Ysaline Bonaventure: « J’ai perdu 8 kg et réalisé la chance que j’ai d’être joueuse »
Ysaline Bonaventure espère frapper fort en 2022. La Stavelotaine a remporté le tournoi ITF de Bendigo (60 000$) en Australie.
- Publié le 11-01-2022 à 06h00
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Ce week-end, Ysaline Bonaventure a remporté son premier tournoi de l’année 2022. L’ITF de Bendigo ne correspond pas à son réel niveau de jeu, mais à la réalité du classement pour le moment. La Stavelotaine de 27 ans, qui a amassé les infortunes depuis 15 mois, est retombée à la 235e place mondiale. En septembre 2020, elle était victime d’une entorse du genou à la suite d’une glissade sur un sol humide à Roland-Garros. En novembre, Germain Gigounon l’abandonnait pour rejoindre le clan Goffin. Victime du Covid, de quelques blessures et du départ fortuit de son entraîneur Arthur De Greef, Ysa en a bavé au point de mettre un terme au calvaire en septembre dernier. Là, tout a changé. Elle a appuyé sur le bouton reset pour repartir sur de nouvelles bases. Des bases saines, solides et positives.
Aidée par son nouvel entraîneur, qui est une vieille connaissance, Ysaline Bonaventure s’est appuyée sur Paul Monteban pour remettre de l’ordre autour d’elle. À la fin du mois de septembre, elle a repris le chemin du travail foncier. Elle s’est attaquée à sa priorité absolue: le physique.
"Je me sens super bien", insiste-t-elle avec une voix qui ne trahit pas son bonheur actuel. "Ma préparation s'est très bien déroulée. Elle a été longue. De septembre à décembre, j'ai bossé comme une malade pour me remettre sur les bons rails", explique-t-elle.
En septembre, elle avait le sentiment que son corps et son jeu n'étaient plus en phase. Elle avait besoin de repartir de presque zéro. Sorties de running, fitness, musculation et travail avec raquette ont rythmé ses semaines pendant que le circuit proposait ses derniers tournois de la saison. Avec son staff, elle a repris le chemin de l'ombre pour mieux rebondir. Ysa a perdu beaucoup de poids. "J'ai perdu 8 kg. J'aimerais encore en perdre 6."
Le poids a toujours été une bataille pour la sportive professionnelle. "Pendant le confinement, j'avais atteint un bon poids de forme. Quand les problèmes se sont enchaînés il y a un peu plus d'un an, je me suis réfugiée dans la bouffe. J'ai tout repris. Pour la première fois de ma vie, je me suis retrouvée essoufflée en septembre 2021 après un set. J'ai compris qu'il me fallait agir."
Avec son préparateur physique, Alexandre Blairvacq, elle a donc pris le taureau par les cornes. Le trio Bonaventure-Monteban-Blairvacq a concocté un programme lourd. Après avoir travaillé durant des mois en Belgique, elle a été aperçue du côté de l'Alpe d'Huez pour finaliser son retour au premier plan. "J'ai rejoint les mecs de la fédération (Onclin, Herman, Collignon et Katz), ce qui m'a permis de sortir d'une certaine routine. Comme le stage Hope and Spirit à Abu Dhabi avait été annulé, j'ai demandé à la fédération si je pouvais les accompagner. Dans les montagnes, je me suis mise dans le dur mentalement et physiquement."
Après 12 semaines de dur labeur, elle avait un large sourire en montant dans l'avion en direction de l'Australie le 27 décembre. "J'avais le sentiment que j'avais fait tout ce que je pouvais pour bien démarrer la saison."
«Je me sens bien mentalement»
À cause de son classement, elle n'a pu intégrer un tableau WTA. Qu'importe. La joueuse de Fed Cup avait surtout besoin d'enchaîner des matchs. Bendigo, qui se situe à 1 h 30 de Melbourne, se révèle un nouveau choix payant. Même si ses adversaires n'offrent pas une opposition redoutable, elle confirme qu'elle a retrouvé l'ADN de son jeu. Un jeu qui peut enfin s'exprimer car elle a retrouvé la confiance. "Je respecte toutes mes adversaires car elles ont le même classement que moi. Cette semaine me donne de la confiance. Je peux mettre en place ce que j'ai bossé durant des mois."
Ce retour en forme est d’autant plus précieux qu’elle a de nombreux points à défendre en début d’année.
Objectif zéro blessure en 2022
Avec son coach, elle a pris le temps de définir les objectifs de 2022. Avec Ysa, si la tête est à l'endroit, tout ne peut que bien se passer. Elle le sait mieux que quiconque. "Là, je me sens bien mentalement. Je suis heureuse d'être en tournoi, ce qui n'a pas toujours été le cas par le passé."
