De Bruyne et Lukaku sont devenus proches chez les Diables : “Ils n’ont même plus besoin de se parler pour se comprendre”
Georges Leekens les a réunis, Marc Wilmots les a lancés. Ils nous racontent la bromance entre Kevin De Bruyne et Romelu Lukaku en équipe nationale, quelques jours avant leur affrontement en finale de la Ligue des champions.
- Publié le 08-06-2023 à 07h36
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Le 17 mai 2010. Une autre époque. Georges Leekens est de retour chez les Diables pour entamer son second mandat de sélectionneur. Ce jour-là, il réunit ses 23 joueurs en fin d’après-midi à Diegem, dans des installations au charme suranné, pour préparer le dernier devoir de la saison, un match amical contre la Bulgarie.
Après avoir fêté le titre avec Anderlecht puis son 17e anniversaire, Romelu Lukaku rentre tout juste de Londres. Il a visité Stamford Bridge dans le cadre d’un voyage scolaire. Avant de rejoindre les Diables, il passe au fanshop s’acheter le maillot de Didier Drogba, son idole. Treize mois plus tard, il recevra un autre maillot des Blues, le sien après avoir signé son transfert.
De son côté, Kevin De Bruyne arrive sans un bruit. Si Lukaku a déjà fait ses débuts en équipe nationale deux mois plus tôt contre la Croatie, le timide gamin de Genk fête sa première sélection, un mois avant ses 19 ans. “Il est jeune. Il n’a peut-être pas encore le niveau pour les Diables mais il n’a qu’une saison de D1 dans les jambes”, dit Leekens en justifiant son choix devant la presse.
“C’était quand même une bonne idée de prendre Kevin hein, rigole Long Couteau aujourd’hui. Dès mon premier jour comme sélectionneur, j’avais dit que j’allais le prendre. Je le connaissais déjà depuis quelques années. Quand j’étais coach à Gand, j’avais essayé de convaincre la direction de faire l’effort pour le conserver, même s’il n’avait que 15 ans. Mais il n’y avait pas d’argent et il était parti à Genk. ”
À leur première rencontre, De Bruyne n’a pas encore le niveau
Face aux Bulgares, De Bruyne reste sur le banc. Lukaku est titulaire mais n’est plus sur la pelouse quand les Diables renversent le match pour s’imposer 2-1 sur deux buts dans les dernières secondes (Lepoint puis Kompany). “Romelu était déjà mon grand Baloo. Il avait déjà une certaine aura dans le groupe mais il fallait beaucoup lui parler et le soutenir. Kevin était un garçon timide, il ne disait quasiment pas un mot. Il n’avait pas encore le niveau honnêtement. Je l’avais titularisé quelques semaines plus tard contre la Finlande et ça s’était vu (NdlR : remplacé à la pause, il avait reçu la note de 5/10 dans nos colonnes). Il devait encore passer quelques étapes mais on sentait bien qu’il était très doué. Tout le monde ne peut pas exploser à 17 ans comme Romelu. ”
Durant son mandat, Leekens n’aura jamais aligné Lukaku et De Bruyne simultanément. “Par un concours de circonstances, se défend l’ancien sélectionneur. Romelu a eu plusieurs petites blessures et Kevin a été longtemps absent à cause d’une mononucléose. ” Une maladie repérée par Marc Wilmots, alors adjoint, lors d’un déplacement en Azerbaïdjan. “Je le voyais fatigué, il était tout rouge dès l’échauffement. Je lui ai dit que ce n’était pas normal et qu’il devait faire une prise de sang. ”
Il faudra un peu plus de deux ans après ce premier contact contre la Bulgarie pour voir Big Rom et KDB ensemble sur la pelouse avec le maillot des Diables, eux qui n’avaient jamais joué dans les équipes d’âge ensemble. Le 15 août 2012, toujours au Heysel, toujours en match amical mais dans un tout autre contexte. Wilmots a remplacé Leekens et c’est le début de la folie autour de la jeune génération des Diables.

