«Je ne suis qu’un enfant de Slovénie»
Pogacar a eu le mérite de croire au succès final jusqu’au bout, délogeant son ami de la plus haute marche du podium.
Publié le 21-09-2020 à 07h27
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Auteur de l’un des plus grands chefs-d’œuvre de l’histoire du sport, Tadej Pogacar, resté relativement placide lorsqu’il s’est présenté face aux médias, ne semblait pas réaliser l’exploit qu’il venait de réussir, samedi, en Franche-Comté.
Avec le retard que vous possédiez avant le chrono, imaginiez-vous un instant renverser la situation?
Non, je vous avoue que c’est une sensation incroyable. Jamais, je n’avais imaginé ce scénario. Avant de prendre le départ du contre-la-montre, j’étais satisfait avec ma deuxième place au classement général. J’ai connu une journée exceptionnelle lors du chrono. Je ne parviens pas à réaliser ce que j’ai fait, je suis tellement heureux. Remporter la plus grande course du monde a quelque chose de sensationnel. Toute l’équipe a cru en moi, cela m’a donné la force de me battre.
Vous avez réalisé une prestation époustouflante lors du chrono. Vous sembliez dans la journée de votre vie…
Je suis toujours nerveux au départ d’un contre-la-montre. Pour la simple et bonne raison que je n’aime pas ce genre d’épreuve, je dois me battre contre moi-même. Déloger Primoz de la première marche du podium me semblait tellement impensable étant donné sa forme durant ce Tour. Du début à la fin, je n’ai pas calculé mes efforts, j’ai tout donné, cela a payé. Le parcours n’avait aucun secret pour moi. Je savais exactement à quel endroit il fallait relancer et lorsqu’il était important de récupérer pour ne pas se mettre dans le rouge.
Est-ce que votre victoire aux championnats de Slovénie du chrono vous a donné un avantage psychologique par rapport à Roglic?
Même si le parcours était différent, c’était en effet important pour moi d’avoir une référence. De là à imaginer un tel écart… Sincèrement, je me disais que si j’étais dans un bon jour, je serais dans les mêmes temps que Primoz. Lui a connu un jour sans, de mon côté, j’ai connu une journée exceptionnelle.
On pensait pourtant que le col de la Loze avait mis fin à vos espoirs et que le Tour était fini…
Durant tout le Tour, j'étais dans une bonne forme et n'ai pas eu de véritable coup de mou. Dans la Loze, deux hommes (NDLR: Miguel Angle Lopez et Primoz Roglic) étaient plus forts que moi tout simplement. Croyez-moi, lors de cette dix-septième étape, j'ai donné le maximum mais l'altitude et les pentes extrêmement raides en fin de parcours m'ont mis en grande difficulté. Après cette étape durant laquelle j'ai perdu du temps, j'ai gardé confiance en moi et je suis resté calme, serein.
Une image n’est pas passée inaperçue jeudi entre Méribel et La Roche-sur-Foron. En fin d’étape, Roglic vous a mis la main sur le dos et vous a parlé. Que vous êtes-vous dit?
Il m’a dit que la course était finie, qu’il fallait désormais survivre au chrono pour que la Slovénie ait deux représentants au sommet. Finalement, la course n’était pas finie avec le scénario que tout le monde connaît. Je ne comprends toujours pas ce qu’il s’est passé, mon but était simplement de consolider ma deuxième place. Primoz était le meilleur coureur du Tour et possédait sans hésitation la meilleure équipe. J’ai un respect éternel pour lui, c’est un vrai ami. Même si je me dois de savourer, j’ai de la peine pour lui et c’est sincère. J’imagine la tristesse et la déception qu’il doit ressentir. C’est la course, on essaie tous de gagner.
Comme à la Vuelta en 2019, vous avez terminé en boulet de canon. Ce n’est plus un hasard, n’est-ce pas?
C’est en effet très probable. J’ai disputé deux grands Tours et j’ai toujours eu d’excellentes sensations en fin de course. On dirait que mes capacités de récupération du point de vue génétique sont vraiment remarquables. J’imagine que je dois cela à mes parents, merci à eux (rires).
Comme beaucoup d’enfants, vous avez découvert le Tour à la télévision. Quels étaient ou quels sont vos premiers souvenirs?
J’ai commencé à regarder le Tour vers 2009 ou 2010, je ne sais plus trop. À l’époque, je ne comprenais pas tout, à vrai dire. Je vibrais devant Alberto Contador et Frank Schleck. C’était fantastique de voir ces deux coureurs se battre pour la victoire. Aujourd’hui, c’est moi qui suis dans cette position. Je suis comblé d’être en jaune.
Désormais, vous n’êtes plus le «petit Pogi», votre vie va être bouleversée. En avez-vous conscience?
Les choses vont changer c’est évident mais je veux rester le même, m’entraîner et continuer à courir avec le même état d’esprit. Il est primordial de rester humble et donner le meilleur de soi-même. Je suis toujours un enfant de Slovénie. et continuer à donner le meilleur de nous-mêmes dans les prochaines courses. Je suis juste un gamin de Slovénie qui aime s’amuser et profiter de la vie.