Remco Evenepoel: "Enfant, ma maman me coupait les cheveux comme Lucas Biglia"
Remco Evenepoel ouvre sa saison dimanche sur le Tour de San Juan, en Argentine. Un pays où le champion du monde est extrêmement populaire.
Publié le 21-01-2023 à 06h00
Sur les grands placards publicitaires en quatre par trois qui bordent l’Avenida de la Roza de San Juan, la capitale de la province du même nom située au Nord-Ouest de l’Argentine, le visage de Remco Evenepoel côtoie celui des champions du monde de football devenus héros nationaux depuis leur sacre qatari. Vainqueur sortant (2020) d’une épreuve annulée ces deux dernières années en raison de la pandémie mondiale, le Brabançon est la tête d’affiche du Tour de San Juan sur lequel il s’apprête à lancer, dimanche, sa saison arc-en-ciel. Une course de sept étapes (journée de repos jeudi) dont il sait que le profil lui correspond un peu moins que par le passé puisqu’elle, cette fois, dénuée de chrono et qu’il aborde sans pression.
Remco, votre popularité en Argentine est impressionnante ! Le petit peloton qui vous a accompagné sur le début de votre entraînement vendredi ou les « Remcoooo » lancés à votre passage par les fans en disent long sur votre statut ici…
Oui, c’est vrai (rires). Je prends toujours beaucoup de plaisir à ouvrir ma saison ici. On y évolue sous le soleil et sans trop de stress, même si les choses risquent d’être un peu différentes cette année avec de nombreuses étapes promises aux sprinters et une liste des engagés qui comportent plusieurs spécialistes (NdlR: Jakobsen, Viviani, Sagan, Nizzolo, Bennett, Gaviria…). Mais cela reste une manière assez relax de lancer l’année. L’enthousiasme du public est également quelque chose de très appréciable.
Vous êtes la première formation à avoir débarqué à San Juan, il y a près de dix jours. Etait-il important de vous acclimater à la chaleur et au décalage horaire de quatre heures avec l’Europe ?
Oui, il y a de cela, mais nous voulions aussi éviter de multiplier les déplacements. Dans la foulée de la présentation de l’équipe à La Panne, il aurait été un peu stupide de retourner à Calpe pour quelques jours avant de reprendre l’avion pour l’Argentine. Nous avons donc fait le choix d’arriver tôt en Amérique du sud. C’est assez plat dans la région, et je crois que nous avons parcouru toutes les routes de la région, mais on s’est bien amusé et n’avons connu qu’une journée de pluie.
Vous avez tout de même aussi bien travaillé avec deux entraînements de plus de 200 kilomètres au programme !
Oui, la première fois j’ai allongé la sortie seul. La température monte assez vite ici et nous sommes rentrés le plus souvent avec une moyenne de 36 ou 37km/h.
Les grandes lignes de votre entraînement sont-elles différentes de celles qui vous ont guidé l’année dernière à la même période ?
Non, pas véritablement, même si j’ai fait davantage de longues sorties. Je crois que l’hiver dernier, je n’avais réalisé aucune session de six heures avant la nouvelle année alors que j’ai avalé des séances de cette nature deux ou trois fois ces dernières semaines. C’est évidemment en lien avec le Giro, mon grand objectif, qui arrivera finalement assez vite. Les intensités, elles, sont assez semblables. Je vais d’ailleurs utiliser la course pour continuer à travailler le rythme.
Etes-vous déjà à votre poids de forme ?
Non, non j’ai encore de la marge (rires). Il me reste encore deux à trois kilos à perdre. Je sais qu’avec les stages en altitude, ceux-ci s’envolent assez vite, mais rien ne presse.
Avec votre statut de champion du monde et de vainqueur sortant du Tour de San Juan, ressentez-vous une pression supplémentaire sur vos épaules ou une plus grande attention autour de votre personne ?
Je parlerais surtout d’une plus grande attention. Je savais évidemment que le maillot arc-en-ciel attirait les regards, mais je ne m’attendais pas que ce soit à ce point. Débuter ma saison dans la peau de champion du monde au pays des champions du monde de foot est aussi un joli clin d’oeil. Cela donne aussi plus de sens au surnom de « Messi du cyclisme » dont certains médias locaux m’ont affublé (rires)…
Etiez-vous supporter de l’Albiceleste lors de la dernière finale de la dernière Coupe du Monde de football ?