Face aux Néerlandais de van Gaal, Wilmots les lance à sept minutes d’intervalle au début de la seconde période. C’est encore 1-2 mais les Diables vont faire vibrer le stade en marquant trois fois dans le dernier quart d’heure. Lukaku fait le 3-2 et De Bruyne est virevoltant sur le côté droit.
C’est le début de quelque chose. Une relation qui va se transformer en complicité au fil des matchs. “Romelu a vraiment pris la place de titulaire quand Benteke s’est blessé gravement et Kevin est devenu incontournable lors d’un déplacement en Serbie. Il avait fait tout le côté droit face à Kolarov. C’est son vrai départ avec les Diables à mes yeux”, rembobine Wilmots.
"Romelu adore la profondeur et Kevin met le ballon où il veut. Ces deux-là ne pouvaient que s'entendre."
Il faudra quand même attendre la Coupe du monde au Brésil et les prolongations du huitième de finale contre les USA, le 1er juillet 2014, pour voir la première action décisive entre les deux joueurs : passe de De Bruyne et but de Lukaku. Il lui en distribuera encore 12 sur les 54 rencontres internationales qu’ils partageront (il y a aussi 3 assists de Lukaku pour De Bruyne). “Romelu adore demander le ballon en profondeur et Kevin met le ballon où il veut. Ces deux-là ne pouvaient que s’entendre, sourit Wilmots. Après, Kevin est tellement doué qu’il peut s’adapter à n’importe quel profil d’attaquant. Ils ont très vite réglé les automatismes et ils n’avaient même plus besoin de se parler pour se comprendre. Ça me rappelait ma complicité avec Emile Mpenza. Les yeux fermés, je savais où il allait demander le ballon. ”
La bromance n’est pas visible que sur le terrain. En dehors, les deux hommes s’apprécient aussi. “Une de mes mesures quand je suis devenu T1, c’était de bannir les GSM en mangeant. Tous les joueurs étaient à la même table. Des amitiés sont nées de ces conversations. L’enchaînement de victoires aidait bien aussi pour l’ambiance. ”
Leekens avait déjà été témoin du rapprochement entre Lukaku et De Bruyne. “À première vue, tu pourrais croire qu’ils sont trop différents pour être potes. C’est une erreur. Kevin est taiseux, Romelu est plus exubérant mais ils partagent un trait de caractère important : ce sont de mauvais perdants. Ce qui est une qualité à mes yeux. Kevin et Romelu pouvaient parfois s’énerver très fort parce que le niveau ne suivait pas. Ça faisait progresser tout le monde. Ils ne faisaient jamais ça pour embêter les autres, juste pour aider l’équipe. Pour moi, ce sont des garçons très faciles à coacher. ”
"Tu pourrais croire qu'ils sont trop différents pour être potes mais c'est une erreur. Ils partagent un trait de caractère important."
Wilmots confirme. “Kevin et Romelu sont des râleurs. Et je place ça dans la colonne des grandes qualités. Je préfère des gars comme eux qui tirent la tête pendant deux jours après une défaite qu’un joueur qui rigole tout de suite. Vincent Kompany et Marouane Fellaini étaient aussi comme ça. Kevin et Romelu ont deux personnalités fortes. Il ne faut pas leur casser la tête avec des consignes tout le temps. Il faut leur foutre la paix, juste en donnant le cadre tactique. Il ne faut pas en faire des robots. ”
Aujourd’hui, De Bruyne est capitaine mais c’est Lukaku qui fait le discours dans le cercle des joueurs avant le coup d’envoi. Vu leur CV en club et les départs successifs de Kompany, Fellaini, Hazard et Witsel, ils sont les deux boss du vestiaire. Les deux garants du passage de témoin vers la nouvelle génération. “Ils veulent s’assurer que d’autres puissent prendre le relais en gardant le même niveau d’exigence quand ils arrêteront”, estime Leekens, treize ans après les avoir réunis une première fois sur un petit terrain bondissant à Diegem. “Je me réjouis d’être samedi pour voir leur affrontement en finale de la Ligue des champions.”