Arnaud De Lie se confie pour la première fois après sa chute sur les Quatre Jours de Dunkerque : “Je rigole déjà de cette gamelle, c’est bon signe…”
Victime de plusieurs fractures ainsi que d’un pneumothorax il y a trois semaines après être tombé dans le final de la 1re étape des 4 Jours de Dunkerque, Arnaud De Lie espère retrouver son meilleur niveau pour le Tour de Wallonie fin juillet.
- Publié le 08-06-2023 à 06h13
- Mis à jour le 08-06-2023 à 07h13
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Dans la cour de la ferme de Lescheret, le doux ballet des tracteurs a déjà débuté. “Nous avons commencé les foins ce mercredi et je vais d’ailleurs filer donner un petit coup de main à mon papa dans la foulée de cette interview. Je suis désormais en état”, sourit Arnaud De Lie. Habituellement préposé attitré à la traite, le coureur de chez Lotto-Dstny s’est contenté dernièrement d’une besogne moins astreignante. “Après ma chute sur la première étape des 4 Jours de Dunkerque, j’ai senti que mon corps avait besoin de repos et je l’ai bien fait comprendre à mon paternel (rires). J’ai donc donné le lait aux petits veaux, mais rien de plus.”
Jeté au sol dans la dernière ligne droite d’Abbeville à plus de 60km/h, le Taureau avait été relevé avec plusieurs fractures (clavicule, sternum, côte) et un pneumothorax aux allures d’injuste coup du sort pour un coureur en pleine bourre. Trois semaines après cette impressionnante gamelle, le Wallon a pris le temps de se confier longuement.
Arnaud, la première question s’impose d’elle-même : comment allez-vous ?
”Plutôt bien merci et mieux en mieux chaque jour. Durant les premières semaines, j’ai vraiment été totalement inactif car je n’aurais pas été capable de réaliser une activité physique. Mais j’ai désormais repris le vélo avec une sortie de deux heures lundi et un entraînement de nonante minutes ce mercredi. Je sais toutefois qu’il ne faut pas vouloir brûler les étapes et qu’il convient d’y aller doucement. Mes deux premières séances de kiné sont également derrière moi. Sur le vélo, j’ai été heureux de constater que je ne ressentais déjà plus aucune douleur, mais il y a logiquement du boulot au niveau de la condition…”
Aviez-vous déjà repris une forme d’activité avant le début de cette semaine ? Sur home-trainer par exemple ?
”Oui, j’avais réalisé une sortie très légère et accompli deux séances de rouleau, mais c’était plus pour dire que je tournais à nouveau les jambes que pour réellement remettre en place un entraînement structuré. Cela constituait aussi une sorte de rendez-vous car quand on passe d’une vie très active à un quotidien exclusivement sédentaire, ce n’est pas toujours simple (sourire)…”
"J'ai été assez épargné sur le plan de la douleur"
Laquelle de vos blessures vous a fait le plus souffrir ?
”J’ai eu la chance de ne pas devoir composer avec une douleur trop importante. Le sternum me gênait ainsi que ma côte fracturée quand je prenais de profondes inspirations, mais cela restait supportable. J’ai été plutôt épargné sur ce plan.”
Durant combien de jours avez-vous été contraint de demeurer alité ?
”Je suis d’abord resté quatre jours à l’hôpital d’Abbeville avant d’être rapatrié en Belgique pour me faire opérer à Herentals. Ce moment n’a pas été simple car on se rend alors compte qu’on n’est plus totalement maître de son destin, qu’on ne possède pas le dernier mot sur le déroulement des choses mais que celui-ci appartient aux médecins, aux assurances etc... C’est la toute première fois que je me faisais opérer et j’espère ne pas devoir repasser par ces moments.”
Comment avez-vous occupé votre temps lors de ces longues journées ?
