INTERVIEW | Duke Tshomba préface la saison NBA: «C’est aux Clippers de perdre le titre cette année!»
En prélude de la saison nouvelle qui débute mardi soir, nous avons rencontré Duke Tshomba, le plus belge des «insider» de la NBA.
Publié le 18-10-2019 à 17h46
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La saison dernière, la plupart des observateurs avaient focalisé leur attention sur le duel très attendu à l’Ouest entre les Warriors en route pour le «threepeat» et des Lakers revigorés par l’arrivée de la superstar LeBron James. Pourtant, le Belge Duke Tshomba avait pointé les Raptors de Toronto comme l’équipe sans doute à suivre avec un Kawhi Leonard revanchard qui aurait certainement un rôle majeur à jouer.
Huit mois plus tard, les prédictions du plus belges des «insider» de la NBA se révélaient incroyablement pertinentes avec un titre enlevé de haute lutte par la franchise canadienne et une saison en tout point remarquable de son numéro 2, Kawhi Leonard!
À l’aube d’une nouvelle saison qui s’annonce épique à plus d’un titre, Duke Tshomba revient nous livrer ses pronostics et, surtout, son point de vue éclairé sur une intersaison qui a bouleversé la Ligue en redistribuant les cartes comme jamais ces dernières années.
«Personne ne parle d’eux, pourtant...»
Duke, après avoir misé sur Toronto avec la réussite que l’on connaît la saison dernière, pensez-vous que les Raptors sont capables de faire le toujours très compliqué «back-to-back»?

«Ça va être difficile. Sur papier… Mais c’est justement la beauté du sport: c’est que ça ne se gagne pas sur le papier. Et puis, ce que les gens ont tendance à oublier, c’est qu’il ne faut jamais sous-estimer la force d’un champion. C’est vrai que, sans la poisse qui a touché les Warriors, Toronto n’aurait peut-être pas été champion. Et ils ont perdu Kawhi Leonard (NDLR: pour rappel, free agent, il a signé aux Clippers) durant l’été. Mais ils ont actuellement une grosse confiance grâce au travail qu’il y a eu derrière ce titre. Du reste, ils n’ont certainement peur de personne à l’Est: ils ont quand même explosé les faiblesses de tous leurs adversaires en play-off. De plus, cela fait plusieurs saisons qu’ils sont au rendez-vous: ils ont montré beaucoup de constance. S’il n’y avait eu LeBron James (NDLR: avec les Cavs de Cleveland) pour leur barrer la route, ils auraient déjà disputé au moins une autre finale. Je pense que Toronto a toutes les armes pour rester cohérents en haut du tableau. Après, on sait bien que la NBA de l’automne n’a plus rien à voir avec celle du printemps.»
C’est vrai que les play-off sonnent de plus en plus comme le coup d’envoi d’une saison dans la saison. On remarque d’ailleurs que de plus en plus de joueurs sont échangés autour du All Star week-end et que les franchises qui prennent part aux play-off sont ainsi capables de modifier leur roster en profondeur. Et on se retrouve aujourd’hui avec des stars de la ligue un peu partout, y compris dans des «petits marchés».
«Il y a en effet aujourd’hui cette tendance auprès de certaines pointures de la ligue d’être égoïste, lesquels ont désormais tendance parfois à réclamer un trade pour des contrées plus “exotiques”. Et puis concernant les petits marchés, si tu as dix millions en poche, que tu sois finalement au fin fond de Marcinelle ou dans un petit village au Sénégal, tu sais que tu vivras bien… En fait, ceci est dû à l’un des avantages de la NBA: le principe du contrat garanti. Une fois ton contrat signé, tu sais que tu toucheras l’argent et il ne te reste plus qu’à bosser pour t’améliorer et devenir le meilleur. Car en NBA, pour gagner, il faut de la constance. C’est pour ça que les Raptors sont là depuis trois ans. Et c’est à l’inverse le problème des Lakers, par exemple.»
Si tu as dix millions en poche, que tu sois finalement au fin fond de Marcinelle ou dans un petit village au Sénégal, tu sais que tu vivras bien!
«Les superstars sont attirées par les “big markets” comme Los Angeles, New York, Miami… Dans le “sub tier”, l’objectif est de gagner, alors tu bosses avec des gars d’expérience qui viennent encadrer tes jeunes talents. Regarde ce que fait Milwaukee, par exemple. Ou ce qu’a fait Golden State. Au départ, personne ne misait sur Steph Curry. Mais les Warriors l’ont bien entouré pour lui permettre de grandir et devenir la star qu’il est aujourd’hui. C’est ça l’objectif et la réussite des équipes de seconde zone: ils créent une constance à laquelle ils tentent d’apporter un plus qui leur permettra de franchir un palier. Chez les Lakers, ils ont fait venir LeBron James, mais il est cramé. Il s’est fait sweeper (NDLR: il s’est fait éliminer avec les Cavs en quatre manches, soit sans en gagner une seule), puis il n’a même pas été en play-off. Comme Kobe, comme Michael Jordan, c’est normal, il vieillit…»
Les trades explosifs ont été nombreux cet été. Et les cartes ne semblent jamais avoir été redistribuées…

