« À la Route du Rhum pour un Top 10 »
Mis à l’honneur ce vendredi, chez lui, à Liège, le skipper Jonas Gerckens évoque ses projets et ses regrets…
- Publié le 13-08-2022 à 06h00
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Alors que de nombreux Belges ont pris cet été la route de la Bretagne, le plus Breton de nos compatriotes est exceptionnellement au pays. Basé habituellement entre Lorient et la Trinité-sur-Mer, ses terrains de préparation et d’entraînement, Jonas Gerckens est, en effet, revenu passer ses vacances chez lui, à Liège, où il a été mis à l’honneur ce vendredi.
Le skipper de courses au large a reçu le Perron d’or, prix sportif décerné par la Ville, pour sa saison 2021 (marin belge de l’année pour la quatrième fois, 4e de la Class40 à la Transat Jacques Vabre, 3e au Mondial de course au large en double mixte, 2e à l’Euro,…). "Pour l’ego, recevoir un prix fait toujours plaisir, concède le skipper de 42 ans. Celui-ci me tient particulièrement à cœur car je suis très attaché à Liège même si je n’y suis plus souvent. Que ma ville me mette à l’honneur est la preuve que j’en fais toujours un peu partie. Ça me touche et ça touche aussi mes partenaires liégeois, comme Galler pour ne pas le citer, qui voit là une fierté et une récompense de son implication."
Cette pause estivale dans un agenda chargé est l’occasion de faire le point sur l’actualité du marin, récemment qualifié pour la prochaine Route du Rhum, l’une des courses les plus emblématiques de la voile hauturière (transatlantique Saint-Malo – La Guadeloupe en solitaire qui rassemble, tous les quatre ans, les meilleurs marins du monde).
"Pour y gagner ma place, je devais finir la récente Drheam Cup (mi-juillet, entre Cherbourg et La Trinité) dans les délais. Sur ce point, ce fut mission accomplie. J’ai donc mon ticket pour le départ à Saint-Malo le 3 novembre. Le Rhum, c’est quasi la plus grande course juste en dessous du Vendée Globe(tour du monde en solo). Ce sera ma deuxième participation. Après ma 14e place en 2018 (meilleur résultat belge de l’histoire), j’y ai de plus grandes ambitions encore – le Top 10 -, mais il y a du boulot… Car le niveau sportif y sera extrême. En 2018, il y avait en gros 7 ou 8 bateaux neufs dans ma seule catégorie (Class40, des monocoques de 40 pieds soit 12,19 mètres). Cette année, il y en aura… 27 ! C’est hallucinant car on est donc au moins une vingtaine à viser le Top 10. Sportivement, la Drheam Cup fut à l’image de ma saison: un peu compliquée (spi déchiré, choix stratégiques à revoir, soucis mineurs,…). Je n’avais plus fait de solitaire depuis quatre ans (et la précédente Route du Rhum), or on est dans une année Rhumdonc qui nécessiterait une préparation à 100% en solo sur mon Volvo164. Mais, contrairement à certains de mes rivaux directs, ce n’est pas mon cas puisque je mène aussi le projet des Red Dolphins (duo avec Sophie Faguet), sur un autre bateau, avec en point d’orgue des championnats d’Europe et du monde."
Et de continuer: "Au plus haut niveau, ce mix de deux programmes aussi différents, c’est un peu compliqué. Je suis heureux de cet éclectisme, mais il me pénalise aussi un peu face à ceux plongés à fond dans un seul projet, à savoir le Rhum. Face à eux, je prends du retard. Mais c’est comme ça, à moi de m’accrocher. Les projets et la saison sont trop entamés pour changer les choses. Ceci dit, c’est une erreur que je ne referai pas dans le futur."
«Servir de tremplin»
Après ses actuelles vacances et un pré-bloc d’entraînement vers les 23-24 août, sur son Class40 en vue de la Route du Rhum, donc, Jonas Gerckens switchera en septembre sur un autre projet, le Mondial en duo qui se déroulera en Slovénie.
"Durant trois semaines (jusqu’au 25 septembre), j’irai en stage à Venise avec Sophie Faguetqui compose avec moi les Red Dolphins, pour des entraînements dans l’Adriatique. Histoire de prendre nos marques sur cette mer que je… déteste! Elle est sans doute attirante pour des vacances, mais quand on est dépendant du vent, c’est autre chose. Il y est tellement aléatoire: 90% du temps, il n’y en pas puis c’est assez violent avec beaucoup d’effets. Ce n’est jamais stable et clair. D’où l’importance d’aller en repérage."
Car ce programme lui tient aussi à cœur, bien sûr. "On vise le podium ! On avait fait 3e l’an dernier, on veut faire au moins aussi bien. On a une revanche à prendre car on s’est pris une petite claque à l’Euro (5es). On a fait trop d’erreurs et on veut rectifier le tir. Je veux que les Red Dolphins servent de déclencheur pour sensibiliser/attirer des jeunes et qu’il y ait un vivier qui se crée. Histoire que la Belgique soit aux Jeux futurs après moi. Je pourrais y aller comme coach, qui sait? J’aime cette idée de préparer l’avenir et aussi celle de servir de tremplin vers les catégories de gros bateaux (Class40, Imoca, etc) . Car un de mes grands projets à venir, c’est de faire la 2e édition de la Globe40, en juin 2025, à savoir un tour du monde en double de huit étapes et neuf mois, avec possibilité de changer d’équipier à chaque étape. Mon rêve est d’y aller avec un équipage belge compétitif et de s’y imposer. Ce serait une première ! Je suis donc en train de zieuter quatre à cinq équipiers/équipières potentiels(parfois à leur insu) , jeunes ou moins jeunes, filles ou garçons, francophones ou néerlandophones qui pourraient y prendre part."
Et de conclure: "Sur ce Globe40, le fil rouge serait la course évidemment – je reste un compétiteur -, mais à mêler aussi avec l’aventure, la rencontre des cultures etc. Car, franchement, le programme est assez sexy: départ de Tanger vers le Cap Vert. Puis Cap Vert – île Maurice, Île Maurice – Auckland, Auckland-Tahiti, Tahiti-Ushuaïa, Ushuaïa-Recife, Recife-Grenadines, Grenadines-Lorient. L’idée des organisateurs comme des participants, c’est de mêler performance sportive et aventure, rêve, sensibilisation au développement durable etc. À mon niveau, j’espère y associer des partenaires pour aller à la rencontre des gens (si possible des Belges), comparer les problématiques de l’or bleu (l’eau) ici et là au gré des étapes etc. afin de réaliser une web-série durant ces neuf mois."