20 ans après, Peter Van Peteghem rembobine "la plus belle semaine de ma carrière"
Il y a 20 ans, Peter Van Petegem était dans la forme de sa vie au printemps pour enlever le Tour des Flandres et Paris-Roubaix.
Publié le 04-01-2023 à 06h00
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À la fin du XXe siècle et au début du suivant, Peter Van Petegem s’est construit son remarquable palmarès dans les épreuves d’un jour, essentiellement pavées. Dès la fin de la période des classiques, sur le Tour de France ou dans les autres courses à étapes, le coureur flandrien semblait traîner sa misère, attendant qu’en septembre les classiques automnales ou le Mondial lui offrent de nouveaux objectifs.
Principal leader après la retraite de Tchmil
De 1992 à 2007, celui que l’on surnommait le "Zwarte van Brakel" (le Noir de Brakel), pour son teint mat, qui a évolué chez PDM, Lotto, Trident, TVM, Mercury, Collstrop, Lotto à nouveau puis Quick Step pour finir sa carrière, a gagné le Tour des Flandres (à deux reprises), Paris-Roubaix, le Circuit Het Nieuwsblad (trois), le Grand Prix E3, Kuurne-Bruxelles-Kuurne, G.P. Isbergues (deux) ou 3 Jours de la Panne (deux). Sans oublier des médailles d’argent et de bronze conquises aux Mondiaux 1998 et 2003. À cette liste, il convient d’ajouter le Grand Prix de l’Escaut, qui, en 1994, sauva et relança une carrière qui menaçait de mourir dans l’œuf après des débuts complètement ratés.
Neuf saisons plus tard, Peter Van Petegem était devenu une des stars du peloton. Au printemps 2003, celui qui était alors le principal leader de Lotto-Domo, après la retraite d’Andrei Tchmil quelques mois plus tôt, inscrivit à son tableau de chasse un doublé que sept coureurs seulement avaient réalisé avant lui en enlevant coup sur coup: le Tour des Flandres puis Paris-Roubaix. Seuls Tom Boonen et Fabian Cancellara allaient faire mieux ensuite en réussissant deux doublés chacun. Il y a 20 ans donc, le coureur né à Brakel entra dans le cercle restreint des plus grands champions des classiques pavées. "Ce sont les plus belles courses", sourit le "Peet", devenu chez Concordia assureur de sportifs de haut niveau aujourd’hui, mais aussi consultant de Flanders Classics.
L’impression de patiner
En 1999, Van Petegem avait déjà triomphé à Meerbeke, où finissait alors le Tour des Flandres. Échappé avec Johan Museeuw, de retour, mais encore un peu diminué après sa grave blessure au genou dans la Trouée d’Arenberg, et Frank Vandenbroucke, il avait tenu avec succès son rang de grandissime favori après ses victoires à Harelbeke et La Panne, les huit jours précédents.
Quatre ans plus tard, au printemps 2003, Van Petegem avait 33 ans et après plusieurs occasions manquées, il retrouva donc le chemin du succès dans ses classiques préférées.
"Pour quelqu’un qui, comme moi, est né et vit au cœur des Ardennes flamandes, le Tour des Flandres est évidemment la course de vos rêves, dit-il. Paris-Roubaix est aussi magnifique mais la classique française vient chronologiquement une semaine, ou même deux à une certaine époque, après le Ronde. C’était le bout du cycle des classiques flandriennes avec souvent, un petit contrecoup, une décompression légitime. En plus, j’y ai souvent connu des soucis matériels, notamment parce que mes différentes équipes ne disposaient pas toujours des meilleurs pneumatiques. Elles avaient des contrats avec des firmes qui ne disposaient pas des meilleurs boyaux pour Roubaix. Il y a des années où, sur les pavés mouillés ou boueux, j’avais l’impression de patiner."
Ce ne fut pas le cas en 2003 dans une édition poussiéreuse de la Reine des classiques. "Le début de saison a été compliqué pour Lotto, nous étions critiqués mais j’avais toujours dit que nous ferions le bilan après les classiques, rappelle Van Petegem. En mars, on a commencé à mettre le nez à la fenêtre. Moi, j’attendais mes courses. Une épreuve de 180-200 kilomètres convient à beaucoup, mais ajoutez-y entre 60 et 80 kilomètres et le nombre de potentiels vainqueurs est divisé par trois ou quatre."
D’abord en queue de peloton
Les espoirs de gagner encore une épreuve de la Coupe du monde (deux ans avant la création du WorldTour) avaient pourtant failli s’envoler quand, aux environs de Milan-Sanremo, le Belge avait souffert d’un gros refroidissement. Puis, même le jour du Tour des Flandres, la course aurait pu échapper au Flandrien s’il n’avait pris ses responsabilités. "Comme toujours, même si je sais que cela faisait peur à mon entourage, j’ai passé la première partie de la course en queue de peloton malgré de bonnes sensations, se souvient-il. Après le Koppenberg, un groupe s’est échappé avec Bettini, Paolini et d’autres Italiens. Je suis allé trouver Boogerd, leader de Rabobank en forme, pour lui demander de nous aider dans la poursuite. Sans ça, tout était perdu."
