"Quand c’est très raide, Remco a encore des problèmes"
Pour Patrick Lefevere, Remco Evenepoel doit progresser dans les montées très pentues.
- Publié le 07-02-2022 à 07h21
Manager de la formation Quick-Step Alpha Vinyl, Patrick Lefevere (médaillon), a apprécié ce qu'il a vu au Tour de Valence. "Deuxième, avec le maillot blanc, derrière un gars comme Vlasov, ce n'est pas mal", dit-il. Mais il a aussi eu la confirmation que Remco Evenepoel n'est pas encore en mesure de lutter avec les purs grimpeurs sur les pentes les plus ardues. C'est ce qu'il nous a expliqué, samedi, au départ de l'avant-dernière étape, avant de prendre la direction du Tour de la Provence (10-13 février).
Patrick, que pensez-vous de la deuxième place finale de Remco Evenepoel?
Il n’a vraiment pas à rougir de sa performance. On a tendance à oublier que Vlasov a déjà un sacré palmarès. Il a gagné le Baby Giro, s’est classé deuxième de Paris-Nice et quatrième du Tour d’Italie. Ce n’est pas n’importe qui. À 25 ans, il est peut-être dans la meilleure forme de sa carrière. Qui sait s’il ne sera pas en mesure de lutter pour une place sur le podium au Tour de France?
Que retenez-vous de l’étape reine de cette épreuve?
Que l’équipe a été très forte. Nous n’avons pas de pur grimpeur mais nous avons fait tout le travail derrière les échappés. Seuls. À la fin, Remco s’est retrouvé tout seul mais ça a été le cas aussi de tous les autres leaders. Ce que j’ai constaté également, c’est que Remco n’est pas encore taillé pour des pentes aussi raides. On a vu la différence avec Vlasov, qui est un vrai grimpeur. Quand c’est très raide, Remco a encore des problèmes. Mais je suis très content du grand numéro qu’il a signé le premier jour.
Donc, on ne sait pas encore quel est son potentiel en très haute montagne?
Il est encore en train de se chercher. Mais c’est normal, il n’a que 22 ans et est venu au vélo il y a quelques années seulement. Il deviendra peut-être un très bon grimpeur mais ce n’est pas encore le cas. Cela ne m’inquiète pas car certains jouent les premiers rôles dans les grands tours sans être des purs grimpeurs. Remco a besoin de compétition. N’oubliez pas qu’il était quand même encore deuxième à 500 mètres de l’arrivée (NDLR : de l’étape de vendredi). Avec les années et de la compétition, cela ira mieux, j’en suis sûr.
Vendredi soir, il a critiqué le passage sur le chemin empierré. Qu’en pensez-vous?
Je n’en suis pas fan non plus. Ou bien tu fais une course de mountainbike dans les graviers ou tu fais une course sur route mais pas les deux comme ça, sous prétexte que c’est spectaculaire. Les organisateurs sont dans la surenchère à ce niveau-là. Il faut revenir à un peu de sagesse.
Le dénivelé de cette étape était très élevé. N’était-ce pas trop en tout début de saison?
Ça, je ne dirais pas. Mais c’est sûr que ce n’était pas facile. J’avais la chance d’être dans la voiture qui suivait Remco en fin de course et il emmenait un braquet 34x30. C’est dire comme c’était pentu.
Remco dit que le premier rendez-vous important, pour lui, cette saison, ce sera le Tour d’Algarve…
(Il coupe). S’il le dit, je ne dois même pas répondre (rires). Je me répète : deuxième du Tour de Valence derrière ce coureur ne constitue pas du tout un mauvais résultat. Et n’oublions pas qu’il finit avec le maillot blanc de meilleur jeune. Ce n’est pas négligeable.
Que doit-il améliorer dans l’optique de la Vuelta?
Il doit beaucoup rouler en compétition. S’il n’a aucun pépin, ce sera le cas car son programme est chargé. C’est bien. Cela dit, en étant objectif, le Giro et surtout la Vuelta comportent des arrivées comme celle de vendredi (NDLR : avec des pourcentages proches des 20 % ou sur des sentiers). Le Tour de France en comptera beaucoup moins. Il y a la Planche des Belles Filles, certes. Mais, en général, les cols sont moins raides au Tour.
À vous entendre, le Tour de France conviendrait mieux à Remco que la Vuelta…
Peut-être, mais on a fait le choix du Tour d’Espagne pour cette année. C’est idéal pour sa progression. Il va beaucoup apprendre.
Vous estimez qu’il est devenu un homme.
Disons qu’il a un peu changé mentalement et physiquement. Pour la première fois de sa vie, il a pris un peu de repos (sic). Il a donné à son corps le temps de récupérer de tout ce qu’il avait encaissé pendant des longs mois. Il a déjà fait tellement de choses. Compter vingt-trois victoires à 22 ans, il faut le faire. Il en gagnera d’autres. D’ailleurs, je suis convaincu qu’il peut aussi remporter des courses d’un jour. On ne sait pas nous-mêmes de quoi il est vraiment capable mais je pense qu’avec Julian (Alaphilippe), ils peuvent faire quelque chose de bien sur les Ardennaises.
Vous y serez confrontés à un problème de luxe.
Je suis habitué à ce genre de situation. Et ce n’est pas un problème. C’est mieux d’avoir plusieurs atouts parce que si tu mises tout sur un leader, tu n’es pas bien, tu dois improviser. Nous, on a l’habitude d’avoir plusieurs leaders. J’ose même dire qu’on ne sait presque pas courir autrement.