Dirk Coorevits, CEO de Soudal: "Nous nous battrons pour que Remco ne quitte pas le navire" (vidéo)
Dirk Coorevits, CEO de Soudal, nous a accordé sa première interview depuis que sa marque sponsorise Quick-Step.
Publié le 18-02-2023 à 08h00
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L’arrivée de Soudal chez Quick-Step fut l’un des gros transferts de l’entresaison au sein du peloton. Grâce au géant des produits d’étanchéité, la formation de Patrick Lefevere a les reins (encore) plus solides financièrement. Au siège de l’entreprise, à Turnhout, les références au Wolfpack sont très nombreuses. À peine entré dans le bâtiment, des pancartes à l’effigie de Remco Evenepoel et de Julian Alaphilippe plantent le décor. C’est là que Dirk Coorevits, le directeur général de la société, nous a accordé une heure de son temps pour parler vélo. Avec passion et enthousiasme. "Je suis un grand fan de sport en général, et de cyclisme en particulier, lance l’homme d’affaires de 63 ans. C’est une discipline qui génère beaucoup d’émotions."
Monsieur Coorevits, peut-on vous demander depuis quand vous travaillez pour Soudal ?
"J’ai démarré en 1982. J’étais le 27e employé de la boîte et je devais me charger de l’exportation. Petit à petit, je suis monté en grade jusqu’à devenir le bras droit de Vic Swerts, qui a fondé cette entreprise il y a 55 ans. J’en suis le CEO depuis 1998. La société a vraiment grandi depuis mes débuts. Quand je suis arrivé, le chiffre d’affaires annuel était de 6 millions d’euros. Aujourd’hui, il culmine à 1,3 milliard et la société compte 4 000 employés, dont 1 100 à Turnhout. Le reste est réparti dans les 75 pays où nous avons des filiales. Je pense, donc, que l’on n’a pas mal bossé ces 40 dernières années…"
Vous êtes à l’initiative du projet vélo chez Soudal…
"Le projet cycliste de notre entreprise n’est pas un projet Coorevits, même si je m’occupe de ce volet depuis notre arrivée dans le peloton professionnel, il y a plus de 10 ans. Si l’on a cherché à être sponsor d’une équipe cycliste, c’est pour augmenter notre visibilité à l’étranger. Même si notre maison mère se trouve en Campine, nous nous profilons comme une entreprise internationale. D’ailleurs, sur les 100 % de notre chiffre d’affaires, seuls huit proviennent de Belgique. Et pour être encore plus compétitif à l’étranger, il faut que nous puissions créer un effet branding, un effet"marque". La façon la moins coûteuse pour le faire à l’étranger, c’est le vélo. C’est un investissement économique. Notre but est de créer une notoriété à l’étranger."
Cela fait donc dix ans que Soudal est présent dans le vélo…
"Pour tout vous dire, on a démarré avec le boarding dans le cyclo-cross. On a ensuite créé notre propre épreuve dans ce sport-là. Mais cela ne nous donnait qu’une visibilité limitée à la Flandre et à la Zélande. On est aussi devenu sponsor du club de foot de Westerlo. Après, on s’est penché sur le cyclisme. On est passé d’une présence sur le cuissard à devenir, aujourd’hui, partenaire principal d’une équipe."
Quel bilan tirez-vous de vos années de collaboration avec Lotto ?
"Très positif. Ça a bien fonctionné entre nous. Mais, à un moment, nous avons souhaité que le nom de l’équipe commence par Soudal, ce que la loterie n’a pas voulu. Même si, à l’étranger, les maillots avaient pour inscription Soudal-Lotto, c’est resté Lotto-Soudal en Belgique. En 8 ans de partenariat, nous avons pu constater que la loterie se focalisait sur la Belgique. Or nous voulions mettre le paquet à l’étranger. Du coup, il était temps de changer d’équipe."
Le Wolfpack véhicule les mêmes valeurs que nous. Une culture de la gagne et du travail qui nous correspond bien.
Et vous voilà sponsor principal de la formation de Patrick Lefevere pour au moins 5 ans…
"Les négociations ont démarré il y a douze mois, même si nous avions déjà eu une touche avec Lefevere voilà 6 ans. Mais nous voulions tenir nos engagements avec la loterie. En nous liant à Quick Step, nous nous donnons les meilleures chances d’augmenter notre notoriété à l’étranger."
Était-ce important de demeurer lié à une équipe belge, alors que vous voulez être encore plus présent au niveau international ?
