La Belgique et les matchs décisifs à la Coupe du monde : le centre raté de Vercauteren, la brouille Scifo-Leekens et la colère de Waseige
La Belgique, dans l’histoire de la Coupe du monde, a été confrontée à trois reprises à un match décisif pour une qualification en huitièmes de finale. En 1986 et en 2002, les Diables étaient passés. En 1998, sans défaite, ils avaient été éliminés.
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- Publié le 30-11-2022 à 06h44
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Ce n’est pas la première fois que la Belgique va jouer sa survie dans une Coupe du monde lors d’un troisième match de groupe. Son ratio est positif puisqu’elle est passée deux fois sur trois. Mais en 1986, la Belgique avait terminé parmi les meilleurs troisièmes. Des parallèles peuvent être dressés entre les rappels du passé et la situation actuelle. L’ambiance électrique, et les matchs trop moyens, ont accompagné les Diables de 1986, avant un heureux dénouement. Le barbecue avait été aussi organisé après la deuxième rencontre, en 1998, mais sans effet. En 2002, la presse avait été boycottée afin de se recentrer sur l’essentiel : arracher la qualification. Ce fut chose faite. Matchs moyens, barbecue et tension entre joueurs et médias. En 2022, tout est réuni. Pour quel dénouement ?
1986 : Belgique – Paraguay (2-2)
Vercauteren : “C’était un centre raté, mais le meilleur que j’ai donné”
Frankie Vercauteren avait ouvert la marque contre le Paraguay. Le nul (2-2) avait suffi à la Belgique pour finir parmi les meilleurs troisièmes.

C’est un point de règlement qui aurait pu aider les Diables rouges en 2022. Mais il n’existe plus. En 1986, les quatre meilleurs troisièmes des six groupes de quatre sont qualifiés pour les huitièmes de finale.
C’est à ce titre que la Belgique s’est sortie du groupe B, non sans avoir tremblé. Tout avait commencé par une défaite contre le Mexique, pays organisateur (2-1), puis une victoire laborieuse contre l’Irak (2-1). Les données du problème avant la troisième rencontre, décisive, face au Paraguay, étaient assez simples : la victoire permet aux Diables de finir deuxième ; le partage de gratter une place de meilleur troisième ; la défaite comporte le risque de rentrer en Belgique.
L’ambiance dans le groupe belge, à l’approche de cette rencontre décisive, est tendue depuis quelques jours, malgré la victoire contre les Irakiens. Les joueurs, sur ordre de la fédération, ne reçoivent ainsi plus les journaux, jugés trop critiques.
René Vandereycken fait ses valises et rentre en Belgique après le deuxième match, sur fond de désaccord avec Guy Thys. Officiellement, il est annoncé blessé, mais le médian estime que le sélectionneur ne le considère pas à sa juste valeur. Erwin Vandenbergh quittera aussi la sélection, réellement blessé au genou, lui, après un contact lors du premier match contre le Mexique.
Vandereycken est renvoyé en Belgique, les joueurs ne sont pas autorisés à lire les journaux, trop critiques.
Contre le Paraguay, Guy Thys change presque une moitié d’équipe, ce qui est le signe que tout ne va pas bien. Il se passe de Gerets, Vandereycken, Franky Van der Elst et De Wolf, pour relancer Demol et Broos, ainsi que donner sa chance à Renquin et Grun.
Cette équipe belge rajeunie parvient à faire la différence assez tôt, avec un but de Vercauteren qui tombe un peu de nulle part à la demi-heure. Dans le podcast Le Décrassage, l’ancien entraîneur d’Anderlecht se rappelle : “J’ai un peu joué avec différentes versions sur ce but, entre fait exprès ou non, mais je peux le dire : c’était un centre raté, mais au fond le meilleur que j’ai donné.”
Demol, homme du match
Les vieux démons ne sont jamais loin pour l’équipe belge, cependant, et le Paraguay égalise grâce à Cabanas. Mais il faut croire que cette équipe savait se révéler dans l’adversité, et Veyt, bien servi par Demol, le meilleur homme du match, finit par redonner l’avantage à l’heure de jeu. Cabanas, toujours lui, permettra finalement au Paraguay d’arracher le partage, et la deuxième place avec.
