ANALYSE | Si, Roberto, vos Diables étaient plus forts en 2018
Imaginer la génération dorée avec un trophée dans les mains devient de plus en plus compliqué, malgré ce qu’en pense Martinez.
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Publié le 09-10-2021 à 06h42
On s’est souvent fait la réflexion depuis le début de son mandat et c’était encore le cas dans la salle de presse du Juventus Stadium : à quoi pense réellement Roberto Martinez au moment de balancer une réponse creuse, comme il sait si bien le faire? Mercredi soir, avant le match contre la France, la question était claire : les Diables sont-ils plus ou moins forts qu’en 2018, date de notre dernier affrontement avec les Bleus? Sans sourciller, le coach a répondu «plus forts», précisant que c’était aussi le cas de notre adversaire. Oserait-il vraiment croire que l’équipe dont il dispose aujourd’hui est meilleure que celle du meilleur résultat de notre histoire en Coupe du monde? On espère que ce n’était qu’une couleuvre de plus qu’il tentait de nous faire avaler. Parce que la qualité a fameusement baissé depuis la campagne de Russie…
Eden n’est plus le même
Sur quelques gestes, Eden Hazard a encore époustouflé tout le stade à Turin. Mais force est de constater qu’il brillait souvent quand le rythme baissait. Il a disparu en seconde période, sans doute aussi handicapé par un bobo. On n’a pas envie de l’écrire, mais on ne peut pas s’empêcher d’y penser : le corps d’Eden semble usé par des années de tacles, de tampons et de Premier League. À 30 ans, le reverra-t-on encore à son meilleur niveau? Et, surtout, pourra-t-on compter sur lui sur la durée d’un tournoi sans devoir craindre une blessure à chaque contact? Les questions sont plus nombreuses que les réponses pour un joueur qui a perdu sa place de titulaire au Real Madrid. Si les Diables ont été si forts en 2018, ils le devaient en bonne partie à Hazard, qui avait donné une leçon de dribbles aux Brésiliens en quart de finale. Sans lui, la Belgique perd une bonne partie de l’incertitude qu’elle pouvait créer chez l’adversaire.
Seul Lukaku est plus fort
Parmi les habituels titulaires, quels Diables sont individuellement plus forts qu’en 2018? Après avoir regardé les compositions de Martinez ces derniers mois, on n’en voit qu’un : Romelu Lukaku. L’attaquant a pris une autre dimension, même s’il était déjà sur la pente ascendante au Mondial en Russie. Jeudi, les Français n’ont jamais trouvé la solution pour le contrer. À quelques centimètres près, il aurait même offert la victoire aux Belges dans les dernières minutes. Avoir un avant-centre qui a intégré la classe des plus grands est un vrai pas en avant par rapport à 2018. Oui, mais les autres? Thibaut Courtois et Kevin De Bruyne sont toujours des joueurs de classe mondiale, mais c’était déjà le cas il y a trois ans. On peut tirer le même constat pour des garçons comme Axel Witsel et Yannick Carrasco. Thorgan Hazard et Youri Tielemans, malgré son creux des derniers mois, ont progressé mais pas suffisamment pour affirmer qu’ils tirent les Diables vers le haut. Et puis il y a ceux qui n’ont plus leurs jambes de 2018 comme Dries Mertens et Thomas Meunier.
La défense fait ses trois ans de plus
On n’a volontairement pas encore cité les défenseurs. Parce qu’ils méritent un point à part. Vertonghen et Alderweireld souffrent dès qu’il y a de la vivacité en face, ce qui est quand même souvent le cas face aux grandes équipes. Ils n’ont jamais été des Marcell Jacobs (le champion olympique italien du 100 mètres) mais leur lenteur s’est accentuée et n’aide pas à défendre vers l’avant comme Martinez l’aimerait. C’est le plus ancien qui reste le plus fort, mais Thomas Vermaelen est victime des mesures draconiennes du gouvernement japonais avec le Covid.
Jason Denayer et Dedryck Boyata sont les têtes de gondole de la génération d'après, mais ils affichent leurs limites. Ils sont bons, mais pas très bons. Jeudi, en tribune de presse, nos confrères français rigolaient en voyant Denayer : «Tiens, il n'est pas meilleur ici qu'à Lyon.» Et encore, on a édulcoré les propos…
Force est de constater que la génération d’après n’est pas encore prête, même s’il y a de belles promesses (Zinho Vanheusden, Arthur Theate, Daan Dierckx, Hannes Delcroix, Sebatiaan Bornauw, Noah Mbamba…). On n’était plus habitué à avoir un trou générationnel dans un secteur après avoir connu la si complète génération dorée.
