Cyclisme : Giro - Tour de France, le jeu des sept différences
Le Tour d’Italie et celui de France sont à la fois comparables et bien différents.
Publié le 03-05-2023 à 08h40 - Mis à jour le 04-05-2023 à 16h49
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Ils font tous les deux parties des Grands Tours, avec le troisième larron, celui d’Espagne. Le Giro et le Tour sont deux épreuves de longue haleine, de trois semaines, de vingt et une étapes. Ils sont globalement comparables dans leur fonctionnement, avec une alternance de journées pour les sprinters, pour les baroudeurs, pour les rouleurs et pour les grimpeurs tout en offrant aux coureurs deux journées de repos. Mais hormis la différence de couleur pour le maillot du leader du classement général (le jaune pour le Tour et l’incomparable rose pour celui d’Italie), il y a plusieurs différences entre ces deux épreuves de prestige. Nous en avons relevé sept.

1. Le plateau
Le Tour de France est souvent considéré comme la plus grande course du monde. Le plateau, sur le papier, y est plus relevé en général. “Le Tour de France, cela reste le graal du cyclisme”, nous raconte Christophe Brandt, l’actuel manager de la formation Bingoal-Wallonie Bruxelles, qui a disputé cinq fois le Tour d’Italie et six fois le Tour. Maxime Monfort, l’actuel directeur sportif et responsable de la performance de Lotto-Dstny va dans le même sens. “Disons qu’au Tour, le plateau est plus relevé parce que toutes les équipes y sont aussi mieux organisées que sur une course comme le Giro”, raconte celui qui a été aligné sept fois sur le Tour et cinq fois sur l’épreuve italienne. “Les équipes sont plus unies autour de leur leader, avec des objectifs sportifs parfaitement définis. Ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas le cas pour certaines formations sur le Giro, mais c’est moins le cas de manière générale. Au Tour d’Italie, les équipes prennent parfois des coureurs un peu en bouche-trous ou des jeunes gars qu’on lance comme cela avait été mon cas à l’époque, pour qu’ils découvrent une épreuve de trois semaines. On ne peut pas se permettre cela sur le Tour de France : il y a trop d’attente des sponsors pour prendre ce genre de risque.” Au Tour de France, en été, tous les coureurs sont également au top de leur forme. “Ce qui n’est pas le cas en mai, au Giro, de l’ensemble du peloton”, ajoute Christophe Brandt.
Notre guide des 21 étapes du Giro 20232. La météo
Une des grandes différences entre les deux épreuves vient de leur date dans le calendrier. Organisé en mai, au printemps, le Giro ne se dispute pas sous la même météo que le Tour de France, qui a lieu en été. “Le Tour d’Italie peut parfois être pénible pour les coureurs”, confirme Christophe Brandt. “Il peut faire mauvais et froid à cette période de l’année, il peut y avoir de la neige en montagne. C’est un élément important à prendre en compte, c’est une donnée importante au niveau de la récupération, qui s’ajoute à la difficulté du parcours.” Sur cette différence-là, Maxime Monfort va également dans le même sens. “Il peut effectivement faire bien dégueulasse à cette période de l’année sur le Tour d’Italie, j’en ai fait l’expérience ! Il peut également faire chaud en mai en Italie, mais il y a plus de chance d’avoir de la canicule en été, sur le Tour de France.”
3. La nervosité
Le Tour de France est incomparable dans sa première semaine. Avec son énorme nervosité dans le peloton, conséquence de la grande pression de l’épreuve phare de la saison. “Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas au Tour d’Italie”, commente Maxime Monfort. “Il n’y a plus de petites courses, tout le monde se bat partout. Le Tour d’Italie a d’ailleurs bien évolué au niveau de sa renommée ces dernières années. Je trouve d’ailleurs que la différence entre le Giro et le Tour a tendance à s’atténuer un peu, mais cette pression est quand même plus acceptable sur le Tour d’Italie.” Même son de cloche pour Christophe Brandt. “L’attention médiatique pour le Giro a vraiment progressé ces dernières saisons, et c’est forcément encore plus le cas, chez nous, cette année, avec la participation de Remco Evenepoel. Le Giro est aussi la bonne épreuve sur laquelle faire débuter un jeune coureur sur sa première course de trois semaines tandis que la Vuelta peut être une course de rattrapage pour ceux qui n’ont pas obtenu les résultats espérés. Il peut donc y avoir plus de libertés qu’au Tour de France, on peut y espérer plus de surprises. Au Tour, tout le monde roule, même pour une dixième place. Le leader y est aussi plus entouré, par plus de coéquipiers qu’au Giro. Ce qui augmente la nervosité.”