«C’est vrai que la NBA, c’est un peu comme la Premier League en foot. Le véritable charme c’est que tu ne sais franchement jamais qui va gagner le championnat avant de le débuter. Parce qu’il y a cette constance redistribution des cartes. Et puis il y a les aléas: si la cohésion prend ou pas, les blessures, etc. Avec son titre, Toronto a finalement redonné confiance au reste de la NBA. Et aux Warriors en premier: si les Raptors peuvent le faire, alors eux aussi peuvent le faire. Le plus important pendant les 82 matches de la saison régulière, c’est te positionner pour les play-off. Ensuite, c’est là que tu dois gagner 16 matches. Tu pars à la guerre. Et pour cela, tu y vas avec des gars en qui tu as confiance. Chez les Warriors, il y a eu un shift dans le vestiaire et Kevin Durant est parti. C’est peut-être le mieux qui pouvait leur arriver. En rejoignant les Lakers, LeBron James s’est positionné comme la star parmi les stars: à Hollywood. Mais ça lui a explosé à la gueule…»
Concernant les Lakers, plus qu’un choix sportif, on a le sentiment que ce sont des choix marketing que prend le management là-bas.

«C’est tout à fait ça. Tu balances ton noyau de jeunes joueurs pour une superstar qui va quoiqu’il arrive rater 15 matches… Les Lakers veulent être provocants pour faire parler d’eux. Ils ont bâti une équipe pour que les médias ne puissent plus attaquer le front office ou LeBron James. Avec Anthony Davis et Danny Green, qui est lui aussi un ancien champion NBA (NDLR: avec les Spurs), tu as des joueurs sur qui la pression peut être également détournée. C’est tout le contraire chez les Clippers: du top manager au préposé aux ballons, ils sont tous responsabilisés. Ils disent tous qu’ils veulent gagner. Kawhi dit qu’il a tout fait pour que Paul George vienne, Doc Rivers dit qu’ils ont tout fait pour contrer les offres d’OKC et Palmer (NDLR: le propriétaire) dit qu’il a tout fait pour bâtir une équipe capable d’être championne. Ils veulent tous gagner. Ils ne se contenteront pas des play-off.»
Chez les Clippers, du top manager au préposé aux ballons, ils sont tous responsabilisés. Ils disent tous qu’ils veulent gagner.
James et Davis aux Lakers, Kawhi et Paul George aux Clippers… On a l’impression que d’une ère de quelques «big 3», on est désormais passé à celle de «duos».
«Au risque de surprendre, un duo qui me met l’eau à la bouche, c’est celui que l’on retrouve dans l’Oregan, chez les Trail Blazers: Damian Lillard et CJ McCollum. Ce dernier a signé son extension et va donc pouvoir jouer libéré. Portland a conservé la même ossature qui a déjà fait ses preuves et personne ne parle d’eux. C’est peut-être l’année ou jamais pour eux… Derrière, j’aime bien l’association entre James Harden et Russel Westbrook à Houston mais je n’y crois pas. Chaque fois que la pression monte, les Rockets se cachent. On l’a vu il y a deux ans: ils menaient 3-1 contre les Warriors et se sont quand même fait remonter. Je vois la chose arriver d’ici: cela ne va pas aller, on va allumer Westbrook, il va péter un câble et c’en sera fini des ambitions de Houston…»
Que penses-tu du phénomène Zion Williamson (premier choix de la draft comparé par certains observateurs à Shaquille O’Neal et LeBron James himself)?

«Les attentes sont ridicules. Partout où il est passé, il a tout éclaté physiquement. Mais en NBA, il va tomber contre des gars qui ont les mêmes propriétés physiques que lui. C’est sûr, ce sera un gars qu’on va revoir abondamment dans les highlights, mais derrière, ce sera plus compliqué. Je le comparerais davantage à Blake Griffin. Techniquement, il va falloir qu’il travaille. Mais il reste un bon atout pour sa franchise (NDLR: New Orleans Pelicans), d’autant qu’il va attirer l’attention médiatique, ce qui permettra à ses coéquipiers d’être plus relaxes. Or, des joueurs comme Lonzo Ball a des choses à prouver, il est revanchard. Mais il n’aura plus la pression qu’il connaissait en Californie: chez les pelicans, tu peux faire un mauvais match et personne n’en parlera, par contre si tu fais un beau match, tout le monde le verra. C’est tout bénéfice pour lui.»

«C’est devenu très politique, trop médiatique. Moi, je verrais bien Damian Lillard. Le meneur de Portland peut vraiment exploser cette saison. Et personne n’en parle… Sinon, Kyrie Irving a quelque chose à jouer. Kevin Durant va être absent toute la saison régulière, il va donc pouvoir s’éclater dans une conférence très ouverte et au sein d’une équipe qui va jouer pour lui. Il a quelque chose à prouver après son échec à Boston. En troisième position, peut-être bien un gars des Sixers. Joel Embiid. Ou Nikola Jokic. Il a été monstrueux l’année passée, mais il est Européen et joue à Denver, donc… Par contre je ne vois pas une superstar. Tu peux pas donner le titre à LeBron James et ne pas le donner à Anthony Davis. Ou tu peux pas le donner à Kawhi et ne pas le donner à Paul George. Et vice-versa…»
Qui peut être la révélation?
Ce n’est pas un rookie, mais attention à Kristaps Porzingis. Il a quelque chose à prouver. Il revient après un an de blessure et il a les crocs. Il a quitté New york par la petite porte, s’est fait agresser chez lui en Lettonie, il cherche un statut de superstar qu’on ne lui a pas encore donné… En plus il va avoir un mentor de fou avec Nowitzki, il va jouer dans une bonne équipe de Dallas et avec un très bon coach (Rick Carlisle)… Il est prêt et il a les crocs, ça va le faire…