”Ma maman a fait le déplacement jusqu’à Abbeville afin d’être présente à mes côtés et me soutenir. Je n’ai rien fait de spécial mais on est finalement assez occupé par les soins, l’organisation du rapatriement etc... Le personnel médical qui m’a pris en charge a toujours été charmant, il y avait beaucoup d’humain et on a même eu quelques bonnes rigolades.”
Votre corps s’est-il transformé durant ces trois semaines ? Constatez-vous que vos cuisses et votre masse musculaire ont fondu ?
”J’ai la chance de ne pas être trop victime de ce phénomène. Il faut dire qu’avec les techniques désormais à notre disposition, on peut limiter la casse en faisant les choses bien. Sur le vélo, je sens évidemment que je ne suis plus le même coureur qu’au départ du GP du Morbihan par exemple (NdlR : victoire le 6 mai) mais le contraire serait finalement inquiétant (sourire)…”
Parvenez-vous déjà à dire si une forme d’appréhension vous habite depuis que vous avez réenfourché votre vélo ?
”Non, c’est difficile car je n’ai pas encore été replongé dans le contexte d’un sprint final. Le premier enseignement positif est que je ne suis pas traumatisé par cette gamelle. Je parviens à en rigoler et c’est plutôt bon signe je crois.”
"M'aligner sur National, ne serait-ce que pour une heure, pourrait me faire du bien au moral"
Vous n’avez aucune colère envers le coureur qui vous a envoyé au tapis ?
”Si car celui qui nous envoie au tapis et juste derrière qui j’étais placé commet tout de même une grosse faute en touchant une autre roue. Cela peut arriver mais ce qui m’a énervé c’est de voir ce mec pavoiser en se vantant qu’il ne souffrait pas de ses blessures après l’arrivée alors qu’il avait provoqué une chute massive dans laquelle trois collègues se sont brisé la clavicule. Je ne citerai pas son nom (NdlR : les images télé semblent montrer que c’est Chleb Siritsa, le Russe de chez Astana, qui tombe le premier), mais tout ça pour abandonner le lendemain…”

Avez-vous été surpris par la vague de soutien reçue sur les réseaux sociaux notamment ?
”Oui, cela fait chaud au cœur. La période que j’ai traversée n’était clairement pas la plus agréable de ma carrière mais j’ai reçu d’innombrables encouragements, venu de tout le pays. Mon frère travaille dans un magasin de vélo et certains supporters venaient y prendre de mes nouvelles (sourire). ”

Vous disputiez justement votre toute première course chez les pros aux côtés de votre frangin Axel lors de ces 4 jours de Dunkerque. On imagine que vous aviez rêvé partager de tous autres moments…
”Après avoir accompli son boulot dans la finale, il s’était relevé dans les derniers kilomètres. Quand il est arrivé à hauteur de la chute et qu’il a vu que mon vélo était posé contre les barrières, il s’est dit ouille ouille ouille… Mais cela l’a rapidement rassuré de constater que j’étais bien conscient et que cela allait.”
Axel De Lie, le frère d’Arnaud, se plaît chez les pros : “Continuer à m’améliorer et… qui sait ?”"Je passe mon tour pour Dunkerque en 2024"
Une sorte de malédiction semble entourer votre présence dans le Nord de la France puisque vous aviez déjà été victime d’une chute l’année dernière sur la même épreuve. Envisagez-vous de vous y réaligner en 2024 ?
“Après ma gamelle d’il y a douze mois, je m’étais déjà dit que j’y retournerais pour tourner la page mais cela ne s’est pas vraiment passé comme espéré (rires)… La saison prochaine, je demanderai donc au staff d’envoyer quelqu’un d’autre d’autant que cette épreuve se déroule pendant un Giro que j’ai envie de découvrir au moins une fois au cours de ma carrière. Je remettrai peut-être le cap sur les 4 jours dans quelques années mais ce n’est pas pour tout de suite en tout cas.”
Arnaud De Lie revient aux 4 Jours de Dunkerque : “Ce n’est pas une revanche, mais je veux gagner !”Pensez-vous déjà à votre prochain dossard et à votre prochain sprint ?