4. La montagne
On dit souvent que le plateau du Tour de France est plus relevé et que le parcours du Tour d’Italie est plus corsé. “Au niveau du tracé, il y a effectivement les impératifs liés à la topographie des deux pays”, analyse Maxime Monfort. “Il y a plus de grandes plaines en France. Il y a donc plus d’étapes de transition en juillet, même si les organisateurs de la Grande Boucle cherchent à limiter de plus en plus souvent ces scénarios. En Italie, il y a moins de plaines, cela monte donc plus souvent. Et les cols sont généralement plus raides, même si le Tour propose désormais régulièrement des choses plus compliquées.” Le Tour d’Italie s’est quant à lui fait une spécialité, celle de proposer une dernière semaine très dure. “Parfois même trop difficile”, juge Christophe Brandt. “En général, c’est vrai que les cols italiens sont plus pentus.”
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Il y aura du monde le long des routes du Giro. Et une chaleureuse ambiance, typique des courses italiennes. “Pour continuer ce comparatif entre le Tour et le Giro, il y a la différence au niveau du public”, détaille Christophe Brandt. “En résumé : au Tour de France, il y a des fans mais c’est aussi le truc du grand public, tandis qu’on retrouve de vrais fans au Giro.” Le Tour d’Italie est aussi très important pour le peuple italien. “Il est moins connu chez nous, mais il y a une vraie ferveur populaire des Italiens pour leur tour national”, poursuit Maxime Monfort. “Mais tu peux aussi faire le Giro dans l’anonymat le plus complet, ce qui ne serait pas possible au Tour de France, où c’est vraiment la grosse machine, avec plus de monde et de suiveurs.”
"Le Tour se roule généralement sur un billard comparé aux routes du Giro."
6. La qualité des routes
Un élément est également à prendre en compte dans ce comparatif : l’état des routes. “La qualité de la voirie est généralement meilleure en France”, raconte Christophe Brandt. “Techniquement, cela peut donc rendre le parcours du Giro plus compliqué.” Pour Maxime Monfort, la différence au niveau de la qualité du revêtement routier est claire. “Il peut y avoir de vilains trous en Italie, un peu comme… en Wallonie, explique-t-il. Plus qu’au Tour de France, où des investissements sont faits pour que tout soit réparé avant le passage de la course. C’est général un billard au Tour comparé au Giro.”
Il y a plus d'hôtels en France mais aussi plus de monde sur les routes et plus d'embouteillages.
7. L’offre hôtelière et les transferts après les étapes
Que ce soit au Giro ou au Tour de France, la récupération des coureurs est primordiale. La qualité des hôtels est donc très importante pour ceux qui visent le maillot rose ou le jaune. “Le Tour d’Italie a évolué, comme le cyclisme, ces dernières années”, évoque Christophe Brandt. “Avant, les équipes pouvaient se loger dans de petits hôtels familiaux, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il y a besoin des infrastructures nécessaires. Pour les trouver, en Italie, cela peut amener à pas mal de déplacements après l’étape.” Mais, en France, il y a un élément à prendre en compte par rapport aux transferts. “Il y a une plus grande offre d’hôtels internationaux, ceux de grandes chaînes prisées par les équipes”, termine Maxime Monfort. “Les coureurs ne cherchent pas le luxe mais le confort, comme leur formation, car il faut penser à avoir par exemple de grands parkings. Cela peut être plus facile en France, mais il y a aussi beaucoup plus de monde sur le bord de la route du Tour. Cela engendre donc des embouteillages. Finalement, ce n’est pas vraiment la distance qui compte, mais le temps de déplacement.”
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