Non, j’étais assez neutre car il s’agissait d’un duel entre deux joueurs exceptionnels que j’apprécie beaucoup: Messi d’un côté et Mbappé de l’autre. L’Argentin a marqué l’histoire de ce sport mais je crois que le Français va prendre la succession des phénomènes qu’ont incarnés Ronaldo et Messi.
L’histoire de votre club de cœur, Anderlecht, a aussi été marquée par plusieurs joueurs argentins assez récemment. On pense à Frutos ou Biglia…
Oui, c’est vrai. Quand j’étais enfant, ma maman me coupait d’ailleurs les cheveux comme Biglia (rires)… J’avais la tignasse blonde comme lui et il évoluait au même poste comme moi quand j’étais footballeur. Il incarnait donc l’exemple que je voulais suivre.
Sans vouloir manquer de respect au Tour de San Juan, cette course ne s’assimile-t-elle pas plus pour vous cette année à une sorte d’entraînement ?
Oui peut-être bien, c’est vrai. Je vais par exemple avoir un vrai rôle dans le train de notre sprinter Fabio Jakobsen. Et comme six des sept étapes de cette épreuve pourraient bien se terminer par un emballage massif… Je serai le 4e wagon et travaillerai avant Lampaert, Morkov et Fabio. Mon job sera le plus souvent de rouler en tête du peloton du kilomètre 5 avant l’arrivée à la flamme rouge. Cela
représente des efforts intenses de cinq à sept minutes. Sur l’étape reine d’Alto Colorado (NDlR: montée de 18km à 4,4%) au programme de vendredi, ce sera alors à moi de jouer. Mais plutôt que de vouloir y gagner à tout prix, je chercherai surtout à en sortir avec un bon sentiment. Pour un coureur de mon profil, il est aussi agréable de parfois me mettre au service du collectif car sur l’UAE Tour et celui de Catalogne je sais que l’équipe travaillerait alors essentiellement pour moi, pour tenter de gagner le général. Je ne prends pas le départ de cette course avec la pression d’un résultat, on verra comment cela se passera. Le niveau global de cette course est tout de même plus élevé que par le passé avec davantage d’équipes WorldTour, avec plus de vrais grimpeurs (NDLR: Bernal, Martinez, Angel Lopez, Higuita).
Vous connaissez bien l’Alto Colorado pour l’avoir gravi en 2019 et 2020. Cette ascension est-elle suffisamment difficile pour y opérer une véritable décision ?
Elle est très longue et roulante dans sa très grande majorité mais la chaleur et le vent peuvent y jouer un rôle important. Je suis bien placé pour vous dire qu’il peut y avoir des bordures dans son approche puisque j’en avais été victime il y a trois ans (rires). Ineos possède un collectif très solide
et je m’attends à ce qu’ils tentent quelque chose avant la montée. Mais nous avons aussi une équipe solide pour ce terrain et des bons grimpeurs pour la suite avec Serry ou Hirt. Il est assez difficile d’identifier les principaux prétendants au général car Ganna avait par exemple fini dans ma roue en 2020 en haut d’Alto Colorado. Les coureurs plus lourds que les grimpeurs peuvent y survivre. Vu le parcours de cette année, on pourrait aussi assister à une chasse aux bonifications ou à une volonté de dynamiter la course dès que les conditions s’y prêtent. Le vent souffle souvent fort ici. En début de saison, avec cette chaleur et un tracé globalement assez facile, il est vraiment difficile de prédire un scénario d’autant qu’il n’y a pas de chrono cette année.
Vous êtes installé dans le même hôtel qu’Egan Bernal. Avez-vous eu l’occasion d’échanger avec lui sur une épreuve que vous avez traversée tous les deux: une lourde chute avant une longue revalidation ?
Oui, je lui ai glissé que j’étais content de le voir de retour en course et nous avons échangé durant cinq minutes au buffet de l’hôtel. Je l’ai trouvé très ambitieux, il veut redevenir le Bernal de 2019. Je lui souhaite vraiment de revenir à son meilleur niveau pour qu’on puisse ensuite se retrouver sur les grands tours.