La reine Thiam, tête de liste à sa propre succession
Nafissatou Thiam entame la défense de son titre mondial de Londres. Zoom sur les enjeux et les changements opérés depuis deux ans.
Publié le 02-10-2019 à 07h53
C’est donc aujourd’hui que ça commence. Dans un Khalifa Stadium à moitié vide, Nafissatou Thiam va partir à la conquête d’une nouvelle médaille d’or après avoir réussi un incroyable Grand Chelem (JO, Mondiaux et Euro) en trois ans.
Entre sa quête du jour et celle menée à bien il y a vingt-six mois à Londres, beaucoup de choses ont changé autour de la troisième meilleure heptathonienne de tous les temps (7 013 pts), derrière la Suédoise Carolina Klüft (record d’Europe à 7 032 pts) et l’intouchable Américaine Jackie Joyner-Kersee, détentrice du record du monde (7 291 pts) des six heptathlons les plus prolifiques de l’histoire.
Le plaisir retrouvé
Il y a deux ans, Thiam avait dû lutter contre une pression minante. Depuis, le plaisir a repris le dessus, même s’il lui fallut surmonter le triste épisode de l’Euro 2018, où la Ligue royale belge la menaça d’exclusion en plein heptathlon pour une question de mauvais logos. Elle en a terriblement souffert, mais en est ressortie plus forte – encore! – mentalement et semble très sereine.
Les études derrière elle
Si elle paraît plus épanouie que jamais, c'est aussi parce qu'elle a fini ses études en géographie. «Ça va me changer la vie, assure celle qui n'a pas dû prendre ses syllabi avec elle, comme ce fut le cas dans la capitale anglaise. «J'ai adoré ces instants passés sur les bancs de l'unif, mais je suis soulagée parce que mon programme devenait lourd.»
Quatre records malgré deux grosses blessures
Si elle insiste pour dire qu’elle ne se sent pas spécialement dans la forme de sa vie, la Rhisnoise n’en est peut-être pas si loin. En 2019, elle a, en effet, encore amélioré quatre records personnels: sur 200m, au poids, en hauteur et à la longueur. Tout ça alors qu’elle a passé beaucoup plus de temps qu’avant à l’infirmerie.
La faute à une déchirure au mollet, survenue début janvier et qui l’a tenue près de trois mois à l’écart des pistes, et à une blessure au coude en lançant le javelot, fin juin à Talence, alors qu’elle était peut-être en route pour le record d’Europe. Si un (petit) point d’interrogation demeure, c’est justement l’état de son coude. Elle ne se dit pas inquiète outre mesure, mais avoue qu’elle ne sait pas à quel point ce mal lui sera préjudiciable au javelot, épreuve où elle a pour habitude de prendre ses distances pour de bon sur la concurrence avant le 800m final.
Une vraie rivale et un coude à surveiller
En parlant de rivales, elles seront moins nombreuses qu’à Londres. La Lettonne Ikauniece, 4e des JO 2016, la Cubaine Rodriguez et, surtout, l’Allemande Schäfer, première dauphine de Thiam à Londres et 3e de l’Euro 2018, manquent à l’appel. Du coup, tous les regards se tournent, plus que jamais, vers Katarina Johnson-Thompson. La Britannique, cinquième en 2017 mais vice-championne d’Europe l’an dernier, monte en puissance.
En l’absence de Schäfer et d’Ikauniece, KJT est, avec Thiam, la seule des 22 engagées à avoir déjà bouclé un heptathlon à 6 800 points, ou plus. Mais elle ne l’a fait qu’une seule fois, en mai dernier à Götzis (6 813). Notre compatriote a déjà, elle, franchi cette barre des 6 800 unités à cinq reprises. Depuis son sacre olympique, elle n’est même restée qu’une seule fois en dessous. C’était précisément aux Mondiaux de Londres. Mais son total de 6 784 points avait été suffisant pour devancer ses poursuivantes Schäfer et Vetter. La Néerlandaise est ici mais on a envie de dire que si Nafi fait du Thiam, qu’elle passe bien les haies, la première des sept étapes vers la consécration, et que son coude ne la lâche pas, elle a tout en main pour assurer sa propre succession.
Un tout nouvel enjeu
Enfin, elle estime que ça ne change rien pour elle, mais notre compatriote se trouve dans une situation inédite. Pour la première fois, elle va devoir défendre un titre. Mais elle a tout gagné depuis les JO 2016 et sait donc mieux que personne comment gérer ce genre d’événement.