Fin des bonus sur les sites de paris en ligne: protéger les joueurs mais favoriser le secteur illégal?
Bonus à l’inscription, bonus de dépôt et freebets: c’est désormais de l’histoire ancienne en Belgique. Un bon signe pour la protection des joueurs mais également un risque de voir les parieurs se diriger vers l’offre «illégale».
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Publié le 05-03-2020 à 16h00
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Le milieu des paris sportifs et casinos en ligne a vécu un chamboulement le 1er mars dernier. Les sites de jeux en ligne ne sont désormais plus autorisés à offrir des bonus à leurs clients, tels que dix euros de jeu gratuit ou le doublement d’un premier dépôt pour l’ouverture d’un compte.
Sur des sites comme Circus, Unibet ou encore Ladbrokes, les mentions concernant les bonus ont donc disparu et certains liens sont inaccessibles. «Notre département informatique a dû bosser 24h sur 24 pour modifier la plateforme et supprimer les mentions aux différents types de bonus proposés sur le site», explique Emmanuel Mewissen, CEO d’Ardent Group (Circus).
C’est la société ixelloise Fremoluc qui a mis le feu aux poudres. Les établissements horeca étant interdits de proposer des jeux gratuits ou toute autre forme de bonus, cet opérateur de salles de jeux physiques estimait qu’il était question de «concurrence déloyale». L’entreprise a donc saisi le Conseil d’État, qui a étendu l’interdiction des bonus aux opérateurs en ligne dès dimanche dernier.
Le problème des bonus, c’est qu’ils font croire aux gens qu’ils jouent gratuitement. C’est illusoire.
Un jugement avalisé par la Commission des jeux de hasard, organisme notamment chargé de l'encadrement des joueurs. «Le problème des bonus, c'est qu'ils font croire aux gens qu'ils jouent gratuitement. C'est illusoire car il faut avoir déposé de l'argent au préalable pour gagner sur base des bonus. En outre, ceux-ci constituent un incitant à la multiplication des comptes. Des joueurs en créaient plusieurs avec des noms factices pour bénéficier de nombreux bonus à l'inscription», détaille la Commission.
Cette mesure ravit également l’asbl Le Pélican, qui vient en aide aux personnes dépendantes aux jeux de hasard. Celle-ci reçoit chaque jour des joueurs et des parieurs qui ont perdu le contrôle. «Les bonus sont des incitants. Et pour les convertir en argent réel, il faut parfois jouer deux ou trois fois plus que le montant de base. Cela entraîne une augmentation du risque de perte de contrôle. Cette interdiction est donc un bon signe», affirme le psychologue François Mertens.
Une mesure qui tranche avec les pratiques à l’étranger
A contrario, cette interdiction est un coup dur pour Circus, qui basait une grande partie de sa stratégie autour des bonus. Forcé de prendre acte de la décision du Conseil d’État, l’opérateur pointe néanmoins un risque. «Avec la rupture digitale, on n’est plus limité à une concurrence locale mais planétaire. Cette décision impacte les commerçants belges mais pas les étrangers. Cela va favoriser le secteur illégal», ajoute-t-il.
Des tas d’opérateurs étrangers sans licence belge sont considérés comme illégaux. Mais qui va empêcher à un joueur d’accéder à leur site internet?
L’interdiction des bonus pourrait donc pousser les parieurs et joueurs belges à se diriger vers des sites de paris étrangers, où les règles sont plus souples et où les bonus peuvent atteindre 5000 dollars. «En Angleterre, il existe des tas d’opérateurs de jeux en ligne ultra-compétitifs qui sponsorisent parfois des équipes de football de haut niveau. Ils ne possèdent pas de licence en Belgique et sont donc considérés comme illégaux chez nous. Mais qui va empêcher à un joueur d’accéder à un site internet? C’est utopique!», s’interroge Emmanuel Mewissen, qui s’attend à une baisse des inscriptions chez Circus suite à cette mesure.
En Belgique, les règles interdisent par exemple aux jeunes de moins de 21 ans de miser de l’argent dans les casinos et sites de jeux en ligne. Ce qui n’est pas le cas de pays comme les Pays-Bas ou la France. «Si on affaiblit l’offre légale, cela va renforcer l’offre extérieure. Il serait temps de mettre tous les acteurs autour de la table pour protéger les joueurs et impliquer le secteur médical et scientifique pour les problèmes d’addiction, tout en et renforçant le secteur légal», lance le boss de Circus.
Sur la question de la régulation des joueurs, le centre d’aide contre les addictions Le Pélican tient à apporter une nuance. «Il est vrai que certains joueurs risquent d’aller jouer ailleurs. Mais sous couvert de cet argument, on fait de plus en plus de pubs pour attirer les joueurs. Le risque de ce matraquage publicitaire est de rendre le jeu banal», prévient François Mertens.