Wim Vansevenant, l’un des lieutenants préféré de Van Petegem, et Marc Wauters, qui évoluait alors dans la grande équipe néerlandaise, assurèrent alors le travail et les fuyards rentrèrent dans le rang. Le Flandrien put alors entrer en scène et secouer ce qui restait du peloton. "J’ai compris au Berendries que beaucoup commençaient à être fatigués, poursuit le futur vainqueur. Sur le Mur de Grammont, j’ai attaqué et seul Frank Vandenbroucke a pu me suivre." VDB choisit alors d’épauler Van Petegem, pourtant a priori beaucoup plus rapide que lui, jusqu’à la ligne d’arrivée. Un comportement qui lui fut reproché plus tard d’autant plus que des rumeurs concernant un arrangement financier entre les deux hommes se répandirent dans le peloton. "Je ne lui ai pas proposé d’argent pour qu’il roule, Frank revenait d’une longue période difficile, il voulait absolument que nous restions devant afin de monter sur le podium", se défend le Flandrien.
Jusqu’au bout de la nuit
Ce dimanche 6 avril 2003, Van Petegem fêta son succès avec ses équipiers dans un hôtel de Ninove, proche de la ligne d’arrivée. Il prit ensuite la direction de la VRT à Bruxelles pour une émission de télévision. La nuit était déjà bien engagée quand il revint boire une ou l’autre bière avec ses fans dans le local de son club de supporters, au café Het Jagershoekje, à Brakel, où Marc Sergeant, le patron de l’équipe Lotto-Domo, avait offert un fût. À trois heures du matin, le "Peet" put enfin se glisser entre ses draps.
Attendre le Carrefour de l’Arbre
Contrairement à ce qui s’était produit quatre années plus tôt, Van Petegem ne fit pas d’autres écarts la semaine suivante, il renonça même à Gand-Wevelgem, disputé alors le mercredi, et il se présenta en grande forme et débordant d’ambition au départ du 101e Paris-Roubaix, sur la place du Palais à Compiègne.
Il raconte: "Au début, je ne me sentais pas au mieux, raconte-t-il. Je suis même tombé avant qu’on entre sur le premier secteur pavé, puis j’ai crevé. Il a fallu effectuer une belle poursuite. Mais petit à petit, j’ai senti que j’étais à nouveau très fort. Dario Pieri et Viatcheslav Ekimov ont attaqué de loin dans la finale. Ils avaient 40, 50 secondes d’avance mais nous étions convenus que je produise mon effort sur les secteurs 4 et 3. À la radio, j’entendais Marc Sergeant me demander d’attaquer plus tôt, de réduire l’écart, mais j’attendais le Carrefour de l’Arbre (NDLR : le secteur 4 dans l’ordre décroissant des 26 répertoriés cette année-là). Je savais que j’étais capable de revenir sur une accélération. Il y a des coureurs qui roulent longtemps à haut rythme, moi, c’était plus intense et bref. Dès l’entrée du Carrefour de l’Arbre, je suis parti et j’ai lâché ceux qui étaient avec moi. À la fin du tronçon, j’avais repris Pieri et Ekimov. S’il m’avait manqué quelques secondes, c’était sans doute perdu car une fois lancé, on ne reprenait pas Ekimov. Au vélodrome, je n’ai pas tenu compte du Russe mais j’avais Pieri à l’œil. Je l’ai embarqué au haut de la piste et j’ai plongé avec mon onze dents. J’ai gagné facilement au sprint, sur le vélodrome. À mes débuts j’avais effectué des 6 Jours, à Zurich, à Brême, à Gand… Il n’y a rien de mieux que de gagner au sprint. La victoire vous explose à la figure en une seconde. Oui, vraiment, ce fut la plus belle semaine de ma carrière…"
Cette fois, il n’y eut pas d’aller-retour à la VRT mais une nouvelle fête avec ses équipiers puis un passage plus prolongé auprès de ses supporters. Le lendemain, c’est une visite chez Guy Verhofstadt, alors Premier ministre, qui attendait le héros du printemps qu’accueillirent Eddy Merckx et Roger De Vlaeminck, dernier auteur du doublé Ronde-Roubaix, 26 ans plus tôt.
Deux fils bons coureurs
Aujourd’hui, les deux fils de Van Petegem, après avoir joué au foot, sont désormais de bons coureurs. L’aîné, Axandre, évolue dans l’équipe U23 de Jumbo-Visma depuis un an. Le cadet, Maurits, vient de passer chez les espoirs, il roule depuis le 1er janvier dans la formation développement de Bingoal Pauwels Sauces WB. Ce qui occupe bien les week-ends de ce supporter d’Anderlecht, grand fan de football.