De la Vuelta 2022 à la Vuelta 2023: comment Remco Evenepoel a évolué durant son année arc-en-ciel
Samedi, Remco Evenepoel prendra le départ du grand tour qu’il a gagné l’an dernier. Il a encore progressé dans certains domaines. Explications.
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- Publié le 24-08-2023 à 06h41
Quand il lui a remis le trophée du vainqueur le 11 septembre 2022, Javier Guillen pensait qu’il ne reverrait plus Remco Evenepoel de sitôt sur les routes de la Vuelta. C’est que l’envol du maillot rouge semblait aussi inéluctable que son retour au Giro en mai 2023 avant de faire le grand saut vers le Tour de France l’année des Jeux olympiques. Mais voilà, Evenepoel sera bel et bien au départ, samedi, d’une épreuve remportée il y a douze mois.

Depuis que Patrick Lefevere a révélé le 10 juillet dernier dans nos colonnes le retour du champion sur des terres qui l’ont fait roi, l’organisateur du Tour d’Espagne se frotte les mains. Et son bonheur a carrément touché à l’orgasme lorsque Jonas Vingegaard a annoncé qu’il serait aussi de la partie, après n’avoir même pas laissé des miettes aux autres lors du banquet de juillet.
Javier Guillen se tient sans doute déjà prêt à se délecter d’un duel que Primoz Roglic, en quête d’une quatrième couronne à Madrid, n’hésitera pas à influencer.
Samedi, quand il s’apprêtera à descendre de la rampe de lancement pour le traditionnel chrono par équipes, Remco Evenepoel portera avec lui toute l’expérience acquise pendant un an. Il se servira de douze mois riches comme d’un atout et non comme un poids à porter.
En visite chez Francesco Moser : “Remco doit essayer le record de l’heure mais Ganna a mis la barre très haut”On se souvient que son après-Vuelta avait démarré par la conquête du titre mondial au terme d’un vrai chef-d’œuvre sous le soleil radieux de Wollongong. Au bout du monde, le chef de file du Wolfpack avait mis un terme à un cru divin. Cela lui avait valu de glaner toutes les distinctions possibles et imaginables. Il faut dire que son année s’était révélée exceptionnelle. D’ailleurs, son influence sur son équipe avait été plus grande que jamais. En 2022, il avait conquis 14 des 47 victoires obtenues par la formation belge. Aucun équipier n’avait fait aussi bien. Et, selon le site spécialisé procyclingstats, il avait rapporté 30,5 % des points du Wolfpack. Aucun autre coureur n’avait eu autant d’impact sur les résultats de sa propre écurie. Pas même Tadej Pogacar (27,5 % des points d’UAE Team Emirates) et Wout van Aert (24,3 %).
Un champion du monde pas maudit
Le champion, qui a épousé la belle Oumi en octobre dernier, n’était pas rassasié pour autant. Et s’il répétait, à juste titre, qu’il allait être difficile de revivre une telle année au cours de sa carrière, il était bien décidé à essayer. “Remco n’en a jamais assez. Il se demande toujours ce qu’il peut encore gagner”, explique-t-on dans son entourage. Et avoir porté le maillot arc-en-ciel pendant presque onze mois a décuplé cette envie. “Je veux faire honneur au plus beau des maillots”, avait-il lancé en début d’année.
Le moins que l’on puisse écrire maintenant qu’il a dû le céder à Mathieu van der Poel, c’est que notre compatriote a réussi sa mission. Et, pourtant, il n’a pas eu beaucoup l’occasion de le faire. S’il compte tous les maillots distinctifs qu’il a eus sur le dos durant les courses à étapes, il n’a porté la prestigieuse tunique irisée que lors de trois courses d’un jour : à Liège-Bastogne-Liège, aux championnats de Belgique et à la Clasica San Sebastian. Avec trois victoires à la clé. De là à dire que ces couleurs lui ont donné des ailes… “Disons que rouler en tant que champion du monde accentue l’envie de bien faire. Lever les bras parce que tu passes la ligne en premier est fabuleux en soi. Ça l’est encore plus avec le maillot arc-en-ciel sur le dos.” Pour celui qui compte déjà 47 victoires pros à 23 ans, il n’a donc jamais été question de malédiction.
L’orgueil du champion
”Remco continue de grandir. Dans sa vie privée, comme en tant que coureur. Il a toujours été plus mature que les gens de son âge, mais il a encore pris une autre dimension ces derniers mois.”
Devenu son soigneur et confident au fil du temps, David Geeroms connaît le phénomène brabançon sur le bout des doigts. Il sait aussi qu’il n’a pas son pareil pour se servir d’un événement négatif et en faire une action positive. On l’a encore vu la semaine des championnats de Belgique. Tombé sur une route trempée lors du chrono national, il a accepté son sort. “Les chutes font partie de la vie d’un cycliste. Il y aura des meilleurs jours”, avait-il lancé à Herzele alors que Wout van Aert montait sur la plus haute marche du podium. Trois jours plus tard, le côté droit du corps portant les stigmates de sa glissade, il s’en alla chercher le titre national à l’occasion de la course en ligne. “C’est tout Remco, ça !, nous glissa Patrick Lefevere. Je suis certain qu’il n’avait pas encore fini le chrono qu’il pensait déjà à comment il allait pouvoir gagner le dimanche.”