La Belgique, troisième, jouera contre l’URSS en huitièmes de finale. On connaît la suite, et cette anecdote qui disait que les valises des Diables étaient déjà faites pour rentrer en Belgique. Ils sont restés un peu plus longtemps…
Belgique : Pfaff, Renquin, Grun, Broos, Vercauteren, Scifo, Demol, Vervoort, Ceulemans, Claesen, Veyt (68e F. Van der Elst).
Avertissements : Ceulemans
Les buts : 31e Vercauteren (0-1) ; 50e Cabanas (1-1) ; 60e Veyt (1-2) ; 76e Cabanas (2-2).
1998 : Belgique – Corée du Sud (1-1)
“Je ne regrette pas ce changement, car il était prévu”
Georges Leekens avait remplacé Enzo Scifo lors du match décisif contre la Corée du Sud (1-1), qui a signifié l’élimination. Le meneur de jeu a mis du temps à pardonner au sélectionneur.

C’est une Coupe du monde qui s’est finie sans défaite, mais avec une élimination. En concédant trois matchs nuls (0-0 contre les Pays-Bas ; 2-2 contre le Mexique et 1-1 contre la Corée du Sud), la Belgique n’a pas su forcer les portes des huitièmes de finale et elle a toujours été rejointe après avoir ouvert le score.
Au soir du partage contre le Mexique, dans le four du parc Lescure de Bordeaux, les Diables sont vidés. Ils ont vu les trois points s’éparpiller en sept minutes après l’exclusion de Verheyen et l’ambiance est morose. Pour passer la phase des poules, la Belgique doit gagner par trois buts d’écart contre la Corée du Sud.
Un barbecue avec les familles est organisé au soir du match contre les Mexicains dans l’hôtel occupé par les Diables. “C’était une manière de décompresser, les joueurs en avaient besoin”, explique Leekens dans Le Décrassage. Et de se dire certaines choses autour d’une bière, aussi. “J’avais dit aux joueurs : à minuit au lit, et tout le monde a respecté la consigne, certains étaient de toute façon pompette après deux bières”, sourit l’ancien sélectionneur, qui avait emmené joueurs et familles à Disneyland, en début de tournoi, pour renforcer la cohésion.
Pour le match décisif, le sélectionneur, privé de Verheyen, suspendu, et de Boffin, blessé, change de gardien. Il opte pour Vande Walle, à la place de De Wilde, et laisse Franky Van der Elst sur le banc, au profit d’Enzo Scifo. Les relations entre le meneur de jeu et Leekens sont fraîches. Mais le match débute bien pour les Belges, avec l’ouverture du score par Nilis après sept minutes.
Je ne comprends pas pourquoi cet homme, qui n'a jamais cru en moi, m'a sorti pour un élément défensif.
L’attaquant va fêter sa réalisation, sa dernière en équipe nationale, avec Verheyen, et il frappe encore sur la latte quelques minutes plus tard. La Belgique perd la maîtrise du jeu en deuxième période, selon Leekens, qui décide de renforcer son entrejeu. Il sort Scifo, pour le remplacer par Van der Elst, un peu après l’heure de jeu. Un changement qui a longtemps fait débat.
Une brouille qui a duré des années
Après la rencontre, le joueur d’Anderlecht se lâche : “Je ne comprends pas pourquoi cet homme, qui n’a jamais cru en moi, m’a sorti pour un élément défensif.” Vingt-quatre ans plus tard, le sélectionneur explique son choix : “Je voulais lancer Franky pour avoir plus de contrôle dans le milieu. Je ne regrette pas ce changement, car il était prévu.” Fataliste, il ajoute : “On manquait de classe pour passer, on n’était pas au niveau.”
Avec Scifo, la brouille va durer des années, au point que le joueur dira dans sa biographie qu’il a pensé gifler Leekens après le match. Après le changement, en tout cas, les Diables rouges concèdent un but de Yoo à la réception d’un coup-franc et la Belgique est éliminée.