”Le prochain dossard sera logiquement le Tour de Wallonie (22 au 26/7) qui était d’ailleurs prévu à mon programme initial et sur lequel plusieurs étapes devraient se jouer au sprint. En amont, je réaliserai un stage en altitude de trois semaines à Livigno, de fin juin au 20 juillet. J’espère vraiment arriver en forme fin juillet, avec un mental trempé.”
"J'ai envie d'aller à l'Euro aux Pays-Bas en septembre"
On imagine qu’il doit être difficile de faire une croix sur un championnat de Belgique (25/6) dont le parcours semblait vous convenir…
”Ça aurait pu le faire en effet, mais je n’exclus pas non plus totalement de m’aligner à Izegem. Arriver sur le National ne fût-ce qu’à 80 % sera très compliqué et je suis conscient que la probabilité que je puisse être au départ est faible. J’entretiens cependant l’espoir de pouvoir y renouer avec la compétition, ne serait-ce que le temps d’une heure dans le peloton. Cela pourrait me faire beaucoup de bien sur le plan moral. Je suis encore jeune et aurai logiquement d’autres opportunités d’un jour espérer revêtir le maillot tricolore.”
Avez-vous déjà une vision claire de la suite de votre programme après le Tour de Wallonie ? Êtes-vous intéressé par une participation à l’Euro (24/9) ?
”Je devrais m’aligner sur la Polynormande (13 août) avant d’enchaîner avec d’autres courses 1.1. J’espère aussi disputer les deux Grands Prix Québecois car il s’agit d’épreuves qui me font rêver depuis longtemps et que j’ai très envie de découvrir. Pour ce qui est de l’Euro, oui j’aimerais en être. Cette édition se tiendra aux Pays-Bas autour du VAM berg et me motive pour la seconde partie de saison, d’autant qu’il s’agit d’une période au cours de laquelle je marche souvent très bien. J’en ai déjà discuté avec le sélectionneur Sven Vanthourenhout mais la Belgique possède beaucoup de coureurs de qualité et il faudra voir quels seront les candidats pour une épreuve qui n’attire habituellement pas les plus grands noms. On m’a toutefois fait comprendre qu’il y avait une réelle chance que je sois du rendez-vous. ”
"Vivement le Tour de Wallonie!"
Qu’avez-vous appris de vous-même lors de cette période de revalidation très différente du quotidien qui était le vôtre jusqu’alors ?
”Je sens que je suis habité par la volonté de revenir encore plus fort. Vivement le Tour de Wallonie donc (sourire) ! J’ai mesuré aussi que je n’avais pas l’instinct d’un sprinter comme Olav Kooij, même si je dispose d’une très bonne pointe de vitesse. Tom Steels a soufflé il y a peu à mon directeur sportif Maxime Monfort que les chutes dont il avait été victime au début de sa carrière lui avaient permis de mieux comprendre comment il devait gérer ses sprints. Je crois qu’il doit en aller de la même manière pour moi. Je ne suis pas fait pour rester au milieu du peloton. Toutes proportions gardées, je ferais le parallèle avec la façon dont Wout van Aert gère ses emballages massifs sur le Tour de France. Il est pratiquement tout le temps en deuxième ou troisième position.”
Une nouvelle intervention chirurgicale est-elle d’ores et déjà planifiée pour retirer la plaque qui vous a été posée sur la clavicule par exemple ?
”Je retourne à l’hôpital d’Herentals dans une semaine afin d’y subir une visite de contrôle. Pour ce qui est de l’équipement qui m’a été posé, il faudra effectivement l’enlever, probablement cet hiver. Aucune date précise n’est encore prévue mais cela pèse assez lourd et si je veux à nouveau bien franchir les bosses, je devrai m’en débarrasser (rires)… Le pneumologue m’a confirmé il y a peu que le pneumothorax était totalement résorbé. Mes poumons sont donc en top forme, mais pas encore mes jambes.”