Bernard Hinault avant le Giro : “Pour moi, Evenepoel et Roglic, c’est kif-kif”
Impressionné par le Belge à Liège-Bastogne-Liège, le Blaireau voit pourtant le Slovène disposer d’autant d’armes pour s’imposer.
Publié le 05-05-2023 à 11h08
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Bernard Hinault reste très attentif aux choses du cyclisme. La semaine dernière, il était sur le Tour de Bretagne qu’il parraine. Avant cela, il avait particulièrement apprécié la démonstration de Remco Evenepoel à Liège-Bastogne-Liège. “Il y a fait un sacré numéro, s’enthousiasme-t-il. S’il conserve sa condition, il sera très difficile à battre au Giro. Je ne vois que Primoz Roglic pour y parvenir. Ces deux-là se connaissent depuis la dernière Vuelta. Chacun connaît les capacités et les points faibles de l’autre. Pour moi, Evenepoel et Roglic, c’est kif-kif. Roglic a l’expérience, il est plus âgé et même dans les chronos, je ne le vois pas perdre beaucoup de temps. Evenepoel, lui, a gagné en assurance et expérience. À ses débuts, ça lui manquait car il a commencé tard le cyclisme.”
Hinault avoue pourtant un faible pour le Belge. “Quand on voit son numéro à Liège-Bastogne-Liège, pfouuu… Il y a de quoi être impressionné, sourit-il. Il a sorti Tom Pidcock de sa roue sans vraiment accélérer et sans s’en rendre compte. C’était impressionnant. Il se retourne, il voit que l’autre n’est plus là et il met la poignée de gaz. On aurait dit qu’il se promenait. C’était magnifique.”

L’ancien champion du monde est invaincu au Tour d’Italie où, en trois participations, il a conquis autant de maillots roses. “Comme à la Vuelta, ce n’était jamais facile en Italie. Comme étranger, vous aviez tout le monde contre vous. C’est normal, vous n’êtes pas chez vous. Ça ne me déplaisait pas, c’était la course. Je les ai surpris plusieurs fois en les désarçonnant. Et puis, je me devais d’aller au Giro ou en Espagne. J’étais un coureur de grands tours.”
Deux ans après ses débuts réussis à la Vuelta, suivis de deux succès au Tour de France, le Blaireau découvre le Giro en 1980. “À l’époque, les Italiens ne vous faisaient aucun cadeau. Louison Bobet ou Jacques Anquetil avaient souffert au Giro de tout ce qui pouvait se passer dans et en dehors de la course. Plus tard, Laurent (Fignon) a perdu un Giro parce que l’hélicoptère de la télévision est venu le gêner dans le dernier chrono en volant trop près de lui. Donc Cyrille (NdlR : Guimard, son directeur sportif) avait haussé le ton auprès des organisateurs afin qu’on ne soit pas victimes de coups fourrés ou d’une saloperie quelconque. Lors de mon troisième Giro, dans le dernier contre-la-montre avec le maillot rose sur le dos, je suis parti le dernier et des spectateurs ont jeté des punaises devant moi. J’en ai enlevé de mon boyau en roulant avant qu’elles ne s’enfoncent et heureusement je n’ai pas crevé. Si j’avais perdu le Giro, ça aurait bardé, croyez-moi.”
Avant le départ de son premier Giro, le Français avait aussi posé un geste, qui avait frappé droit au cœur les tifosi, en se rendant sur la tombe de Fausto Coppi. “On partait de Gênes, pas très loin de son village, explique Hinault. Coppi, comme Bobet, Anquetil ou Merckx, m’avaient marqué quand j’étais gamin. Je me suis recueilli sur sa tombe, j’ai rencontré son frère… Cela avait plu aux Italiens”
"À Liège, on aurait dit qu’Evenepoel se promenait. C’était magnifique."
Une belle manœuvre de relations publiques. “Dans la course, il a fallu rester très attentif. Il y avait beaucoup de bonifications et les Italiens, même certains d’autres équipes que la sienne, aidaient Francesco Moser à s’en emparer.”
Au 20e jour, Hinault passe à l’attaque dans le Stelvio où il lâche le petit Wladimiro Panizza, maillot rose et un des meilleurs grimpeurs d’alors. Accompagné de son équipier Jean-René Bernaudeau, échappé en début d’étape, il rejoint l’arrivée avec plus de quatre minutes d’avance. “J’ai repris 'JR' au sommet, se souvient-il. On a roulé les deux dernières heures en tandem. Le Giro était gagné. J’ai ressenti du respect et de l’admiration pour la manière avec laquelle j’étais allé chercher cette victoire. J’avais attaqué de très loin et j’avais dominé les Italiens, les tifosi aimaient les champions.”

À 25 ans, il devient le quatrième et plus jeune coureur, à remporter au moins une fois les trois grands tours. Deux ans plus tard, Hinault piège ses adversaires dans une étape où on ne l’attendait pas, à l’avant-veille de la grande journée de montagne. “Je m’étais fait avoir le jour avant en laissant partir les trois Bianchi (NdlR : Prim, Contini et Baronchelli) dans un col que je pensais beaucoup plus dur qu’il n’était en réalité. Nous avions été trompés par les indications des cartes. Il n’y avait pas les pourcentages annoncés. Pour tous, j’avais perdu le Giro. Alors, j’ai attaqué là où on ne m’attendait pas et ça a réussi.”
Un mois plus tard, Hinault réussit le doublé Giro-Tour en gagnant sa quatrième Grande Boucle, la cinquième viendra en 1985, avec un deuxième doublé.