Remco Evenepoel de nouveau en rose mais... “Ce sera plus difficile de gagner le Giro que la Vuelta”
Le champion du monde a repris les commandes du Giro en gagnant le chrono à l’issue d’un week-end en deux temps. Place à la journée de repos.
Publié le 14-05-2023 à 20h28
”Ces dernières 48 heures n’ont pas été faciles pour moi.” Ce dimanche en fin d’après-midi, Remco Evenepoel a résumé d’une phrase son week-end.
C’est vrai que celui-ci avait démarré par une polémique amplifiée par l’intervention de l’UCI. Cette dernière estimait que Soudal Quick-Step avait manqué d’équité en mettant un hélicoptère à disposition de certains de ses coureurs vendredi soir au Gran Sasso. “Cela contrevient aux dispositions réglementaires visant à offrir une égalité de traitement dans le transfert des équipes vers leurs hôtels, a fait savoir l’UCI dans un communiqué. En outre, l’usage d’un hélicoptère va aussi à l’encontre du principe de la minimisation de l’empreinte carbone rappelé dans le cahier de charges des organisateurs de l’UCI WorldTour. Soucieuse de prévenir le développement de cette pratique, l’UCI prendra les mesures et les éventuelles sanctions nécessaires afin que de tels agissements ne puissent plus se reproduire à l’avenir.”

Rappelons quand même que cet hélicoptère a été payé par l’équipe belge avec l’accord de RCS, l’organisateur du Giro, et que d’autres formations auraient pu faire de même. On imagine mal Patrick Lefevere avoir pris cette initiative sans se renseigner au préalable et risquer que son leader soit sanctionné en temps par les instances dirigeantes.
Un petit coup de moins bien et une erreur de matériel
Toujours est-il que Remco Evenepoel n’a pas été perturbé par cette polémique. Il a davantage souffert de l’attaque de Primoz Roglic, samedi dans I Cappuccini, la dernière bosse vers Fossombrone. “Au pied de la montée, j’ai dit à Cattaneo que j’avais un peu mal aux jambes, expliqua le champion du monde. Peut-être que c’était la conséquence de mes chutes de mercredi. On s’est rendu compte que mes blessures étaient un peu plus profondes que ce que l’on pensait. En outre, j’ai fait une erreur de matériel. J’ai voulu rouler avec le vélo blanc mais il est plus lourd que le noir. Ça a peut-être aussi joué un rôle dans la montée.”
Ceci dit, n’allez pas croire que le Brabançon se chercha une excuse. Bien au contraire ! “Je pense que j’avais les jambes pour suivre Roglic mais je les ai mal utilisées. J’aurais dû monter à mon rythme, comme l’a fait Geraint Thomas. Au lieu de ça, j’ai essayé de sauter dans la roue de Primoz et j’ai explosé. C’était une erreur.”
Au final, Evenepoel n’a quand même pas craqué d’une pièce, puisqu’il n’a concédé que 14 secondes au Slovène et au duo d’Ineos Thomas-Geoghegan Hart. “Ce n’est pas grand-chose.”
Remco Evenepoel déçu par sa performance malgré sa victoire sur la 9e étape du Giro: "Pas le meilleur résultat"Et quand on lui asséna que ses concurrents ont montré qu’ils étaient bien là, il eut une réponse pleine d’assurance. “Moi aussi, je suis là et, demain, j’espère frapper un grand coup lors du chrono. Si je peux prendre un paquet de secondes, voire une minute, ce sera très bien.”
Samedi soir, il était toujours deuxième du général mais s’était rapproché à huit petites secondes d’Andreas Leknessund et comptait 30 secondes d’avance sur Roglic. “Dans un grand tour, il y a des bons et des moins bons jours. Il faut pouvoir l’accepter”, ajouta-t-il.
Il devance Thomas d’une seconde au chrono
Ce dimanche, Evenepoel a remis les pendules à l’heure en remportant le chrono de Cesena pour… une seconde devant Geraint Thomas et deux devant Geoghegan Hart, la paire britannique d’Ineos. Roglic, lui, en a concédé 17 à notre compatriote. Le Brabançon reprend donc le maillot rose cinq jours après l’avoir cédé au Norvégien, qui a fini le chrono au-delà du top 15. Il aborde la journée de repos avec un viatique de 45 secondes sur Thomas, désormais son plus proche poursuivant, et 47 sur Roglic.