"C’était très important parce que nous sommes avant tout une entreprise belge, basée en Belgique. Pourquoi aller chercher ailleurs s’il y a chez nous une équipe de tout premier plan qui nous offre une grande visibilité ? En plus, ce fameux Wolfpack véhicule les mêmes valeurs que nous. Ils veulent gagner et fonctionnent comme un groupe dans un sport individuel. Il y a une culture de la gagne et du travail. Cela nous correspond bien."
On peut imaginer que le budget de l’équipe a considérablement augmenté…
"Évidemment, mais je ne vous dirai pas de combien. Je peux juste vous assurer que l’équipe cycliste a les épaules encore plus solides désormais, tout en restant loin des toutes grosses cylindrées que sont Ineos ou UAE Team Emirates."

L’état d’esprit et les valeurs véhiculées par l’équipe vous intéressent-ils davantage que les résultats sportifs ?
"Oui et non. L’état d’esprit des troupes est très important mais nous sommes aussi là pour gagner. On ne veut pas que la marque Soudal soit associée à une équipe perdante."
Est-ce plus important pour vous que l’on voit Soudal aux avant-postes lors du Tour des Flandres, monument belge, ou à l’occasion du Giro, auquel Remco Evenepoel prendra part en mai ?
"Pour notre société, c’est mieux d’être vu au cours du Tour d’Italie ou du Tour de France qu’au Ronde. Les retombées seront plus grandes pour nous. Le Tour, on le regarde partout dans le monde durant trois semaines. Le Tour des Flandres est une institution en Belgique et dans quelques pays mais dans d’autres, il n’est pas connu. Regarde-t-on le Ronde au Kazakhstan et en Islande ? Je ne sais pas. En revanche, on y suit la Grande Boucle. Pour un investisseur comme nous, il est plus intéressant de gagner pendant une course de trois semaines que lors d’une classique d’un jour, même si c’est un événement qui fait partie du patrimoine belge et que c’est une religion en Flandres."
Quel genre de patron est Patrick Lefevere, que vous apprenez à connaître ?
"Avant tout très passionné. Je dirais aussi que c’est un manager à l’ancienne. Et cela n’a aucune connotation négative, pour moi. Je ne dis pas qu’il est facile en négociations mais il a le mérite de savoir exactement ce qu’il veut. Entre nous, les discussions ont été rapidement menées."

En quoi la présence de Remco Evenepoel est-elle importante pour une marque comme Soudal ?
"Remco est, avec Wout van Aert, la locomotive du cyclisme belge. On a quelqu’un de jeune, qui gagne. Remco, c’est le chouchou et il amène pas mal de publicité. Sa présence est fondamentale pour nous mais celle de Julian Alaphilippe l’est tout autant. Il est très populaire en France et peut contribuer à améliorer notre visibilité dans l’Hexagone."
Comment pouvez-vous utiliser la popularité de Remco Evenepoel ?
"Notre objectif est d’être associé à une équipe qui gagne. Et si elle le fait avec panache et en assurant le spectacle, c’est encore mieux. Des gars comme Remco et Alaphilippe roulent de cette façon-là. Et lorsqu’ils passent à l’attaque, le nom du sponsor principal est mis en avant. Ce n’est donc que du bonus. Être partenaire d’une équipe cycliste est plus intéressant pour nous que nous associer à un club de foot, aussi prestigieux soit-il. En vélo, le nom du sponsor est celui de l’équipe."
Remco a été très courtisé l’hiver dernier et il le sera sans doute encore dans le futur…
"Nous nous battrons pour que Remco ne quitte pas le navire à un moment ou à un autre."
S’il devait partir, Soudal restera-t-il lié à Quick-Step ?
"Bien sûr. Nous avons un contrat avec l’équipe de Patrick Lefevere, pas avec Remco."
J'aime le cyclisme aussi parce qu'il n'y a pas de violence.
En tant qu’amateur de vélo, qu’aimez-vous dans le cyclisme actuel ?
"Ces jeunes coureurs talentueux qui n’ont peur de rien. Des types comme Remco, Wout, Alaphilippe, van der Poel ou Pogacar pensent tout le temps à attaquer pour gagner. Ils ont rendu le vélo encore plus beau, encore plus populaire. J’aime aussi le cyclisme parce qu’il n’y a pas de violence. Que ce soit entre coureurs ou parmi les spectateurs, il y a du respect. Pas de hooliganisme. Et les coureurs sont disponibles. Ce ne sont pas des stars inaccessibles."
En revanche, le cyclisme traîne sa mauvaise réputation en termes de dopage…
"Cela ne nous a pas freinés dans notre volonté d’être associé à ce sport parce que je pense que ça va de mieux en mieux à ce niveau-là. J’ai la conviction que ce n’est plus une pratique répandue, même si on ne sait jamais."