Belgique : Vande Walle, Staelens, Vidovic, Borkelmans, Van Kerckhoven, Clement (75e E. Mpenza), Deflandre, Wilmots, Scifo (65e Van der Elst), Oliveira (46e M. Mpenza), Nilis
Avertissements : T.Y. Kim, Borkelmans, S.H. Lee, B.J. Kim
Les buts : 7e Nilis (1-0) ; 71e Yoo (1-1).
2002 : Belgique – Russie (3-2)
“Waseige était furieux”
Glen De Boeck, qui a joué la Coupe du monde 2002 avec le pied cassé, revient sur les coulisses de la colère du sélectionneur, pris en grippe par une partie de la presse, ce qui a soudé le groupe belge.

La Coupe du monde 2002 commence par une annonce : dans le car qui emmène les Diables rouges à l’aéroport de Roissy, où ils vont prendre l’avion en direction du Japon, Robert Waseige confirme une rumeur qui circule depuis quelques jours : il deviendra l’entraîneur du Standard au retour d'Asie.
L’annonce fait l’effet d’une bombe, et la presse, notamment néerlandophone, lui tombe dessus. Le tournoi débute mal, sur le plan mathématique, et rappelle quelques mauvais souvenirs. Avec des partages contre le Japon (2-2) et la Tunisie (1-1), les Diables rouges se retrouvent dans la même situation qu’en 1998, en France.
Ils sont encore quelques-uns à être là, quatre ans plus tard, dont Marc Wilmots, le capitaine et leader de ce groupe, très proche de Robert Waseige. Un sélectionneur qui va être épinglé par un article de presse selon lequel il s’est endormi pendant un briefing tactique de Vincenzo Briganti, son adjoint.
Glen De Boeck raconte dans Le Décrassage : “Un joueur a raconté cette histoire au journaliste et c’est sorti. On a une idée du joueur (sourire). Le jour de la publication, on était à la sieste, et le team manager frappe à ma porte. Je faisais partie du conseil des joueurs et Robert voulait nous voir. Il était furieux. Je n’avais jamais vu ça. On l’a calmé, mais il y avait une drôle d’ambiance ensuite.”
On ne voulait pas revivre 1998.
Alors qu’ils vont jouer leur survie dans le tournoi sur un match décisif, avec une victoire obligatoire, les joueurs décident de boycotter la presse en soutien à Waseige. Puis ils se sont réunis. “On s’est vu, sans Robert, pour se dire qu’on devait passer ce tour, qu’on devait être solidaire. On ne voulait pas revivre 1998”, dit De Boeck.
Contre la Russie, Waseige se passe de Van der Heyden et Simons, qui avaient joué les deux premiers matchs. Il relance Vanderhaeghe et Walem, donne sa chance à Mbo Mpenza. La Belgique va l’emporter 3-2, en faisant la différence dans le dernier quart d’heure. Après un coup franc parfait de Walem pour ouvrir la marque au bout de sept minutes, les Russes égalisent avant l’heure de jeu.
La tête de Sonck
C’est tendu jusque dans le dernier quart d’heure, quand un corner de Walem, repris de la tête par Sonck, permet de placer la Belgique devant. Un troisième but de Wilmots, dans la foulée, à la réception d’un centre de Goor, soulagera tout le monde.
La Belgique est toujours en vie et fera douter le Brésil, futur champion du monde, en huitièmes de finale.
Belgique : De Vlieger ; De Boeck (90e+2 Van Meir), Peeters, Van Buyten, Van Kerckhoven, Vanderhaeghe, Walem, M. Mpenza (70e Sonck), Wilmots, Verheyen (78e Simons), Goor.
Avertissements : Vanderhaeghe, Solomatin, Smertin, Alenichev.
Les buts : 7e Walem (1-0); 52e Bestchastnykh (1-1) ; 78e Sonck (2-1) ; 82e Wilmots (3-1); 88e Sychev (3-2).