Guidé par la victoire, Evenepoel est aussi obnubilé par la quête de tous les maillots et titres distinctifs. “J’ai déjà été champion du monde sur route et champion d’Europe du chrono. Maintenant, je veux gagner le contre-la-montre mondial”, avait-il lancé début du mois à Glasgow. Ce qu’il a fait, allant jusqu’à écœurer le géant italien Filippo Ganna. “Remco était sur une autre planète aujourd’hui, lança l’ancien double champion du monde du chrono. S’il continue à évoluer de la sorte, je me demande comment je parviendrai encore à le battre.”
Plus fort au chrono
Certains l’ont fait cette année. Comme Küng et Ayuso en Suisse. Et il a également été quatrième du contre-la-montre national. Mais, à chaque fois, il n’était pas à son meilleur niveau. En Suisse, il reprenait la compétition après neuf jours d’arrêt complet dû à un sale Covid qui l’avait contraint à quitter le Tour d’Italie au soir de la neuvième étape. En pleine possession de ses moyens, “aero bullet” comme l’a surnommé Yves Lampaert, peut faire des grandes différences au chrono. Mais il le sait, il n’y en aura qu’un, de 25,8 km, à la Vuelta (dixième étape à Valladolid).
Remco “l’animal” Evenepoel prolonge l’arc-en-ciel : “C’est le cinquième des six maillots que je vise, il m’en reste un”Il peut sprinter
S’il est un domaine dans lequel Evenepoel a bien progressé, c’est le sprint. “Avant, j’étais une planche à repasser, image-t-il. Maintenant, je sais que je peux m’imposer lors d’une arrivée en petit groupe.” Il avait déjà dominé Primoz Roglic au Tour de Catalogne. C’est comme ça aussi qu’il a battu Alec Segaert aux championnats de Belgique et Pello Bilbao à la Clasica San Sebastian. “Remco assimile très vite tout ce qu’il apprend. En cela aussi, il est meilleur que la plupart des autres coureurs”, lance Klaas Lodewijck, son directeur sportif. Aujourd’hui, l’ancien footballeur fait même partie des bons descendeurs du peloton.
Un sens exacerbé du sacrifice
”Quand il a un objectif en tête, il met tout en œuvre pour l’atteindre. Il peut se braquer sur des détails. C’est impressionnant.” Patrick Lefevere n’a jamais caché son admiration pour un sportif capable des sacrifices les plus astreignants. Après son abandon au Giro, est née, petit à petit, l’idée qu’il participe à la Vuelta. “Nous ne lui mettrons pas la pression. Il n’aura pas d’obligation de résultats de notre part mais s’il y va, ce sera avec l’envie d’être le meilleur”, nous avait confié l’homme fort du Wolfpack.
La sortie stratosphérique de Remco Evenepoel à une semaine du début de la VueltaL’intéressé a confirmé, depuis, qu’il donnera tout à la Vuelta. Pour cela, il s’est montré capable de refaire une préparation aussi rigoureuse et contraignante qu’avant le Giro. “Cela nécessite une force mentale au-dessus de la moyenne”, nous éclaire un observateur attentif.
Après son succès aux championnats de Belgique, Remco Evenepoel a, donc, fait un copier-coller, comme il dit, de ce qu’il avait fait avant le Tour d’Italie. Après trois semaines en altitude, à Val di Fassa dans les Dolomites, il a gagné à San Sebastian et est devenu champion du monde du chrono. Il a ensuite passé une grosse semaine à s’entraîner dans les cols andorrans, avant de rejoindre ses équipiers à Barcelone, pour le grand départ de cette Vuelta.
Il n’a pas besoin de trop de courses
Alors que certains de ses rivaux, comme Roglic et Vlasov, ont opté pour le Tour de Burgos, Evenepoel a, donc, choisi de refaire un stage en montagne. “Je fais partie de ces coureurs dont les valeurs sont très bonnes au sortir d’un stage, dit-il. Je suis tout de suite compétitif.” Ses deux dernières victoires à San Sebastian ont, ainsi, été construites en montagne. “On sait que Remco peut faire mouche dès le premier coup”, confirme Lodewijck.
On sait ce que Remco Evenepoel fera durant le Tour de FranceIl peut être calculateur
Aujourd’hui, il peut même se montrer calculateur, voire attentiste. Preuve qu’il a encore gagné en maturité. S’il lui arrive parfois de vouloir montrer qu’il est le plus fort pendant la course (Roglic avait profité de cet excès de zèle en mars en Catalogne), Evenepoel parvient, désormais, à mettre son tempérament de côté quand c’est nécessaire. Il y a dix-huit jours, il n’avait pas pris le moindre risque alors qu’une pluie violente s’abattait sur le circuit labyrinthique de Glasgow. “J’ai fait le dernier tour à mon aise pour ne pas tomber et garder des forces pour la suite”, avait-il affirmé au soir du Mondial. Cinq jours plus tard, le bulldozer démontrait toute sa puissance dans l’exercice chronométré. Le gamin hyperactif, jamais rassasié et toujours prompt à faire une blague, sait en garder sous la pédale quand il le faut pour, ensuite, sortir tel un diable de sa boîte.
Tour de Catalogne : Remco Evenepoel “pas fâché” sur Roglic qui n’a pas pris de relaisIl y a un an, il devenait le premier Belge à gagner un grand tour depuis Johan De Muynck en 1978. S’il devait de nouveau monter sur la plus haute marche du podium, le 17 septembre à Madrid, il aura réussi une aussi belle moisson qu’en 2022. Et l’exploit serait tellement grand qu’il confirmerait que le Remco de 2023 est encore meilleur.
Remco Evenepoel, Roi d’Espagne