”Je n’ai pas hissé mon effort au maximum de mes capacités, dit-il, alors qu’il avait arrêté de pleuvoir sur la ligne d’arrivée. Je ne suis pas très content de moi parce que je n’ai pas respecté le plan prévu avec mon entraîneur au niveau des watts. Je suis parti beaucoup trop vite et dans la partie technique, j’ai éprouvé des difficultés à récupérer. Il ne s’agit certainement pas de mon meilleur chrono mais je gagne et c’est très bon pour mon moral.”
88,88 % de chronos gagnés : un record !
À Cesena, il a encore amélioré ses statistiques dans ce domaine, puisqu’il a gagné son 24e chrono sur les 27 auxquels il a pris part depuis le début de sa carrière professionnelle. Ce qui fait 88,88 % de victoires dans cet exercice. Aucun coureur en activité n’a fait aussi bien. La seconde d’avance qu’il a conservée sur Thomas peut être le résultat des gains marginaux. Consultant pour Eurosport, Philippe Gilbert a, en tout cas, expliqué que “si Remco avait roulé en manches courtes et s’était rasé les avant-bras, c’était pour être le plus léger possible sous la pluie”.
"Je suis convaincu que les Ineos ont un plan pour m'attaquer."
De nouveau en rose – et en blanc, puisqu’il est le meilleur jeune –, Evenepoel est heureux de voir arriver la journée de repos. “Je suis convaincu que les Ineos ont un plan pour m’attaquer, assure-t-il. Mais j’ai confiance en moi car je m’appuie aussi sur une bonne équipe. J’ai besoin de ce jour de repos pour récupérer parce que ces dernières 48 heures n’ont pas été simples pour moi.”
Certes, mais Evenepoel est en tête après avoir remporté les deux chronos. Il va, donc, pouvoir se reposer ce lundi en compagnie d’Oumi, sa femme, de retour pour quelques jours sur le Giro.
Quels dangers en deuxième semaine ?
Et mardi, une nouvelle course commencera. Si on sait que la dernière semaine du Giro sera aussi décisive qu’infernale, que peut-on attendre de la seconde ? “Elle est faite pour préparer la troisième”, avait dit Evenepoel lors de l’interview qu’il nous avait accordée à quelques jours de la Grande Partenza.
Si elle n’est pas la plus redoutable, elle présente quand même quelques pièges, que le maillot rose devra éviter. “Le danger est présent à chaque virage”, rappelle celui qui fut victime de deux chutes mercredi sur la route de Salerne dans une étape dite de transition.
Ce mardi, il devra être vigilant dans la montée du Passo delle I et la descente qui suit cette ascension de 2e catégorie. Ce, même si cette difficulté se présentera à plus de 100 kilomètres de l’arrivée à Viareggio. Le lendemain, son équipe et lui devront éviter les bordures dans la très longue étape (219 km) de Camaiore à Tortona. Jeudi, de Bra à Rivoli, il faudra penser à garder des forces parce que le menu du vendredi peut être indigeste si l’on n’est pas en pleine possession de ses moyens. C’est, en effet, ce jour-là que le peloton arrivera en Suisse. Il s’agira de l’étape de tous les dangers avec 5100 mètres de dénivelé positif. Avant l’arrivée à Crans Montana au sommet d’un col de 1re catégorie (13,1 km à 7,2 % de moyenne), les coureurs auront droit au terrible Grand Saint-Bernard, répertorié hors catégorie (34 km à 5,5 %) et dont le toit se situe à 2469 mètres d’altitude. Comme si ça ne suffit pas, ils devront ensuite se farcir la Croix de Cœur, autre difficulté de 1re catégorie (15,4km à 8,8 %), toujours à plus de 2000 mètres de hauteur.
Le lendemain, entre Sierre et Cassano Magnago, la récupération sera le maître mot, même s’il y aura encore un col de 1re catégorie, le Passo del Sempione, assez tôt dans la journée. Le dimanche, l’arrivée à Bergame sera tout simplement le final du Tour de Lombardie.
"J'espérais avoir plus d'avance après ce chrono."
C’est dire si cette deuxième semaine est, donc, semée d’embûches. Autant d’obstacles qu’Evenepoel et ses équipiers devront éviter pour continuer à rêver. Et la lutte pour le maillot rose s’annonce rude, puisque ses trois premiers adversaires sont à moins d’une minute (Geoghegan Hart, 4e, pointe à 50 secondes). “J’espérais avoir plus d’avance après ce chrono, concède celui qui totalisait 2:41 d’avance sur Roglic, son premier dauphin, après le contre-la-montre d’Alicante au Tour d’Espagne. Je pense que ce sera plus difficile de gagner le Giro que la Vuelta.”
Reste qu’il est prêt à se battre, lui qui est aussi le premier Belge à remporter deux étapes lors du même Giro depuis Gilbert en 2015.