Martinez, sélectionneur protecteur : “Cette génération mérite plus de respect”
Dans une conférence de presse où il est apparu plus offensif, le sélectionneur a donné le ton de ce que devra être le visage des Diables contre la Croatie.
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Publié le 30-11-2022 à 22h27 - Mis à jour le 01-12-2022 à 08h15
À la veille de ce qui ressemble au match d’une vie, ou plutôt de la survie, pour la Belgique, Roberto Martinez a enfilé le costume du protecteur. Trop diplomate pour convoquer un boycott de la presse, il a tout de même profité de la conférence de veille de match, ce mercredi après-midi, pour glisser l’un ou l’autre tacle.
Pêle-mêle, il a épinglé L’Équipe, qui avait publié un article relatant une vive altercation dans le vestiaire après la défaite contre le Maroc (0-2). "Le journaliste qui a écrit ça a marqué un but contre son camp, ou plutôt contre le but de la Belgique. C’est un génie d’avoir fait cela…”
L’idée de déstabilisation n’était pas loin, dans l’esprit du sélectionneur, qui en a profité pour dire son regret que “les médias belges ont relayé de fausses informations (sur base de l’article de L’Équipe)” et qu’”il faut se battre pour gagner, pour les vrais fans”. Là aussi, le sous-entendu est assez clair de la part du sélectionneur, qui a regretté les critiques “et cette mauvaise ambiance qui a été installée depuis le début de la Coupe du monde”.
Sur un fil
Roberto Martinez est lisse dans sa communication, mais il peut donc être piquant à l’occasion. C’est aussi le rôle d’un sélectionneur de protéger son groupe, quitte à dire à trois jours d’intervalle qu’il y a des tensions (ce qu’il a admis après le match contre le Maroc) puis de dire qu’il n’y en a pas (ce qu'il a dit ce mardi). Ainsi va la vie d’une sélection en difficulté dans un grand tournoi. Quand elle est sur un fil, elle n’a pas de marge et doit faire bloc, pour montrer au monde extérieur que les remous et les rumeurs ne les atteignent pas.
C’est aussi pour cette raison, sans doute, que l’Union belge a publié sur ses réseaux sociaux des photos de la soirée de mardi, faite de jeux de société. Au lendemain de la réunion (de crise, n’en déplaise à Timothy Castagne), les sourires étaient de retour à l’entraînement et au camp de base. Et le mode commando enclenché.
"C'est le meilleur moment pour réagir."
Retrouver cette joie était une des missions que Roberto Martinez s’est fixées dans la foulée de la défaite contre les Marocains. Il restera à transcrire cela sur le terrain. Avec ou sans Romelu Lukaku dès le coup d’envoi ? “On verra comment se passera le dernier entraînement, a répondu Martinez. C’est un leader de groupe, capable de bien jouer dans les grands matchs”.
Le trio Hazard - De Bruyne - Lukaku comme au bon vieux temps ?
Cela tombe bien, un grand match est prévu ce jeudi. Une sorte de seizième de finale où, au fond, il ne faut plus se poser de questions. “C’est le meilleur moment pour réagir”, a averti Martinez, qui avait ressenti une “peur de perdre” dans son groupe contre le Maroc. Il n’y a plus de place pour la peur ou les doutes désormais.
”On sait que nous avons créé des attentes, note encore Martinez. On a gagné contre le Canada, mais ce n’était pas assez, au niveau de la manière, on le sait. La défaite contre le Maroc par deux buts d’écart, pour la première fois dans un grand tournoi pour cette équipe, a aussi renforcé les doutes. Mais on veut rester dans ce tournoi, et ce match contre la Croatie sera très intéressant.”
La Belgique est-elle capable de revenir à son niveau d’avant ? D’élever le curseur ? Kevin De Bruyne et Eden Hazard, qui étaient en marge du groupe mardi, étaient bien présents mercredi à l’entraînement et toute la question est de savoir qui les accompagnera. Martinez ne devrait pas bousculer ses habitudes, a-t-il déjà prévenu, mais revoir le trio Hazard-De Bruyne-Lukaku performant serait une bonne nouvelle.
Pour la première fois avec ce sélectionneur, la Belgique est au pied du mur. Il est toujours tentant, face à un moment d’histoire, de se demander si ce sera la dernière danse, ou non, pour cette génération dorée. Roberto Martinez n’a pas voulu rentrer dans ce débat. “Je ne pense pas qu’il est temps de faire le bilan, attendons le match de demain (aujourd’hui).”
Seizième de finale
Il a fini par remettre, à nouveau, son costume du protecteur, en fin de conférence de presse, pour rappeler tout ce que cette génération a apporté au football belge dans une longue réponse à une question sur cette idée de fin de cycle : “Le dévouement de ces joueurs pour leur sélection est incroyable. Sept Diables ont 100 capes ou plus (en comptant Courtois, centenaire ce jeudi). C’est la première équipe belge qui a conquis une troisième place à la Coupe du monde, qui est restée quatre ans en tête du classement Fifa. On peut dire qu’elle n’a pas gagné un grand tournoi, mais il faut regarder l’héritage qu’elle laisse pour les prochaines générations. Le football belge est changé pour les vingt prochaines années et cela mérite plus de respect pour cette génération.”
Tant qu’à préparer une éventuelle sortie, autant la préparer soi-même, et rappeler ce qui a été bien fait pour anticiper les commentaires négatifs. Mais le sport de haut niveau s’encombre rarement de la trace laissée dans l’histoire quand il faut d’abord et avant tout écrire son destin. Que dira Roberto Martinez à ses joueurs tout à l’heure dans le vestiaire du stade Ahmad Bin-Ali ? Enjoy. Et ne rien regretter. Pour faire taire les critiques, prolonger l’aventure au Qatar et écrire quelques lignes de plus dans le livre des Diables rouges. Au fond, c’est tout ce qu’on peut leur souhaiter.