Elle ne pourra jamais mettre la pression à la poubelle. L'athlète de haut niveau doit utiliser ce stress pour le transformer en énergie positive. C'est là que son nouvel entraîneur s'est révélé un maître en la matière. "Paul est super positif, commence-t-elle. Il essaye toujours de trouver le positif dans toutes les situations. Avec lui, tout se passe toujours bien. Il m'aide à relativiser beaucoup plus. Grâce à lui, je réalise mieux que ma vie est sympa. J'ai de la chance. Il ne sert à rien de me plaindre."
Avec un corps fit and well et un esprit serein, elle est en mesure de pulvériser son meilleur classement (109e en juillet 2019). " Je ne vais pas trop regarder les points et mon classement car je dois d'abord défendre beaucoup de points. Je veux surtout vivre une année pleine, constante et sans blessure. Aujourd'hui, mon attitude est bonne. Je ne veux pas jouer aux montagnes russes comme chaque saison."
Le grand retour à une vie normale
Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, elle a retrouvé une certaine fraîcheur mentale du côté de l’Australie. Joueuse vaccinée, elle a retrouvé une forme de liberté que la pandémie avait mise sur pause ces deux dernières saisons.
"En Australie, si tu es vaccinée, tu fais ce que tu veux. Tu passes juste un test PCR et un isolement de 14 heures à ton arrivée en attendant le résultat. Le 7e jour, tu passes un test antigénique. Pour le reste? Tu es libre. Nous pouvons aller au restaurant, au cinéma… L’an passé, personne n’était encore vacciné, ce qui rendait tout plus compliqué. Nous pouvions sortir de notre chambre durant 3 heures par jour. En 2022, tout est différent. Nous sommes toutes logées dans le plus bel hôtel de Melbourne. Nos chambres sont payées. Nous sentons que Tennis Australia a consenti à de gros efforts pour attirer un maximum de joueuses."
Ce retour à une vie normale fait du bien à un circuit qui a souffert comme l'ensemble de la planète. Même si elle doit encore montrer son pass sanitaire, ou porter un masque durant les 24 heures de vol, ou encore passer certains tests, Ysaline Bonaventure ne cache pas son bonheur devant ce retour à une vie normale. "Pour la première fois depuis longtemps, je retrouve une vie comme avant."
«Personne n’est au-dessus de la loi»
En revanche, les quelques joueurs qui ont refusé le vaccin traversent une situation infernale en Australie. La saga Djokovic illustre le clivage entre deux visions de la situation. "J'ignore le nombre de jours que les Australiens ont passés en quarantaine. Durant un an et demi, certains n'ont pas pu voir leurs proches à cause d'un confinement très sévère. Alors, je les comprends aujourd'hui. Les Australiens ont fixé des règles pour rentrer dans leur pays. Il convient à chacun de s'y soumettre. Si tu les refuses, tu ne rentres pas. C'est aussi simple que cela."
Elle ne rentre pas dans le jugement de l'autre. D'ailleurs, Ysa ne prononcera jamais le nom de Novak Djokovic. Elle refuse aussi d'alimenter le débat sur la vaccination. "Moi, j'ai accepté le vaccin car je voulais pouvoir voyager partout pour mon travail. Quand je suis née, j'ai reçu comme tout le monde des vaccins. Mes parents ne se sont jamais posé mille questions. L'ATP et la WTA ont fourni toutes les informations pour se rendre sur les tournois. Nous nous plions aux règles. Ce n'est pas parce que tu t'appelles un tel ou un tel que tu peux imposer ta loi."
«Un niveau qui a stagné à la WTA»
La pandémie n’a pas encore dit son dernier mot. La bataille continue aux quatre coins de la planète. Avec un peu de recul, la Stavelotaine a remarqué que le Covid avait eu un impact sur le niveau de jeu des filles du circuit.
"Le niveau a un peu stagné. Tout le monde peut battre tout le monde. Barty sort peut-être du lot. J’estime que les filles sont plus fortes sur un plan physique. Je vois encore une différence avec les messieurs au niveau de la gestion des émotions. Une femme est plus instable qu’un homme sur ce plan."
Elle ne voit pas la nécessité d'avoir une patronne qui remporte la plupart des tournois sur une saison comme le Big Three. "Moi, je vois plutôt l'histoire sous un autre angle. Les filles sont encouragées car elles savent qu'elles peuvent gagner de grands matchs et pourquoi pas un Grand Chelem. En dix ans, le circuit a beaucoup progressé sur l'aspect physique. Toutes les joueuses sont puissantes."
Avec son caractère bien trempé, Ysa ne s'identifie pas à une autre fille du circuit. "Je déteste copier quelqu'un car je suis moi. Juste moi", conclut celle qui tenait à remercier Hope and Spirit. "Daniel m'a toujours soutenue. Il m'aide encore alors que mon classement a plongé. Hope and Spirit est une véritable famille qui est toujours là pour booster tous ses membres. J'ai beaucoup de chance."