Coupe du monde de basket - Valéry Demory : « En Belgique, je suis comme à la maison »
Coach des Belgian Cats depuis l’automne, le Français Valéry Demory a débarqué chez nous avec l’étiquette d’un coach à succès.
Publié le 21-09-2022 à 06h00
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Autour du banc des Belgian Cats, le français est devenu la langue véhiculaire depuis novembre dernier. Successeur de Philip Mestdagh à la tête de notre équipe nationale, Valéry Demory (59 ans) a franchi la frontière franco-belge à l’automne nanti d’un épais CV (trois titres de champion et quatre Coupes conquis dans l’Hexagone) qui l’étiquette comme un "coach à succès", capable de conquérir médailles et trophées avec une génération qui peut nourrir cette légitime ambition.
À l’ombre de la terrasse de l’hôtel courtraisien où les Cats avaient installé leur camp de base avant de mettre le cap sur l’Australie, le Nordiste a pris le temps de préfacer une Coupe du monde qu’il a préparée avec minutie.
Valéry, vous vous apprêtez à aborder votre premier grand tournoi à la tête des Cats. Comment se déroulent votre intégration et votre prise en main de ce collectif ?
Le premier rassemblement a été un peu compliqué en novembre car je n’avais alors eu que deux jours en amont de la rencontre face à la Bosnie (défaite 87-81) pour tenter de faire passer mes idées et déjà essayer de les mettre en application sur le terrain. C’est bien trop court… Mais dès février, les choses se sont faites de manière très naturelle. Dans un sens comme dans l’autre, nous avons appris à nous connaître, à nous apprivoiser et à travailler ensemble. J’ai tout de suite senti beaucoup de bonne volonté dans le clan des joueurs pour que la collaboration se déroule bien. Chacun est finalement resté fidèle à lui-même et l’alchimie s’opère de manière assez évidente.
Avez-vous le sentiment de posséder une vision du basket très différente de celle de votre prédécesseur Philip Mestdagh ?
Nous sommes indiscutablement différents. Je suis sans doute davantage porté vers l’importance de l’agressivité défensive alors que Philip était plus guidé par le jeu offensif. C’est du moins le sentiment que j’ai car je ne connaissais finalement qu’assez peu cette équipe avant mon entrée en fonction. J’aime aussi qu’on se projette très vite vers l’avant, j’aime mettre de la vitesse dans le jeu de mes équipes. Et puis surtout, le plus important, c’est que mes joueuses se sentent épanouies dans le système et la vision que je leur propose.
Avec un changement de coach et le départ de plusieurs joueuses cadres, les Cats semblent aborder un virage important dans l’histoire de cette équipe. Quel est, à vos yeux, le principal défi qui leur fait face ?
Il est assez simple. À titre personnel, je souhaite pouvoir imposer ma griffe sur cette équipe alors que notre ambition collective est de demeurer dans le peloton des meilleures nations du monde au moins jusqu’aux Jeux olympiques de Paris en 2024.
Vous avez la réputation d’incarner un coach bâtisseur, qui aime construire. Cela signifie-t-il que votre regard et vos priorités sont tournés vers le moyen terme plutôt que cette Coupe du monde australienne ?
Non car la mise en place se déroule bien. Le seul regret que je nourris est de ne pas avoir pu disposer, durant la préparation à cette Coupe du monde, d’Emma Meesseman et de Julie Allemand (NDLR : engagées dans les play-off WNBA). J’ai toutefois travaillé durant trois saisons avec Julie à Lyon et je ne me fais pas de réel souci pour Emma qui est l’une des meilleures joueuses du monde et s’adapte très facilement. Elle a un QI basket absolument hors norme car elle comprend tout immédiatement. En dehors de son intelligence sur et en dehors du terrain, c’est aussi une leader qui fédère sans pour autant tirer la couverture à elle. Et puis quelle belle joueuse de basket elle est !
Quel objectif vous apparaît légitime pour cette Coupe du monde ?
Le minimum, c’est très clairement d’atteindre les quarts de finale. Après, dans un tournoi de ce format, on sait que ce stade de la compétition est déterminant. C’est souvent l’élément déclencheur de tout un tournoi… Au-delà de ces quarts de finale, on ne se fixe pas de limite si ce n’est la médaille d’or puisque les États-Unis apparaissent toujours comme hors de portée. S’il y a une opportunité d’aller chercher une médaille, on ne va très clairement pas la laisser filer ! Je sais qu’on fixe peut-être la barre très haut mais les grandes compétitions, c’est souvent une histoire d’occasions qu’il ne faut pas manquer quand elles se présentent.
Percevez-vous une forme de pression dans les attentes que suscite cette équipe ? Les Cats ont déjà connu plusieurs très belles campagnes et la fédération belge est très clairement venue vous chercher car elle souhaitait embaucher un coach capable de ramener des titres…
Oui, mais la pression est toujours synonyme d’ambition, donc cela ne me dérange pas (sourire)… C’est à nous, derrière, à savoir la gérer.
Vous êtes toujours entraîneur en club à Montpellier. La manière de travailler avec une sélection est forcément différente. Appréciez-vous ce nouveau mode de fonctionnement ?
Oui car c’est très clairement quelque chose que je voulais tenter, même si c’est réellement énergivore. J’avais envie de prendre en main une équipe nationale. L’opportunité ne s’était jamais présentée en France pour la bonne et simple raison que des dirigeants sont amenés à opérer des choix que je respecte. Dès lors, quand la Belgique a sonné à ma porte, j’ai très vite ouvert celle-ci.
Vous êtes-vous déjà projeté sur un hypothétique duel face à la France lors de cette Coupe du monde ?
Oui, très clairement. Il ne s’agira clairement pas d’un match comme un autre s’il devait avoir lieu (NDLR : les deux équipes ne sont pas versées dans la même poule). Mais je suis un chien, moi, vous savez (rires)… Et s’il faut aller au combat contre la France, je vous assure que j’y mettrai toute ma force et mon énergie. Ce sera d’autant plus facile que je n’ai pas l’impression d’entraîner une équipe étrangère, car je suis chez moi en Belgique. Je suis né à Denain, à 20 kilomètres d’une frontière que j’ai traversée des milliers de fois depuis mon plus jeune âge. Enfant, je venais jouer des tournois à Charleroi et mettais souvent le cap sur La Panne quand nous étions en vacances. Adolescent, je sortais en boîte de nuit chez vous. J’ai vraiment le sentiment d’être à la maison, vous savez. Les Belges, ce sont les cousins des Nordistes, ce n’est pas un cliché. Ce sont tout simplement des bonnes personnes, ouvertes, tolérantes, travailleuses. Et aussi un peu épicuriennes (rires)… Le mariage est naturel.
Quel élément a, à vos yeux, jusqu’ici fait défaut à cette équipe pour décrocher de plus grands résultats encore ?
La rigueur défensive. C’est cela qui vous permet de gagner des matchs quand vous n’êtes pas bon sur le plan offensif. Et même avec des super joueuses, cela arrive parfois… Il faut aussi ouvrir un peu plus l’équipe pour ne pas faire une campagne entière avec six ou sept filles seulement. L’épuisement joue clairement un rôle clé. C’est pour cela que j’ai voulu rajeunir l’équipe.