumain, sans club après avoir pris ses distances pour se faire opérer du genou, suit toujours le Standard, depuis la Roumanie. “Je suis venu voir le match à Seraing (1-1, le 14 janvier) et j’essaie de regarder les matchs sur internet, surtout ceux à Sclessin, pour l’ambiance.”
Il revient sur la dernière victoire du Standard à Bruges et pose son regard sur l’équipe actuelle.
M. Rednic, la dernière victoire du Standard à Bruges remonte à dix ans…
”…Le 1er avril 2013. Un bon poisson d’avril pour les Brugeois, non ? C’était le premier match des playoffs 1, et je dois bien avouer que j’avais un peu menti avant le match en disant que pour contrer Bruges il fallait limiter les espaces et peut-être jouer avec un attaquant plutôt que deux, comme je le faisais depuis le début avec Michy (Batshuayi) et Imoh (Ezekiel). Mais je n’ai rien changé et Michy a marqué le premier but.”
L'entraîneur (Ronny Deila) a l'esprit pour ce club, on voit que les joueurs sont concernés lors des briefings.
Comment fait-on pour gagner à Bruges ?
”Il faut se mettre en mode guerrier, et le nouvel entraîneur (Ronny Deila) peut amener cet état d’esprit. Je continue à regarder les matchs, mais je regarde aussi les vidéos dans le vestiaire (NdlR : la capsule Inside, produite par le Standard). On voit comment les joueurs sont attentifs, concernés. Il a un discours direct, franc. Il sait transmettre la confiance, et avant un match comme Bruges c’est super important. Le Club aura la pression, ils ont la gueule de bois et ils risquent de perdre la quatrième place. C’est un match capital pour le Standard, qui doit se rappeler qu’il a battu Bruges à l’aller. Et lors de ce match, les Brugeois étaient dans une autre forme que maintenant. Il faut y croire.”

Qu’est-ce qui vous plaît dans l’équipe liégeoise actuelle ?
”L’entraîneur a l’esprit pour ce club, on voit que ça colle. J’ai vu en direct le match contre Seraing, ce n’était pas le meilleur. Mais depuis, il y a du progrès. L’ailier gauche (Aron Donnum) peut faire la différence et est intéressant dans la construction et dans les combinaisons. J’ai plus de réserve au sujet du grand attaquant (Stipe Perica). Sur ce que j’ai vu à Seraing, il était trop souvent dos au but. Le petit qui l’a remplacé (Noah Ohio) me fait penser à Imoh (Ezekiel). Il a une bonne pointe de vitesse. La défense à trois est une bonne idée pour compenser le manque de vitesse. Le seul bémol que j’apporte est le manque d’expérience, mais j’ai cru comprendre que le club n’a pas trop la possibilité de recruter en raison de ses finances.”
Tout le monde a crié, le chauffeur du car a demandé ce qu'il s'était passé.
Vous restez attentif à l’évolution du club ?
”Oui. J’ai failli y revenir en 2016, mais Yannick Ferrera a gagné la Coupe de Belgique. On avait un accord pour que je vienne, mais le succès en Coupe a incité Bruno Venanzi à ne pas changer (NdlR : le Standard avait échoué à se qualifier pour les playoffs 1).”
En 2013, vous avez obtenu le dernier ticket européen, via le barrage (1-0 ; 7-0 contre Gand), mais vous n’avez pas été prolongé…
”L’équipe était douzième quand je l’ai reprise. Personne ne nous attendait en playoffs. Avant le match retour contre Gand, je savais que je ne serais pas prolongé. Lors de mon briefing, à l’académie, j’ai commencé à remercier les joueurs pour le travail effectué ensemble. Je ne sais pas s’ils étaient au courant que j’allais quitter le club. Quand, à la fin, je leur ai demandé s’ils voulaient être européens, ils m’ont répondu d’un oui que je trouvais très timide. J’ai reposé la question, en haussant le ton, tout le monde a alors crié. Le chauffeur du car m’a dit : Mircea, qu’est-ce qu’il s’est passé ? J’ai entendu crier, les vitres du car ont tremblé (éclats de rire). J’ai pu réaliser mon rêve d’entraîner le Standard, mais il reste un goût amer.”

Roland Duchâtelet a longtemps dit que vous aviez touché des commissions sur des transferts ou des bonus quand certains joueurs jouaient…
”Ce n’est pas vrai, et M. Duchâtelet le sait. Je n’ai rien touché. À la limite, j’ai été bête, j’aurais dû insérer un bonus pour une qualification européenne quand j’ai signé (sourire).”
"Michy (Batshuayi) prenait tout à la légère. Mais quel talent. Il n'a pas réussi à se battre pour faire plus.
Dans l’équipe de 2013, il y avait Anthony Moris, votre deuxième gardien. Il est titulaire à l’Union et l’un des meilleurs gardiens du pays. Quel regard portez-vous sur sa progression ?
”Je suis content pour lui. Pour tout dire, quand j’ai vu la première fois que c’était lui, j’ai été surpris. Mais bravo à ce garçon, qui a su saisir sa chance. C’était un vrai bon caractère, toujours positif. Quand je l’ai eu, il était encore jeune (il avait 22 ans). Il était bon techniquement, tout le monde était d’accord, mais quand il faisait une erreur à l’entraînement, il n’était pas bien. Il a gagné en expérience, mais il est toujours aussi bon.”
Vous avez aussi côtoyé Michy Batshuayi…
”Ah Michy… On est encore parfois en contact, je lui promets toujours que je vais aller le voir en Coupe d’Europe, mais je n’y suis pas encore allé. C’est un talent hors norme, mais il n’a pas réussi à se battre pour faire plus et avoir une plus belle carrière. C’est dommage qu’il soit parti de Marseille. Quand je l’ai vu la première fois, je lui ai demandé pourquoi il ne jouait pas, selon lui. Il m’a répondu que c’était la faute de l’entraîneur. Je lui ai répondu : Non Michy, c’est ton problème, ça doit passer par toi. Mais j’avais confiance en lui, j’avais vu ses matchs. Je l’ai aligné à Genk, pour mon premier match, alors qu’il n’avait pas encore commencé de la saison. Il était surpris, mais je croyais en lui. Et il a marqué. Je ne l’ai plus sorti de l’équipe. Mais il prenait tout à la légère. À la théorie, il rigolait ; à l’entraînement, il n’était pas toujours sérieux, il faisait le geste inutile, pour le plaisir. Je lui disais toujours : Michy, arrête de philosopher, marque ! Quand tu rates cinq occasions et qu’on encaisse un but, ce sont les défenseurs qui se font engueuler, pas toi. Tu dois y penser.”