Les jeunes n’amènent pas assez de fraîcheur
Le sujet des jeunes ne concerne pas que la défense. Les gamins n’ont pas insufflé une nouvelle dynamique dans l’équipe depuis 2018. Quand tout le monde est là, le onze de base est quasi le même qu’en Russie. Seuls Timothy Castagne a réussi à bousculer la hiérarchie sur le côté droit. Martinez reprend des jeunes à chaque rassemblement, mais peu reçoivent du temps de jeu. Jérémy Doku et Alexis Saelemaekers ont montré de belles choses dernièrement et paraissent être les plus proches de l’équipe. Charles De Ketelaere pourrait suivre s’il continue sur sa lancée brugeoise. C’est bien, mais ça reste peu. Jeudi contre la France, la moitié des titulaires était trentenaire. La moyenne d’âge était de 28,9 ans, deux ans de plus que le onze français. Ce n’est pas dans l’air du temps d’un football de plus en plus rapide et donc friand de jeunes pleins de fougue.
Deux pensionnés nous manquent beaucoup
Si Martinez se lance dans le jeu des comparaisons 2018-2021, il ne peut pas oublier les retraités. Depuis sa prise de pouvoir en août 2016, le sélectionneur a perdu six joueurs, officiellement retraités des terrains ou, au moins, de l’équipe nationale : Vincent Kompany, Marouane Fellaini, Mousa Dembélé, Radja Nainggolan, Steven Defour et Nicolas Lombaerts. Les trois derniers n’ont jamais été des piliers de Martinez, loin de là. On peut même dire que Dembélé n’a pas été brillant depuis l’arrivée de l’Espagnol. Mais Kompany et Fellaini manquent beaucoup. Leur absence n’a jamais pu être compensée, tant leur profil était rare, voire unique. Avec un défenseur du niveau de Kompany, aurait-on assisté à une remontada? Avec un milieu aussi travailleur et dangereux de la tête que Fellaini, le scénario aurait aussi pu être différent. Ce ne sont bien sûr que des supputations, mais Kompany et Fellaini pèsent lourd dans la balance quand on compare 2018 à 2021.
Le code Martinez a été craqué par les grands
Au soir de son premier match, une défaite en amical contre l’Espagne (0-2) le 1er septembre 2016, Martinez avait tiré un constat clair : la Belgique manque de latéraux de bon niveau pour jouer à quatre derrière, d’autant plus qu’elle peut compter sur quatre centraux de haut niveau. Le 3-4-3 était né dans l’esprit du sélectionneur. Et depuis, rien n’a changé ou presque tactiquement. Le système est parfaitement maîtrisé, mais les joueurs ont changé. Combien de centraux de haut niveau a-t-on encore derrière? Et peut-on toujours dire que les latéraux sont plusieurs crans en dessous? Pour faire court, le moment n’est-il pas venu pour de la variation tactique? Le 3-4-3 continue à faire très mal aux petites et moyennes équipes. Mais les grandes trouvent quasi toujours la parade. Depuis son arrivée chez les Diables, Martinez n’a pas beaucoup battu de grandes nations. Le Brésil et l’Angleterre en 2018 et le Portugal en 2021, c’est tout. Le code du sélectionneur semble avoir été craqué. Les Diables ne feraient-ils pas plus peur s’ils pouvaient changer de système?
Les supporters sont moins présents
Les 2 000 supporters belges ont fait du bruit à Turin jeudi. En ville puis dans le stade. À 0-0, on les entendait même plus que les 3 000 Français. Mais ça n’empêche pas un constat cinglant : les Diables séduisent moins les fans, trop déçus par les deux derniers Euros. Et cette Ligue des nations, avec une défaite contre le grand rival, ne va pas aider à redorer l’image de l’équipe. L’enthousiasme est beaucoup moins grand, parce qu’on s’est habitué aux succès et parce qu’il y a moins de succès qu’avant. Remplir le stade Roi Baudouin est devenu compliqué pour la fédération. Le temps où il fallait se battre pour avoir un ticket semble loin. Et sans ce soutien populaire, il est encore plus difficile d’imaginer les Belges soulever un trophée prochainement…
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