Le Brésil a pleuré Pelé
De Rio à Santos, le pays a rendu hommage à son roi. Trois jours de deuil national ont été décrétés.
Publié le 30-12-2022 à 20h40
Pelé sera enterré mardi dans le cimetière le plus haut du monde. Cela n’a rien d’un hasard. O Rey a toujours tutoyé les sommets et ne comptait pas laisser la mort l’empêcher d’être un homme à part. Le Memorial Necrópole Ecumênica a également pour lui d’offrir une vue directe à Pelé sur le terrain du stade de Santos. Lieu de ses exploits d’antan.
”Ce lieu ne ressemble pas à un cimetière, a-t-il confié à l’époque, déjà très ouvert sur son passage vers l’au-delà. C’est un endroit qui transmet la paix spirituelle et la tranquillité.”

Une opération London Bridge
Tout le contraire de ce que seront les rues de Santos dans les jours à venir. Lundi matin, le corps du légendaire attaquant sera déplacé de l’hôpital vers le Stade Urbano-Caldeira pour une veillée funèbre publique d’à peu près 36 heures. Les files devant le stade risquent de ressembler aux scènes vues à Londres devant l’abbaye de Westminster lors du décès de la reine Elizabeth II d’Angleterre. Selon le média brésilien G1, Santos prépare une “opération London Bridge” avec un protocole strict afin d’éviter que les hommages se transforment en un indicible chaos.
Quand Pelé joua le taxi pour François Van der ElstLes Brésiliens vont affluer en nombre dans l’État de São Paulo. Mais pas tout de suite. L’heure est au choc et aux larmes. Jeudi soir, l’émotion avait pris le pas sur l’organisation d’un road trip vers Santos.
La nouvelle était grandement anticipée. L’état de santé de Pelé ne cessait de se dégrader. La population brésilienne n’était pas prête pour autant. Peu avant 16 heures, les grandes villes du pays se sont tues. Seul le son des alarmes “push” des médias cariocas annonçant la triste nouvelle brisait le silence. Les coups de téléphone ont ensuite pris le relais.
Des larmes et des hommages
Ce n’est pas le genre de nouvelle qu’on vit seul. Le décès d’une icône se déroule dans le partage de l’émotion. Beaucoup de Brésiliens avaient besoin du réconfort de leurs proches pour encaisser la nouvelle. Les médias locaux font état de larmes chez les passants croisés en rue. Discrètes ou affirmées, elles ont coulé.
Selon leurs origines, les Brésiliens se sont rués vers des lieux hautement symboliques. Plusieurs Cariocas ont été aperçus en pleurs au pied de l’hôpital Albert Einstein où la légende s’est éteinte. D’autres y ont déployé une banderole qui a déjà fait le tour de la toile. On pouvait y lire “Eterno Rei Pelé (NdlR : Pelé, roi éternel).” Nombreux sont ceux qui sont venus s’y recueillir.
À Rio, le Maracana a eu les faveurs des fans de football où des gerbes de fleurs sont venues décorer le parterre du stade. À Santos, on a préféré sortir les drapeaux et les rééditions des maillots portés par le Roi durant les années 50, 60 et 70.
Ronaldo, Romario et les autres
Les autres légendes brésiliennes ont également tenu à partager leur tristesse de voir leur exemple s’en aller. Neymar a rapidement lancé l’une des plus belles phrases pour qualifier Pelé. “Avant lui, le football était juste un sport. Pelé a tout changé. Il a transformé le football en art, en divertissement.”
Les deux derniers leaders des équipes brésiliennes championnes du monde (1994 et 2002) ont également fait une sortie. À commencer par Ronaldo, l’un de ses principaux héritiers. “Le meilleur de tous les temps. Le monde est en deuil. Un mélange de tristesse et de fierté immense pour l’histoire qu’il a écrite. Quel privilège d’être venu après toi, mon ami.”
Romario, patron de la génération 1994 parle, lui, “d’un des fils les plus illustres du Brésil. Il a fait plier le monde devant son talent, emmenant le football brésilien sur l’autel des dieux.”
Le Maracana et le Christ rédempteur en lumière
Comme un symbole, la veille, Zico, une autre légende du football auriverde, a organisé le “match des étoiles”. Les joueurs de cette rencontre de charité sont tous montés sur le terrain avec un t-shirt flanqué du visage du Brésilien et de la mention “Pelé eterno.”
Le Maracana, où s’est déroulé ce fameux match, s’est illuminé pour lui rendre hommage. “La lumière que Pelé a apportée au football ne s’éteindra jamais”, peut-on lire sur le post Instagram révélant les images du stade ainsi que des commentaires d’époque.
Le Christ rédempteur avait aussi revêtu ses habits de lumière pour l’occasion. Il était illuminé aux couleurs du drapeau national pour surveiller Rio du haut du Corcovado.

Trois jours de deuil national
Les marques de soutien ont afflué de toutes parts. Le siège de la fédération brésilienne (CBF) a directement annoncé qu’elle décorera sa façade d’une photo de Pelé. Elle n’a pas réussi à le faire le jour de son décès à cause des fortes pluies qui tombaient sur la région de Rio. Le siège du Conmebol, la fédération d’Amérique du Sud, situé au Paraguay, a également rendu un puissant hommage à Pelé en ne lui inscrivant pas de date de mort mais le symbole de l’infini.

Le gouverneur de Rio de Janeiro, Claudio Castro, a décrété trois jours de deuil national. Une décision prise pour l’impact d’O Rey en tant que joueur mais aussi en tant que ministre des Sports de 1995 et 1999. Il a été le premier à occuper ce poste et a toujours été considéré comme une personne influente du paysage politique et social du pays.
Le président Lula a, lui, ouvert la boîte à souvenirs. “J’ai eu un privilège que les jeunes Brésiliens n’ont pas eu, explique-t-il à Reuters. J’ai vu Pelé jouer, en direct et au stade. Plus que jouer, je l’ai vu offrir un spectacle.”
La famille du joueur a proposé que son numéro 10 soit retiré à Santos. Il y a joué de 1956 à 1974 et comptait y prendre sa retraite définitive si un besoin urgent de cash ne l’avait pas fait sortir de sa pension pour aller taper le ballon aux États-Unis.
Le bouquet final aura lieu lors du passage à l’an neuf. Sur la plage de Santos, le traditionnel feu d’artifice sera accompagné d’un hommage composé par 80 drones. “Ils construiront des images qui dépeindront l’histoire du roi”, a déclaré Rafael Leal, secrétaire à la culture, à G1.
Un tel dispositif avait déjà été mis en place par le Qatar lors de la Coupe du monde. Les objets volants avaient dessiné un maillot auriverde floqué du numéro 10 du Roi. Santos ira plus loin pour proposer un spectacle retraçant l’histoire de Pelé de la ville minière de Três Corações où il est né jusqu’à son arrivée sur la côte de Sao Paulo. Un spectacle grandiose. À la mesure d’O Rey.