Ville de cyclisme, Binche est-elle cyclable?
Le départ de la 3e étape du Tour de France est une consécration pour Binche, où le cyclisme monte en puissance depuis 10 ans. De quoi inciter les Binchois à rouler à vélo? On en est loin, mais…
Publié le 04-07-2019 à 09h00
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Lundi prochain, Binche connaîtra le plus grand événement cycliste de son histoire, en accueillant pour la première fois le départ d’une étape du Tour de France 2019. C’est une consécration pour une ville qui n’a eu de cesse de progresser dans l’accueil d’événements prestigieux et qui, à chaque course cycliste, claironne qu’elle est la capitale du vélo.
Mais est-ce vrai, en dehors des grands événements sportifs? Dans quelle mesure est-il possible de se déplacer à vélo à Binche sans risquer de mourir en allant acheter du pain?
Commençons par le positif. Binche est à la croisée de trois RAVeL: la ligne 108, récemment achevée, mène à Erquelinnes et La France, la 109a mène à la Sambre et la ligne 422 permet de rejoindre le canal du Centre.
«Pour le tourisme et les loisirs c'est génial», se réjouit Aurélie Draguet. Cette cycliste occasionnelle a créé l'an dernier avec quelques autres cyclistes un groupe local du Gracq à Binche, pour encourager l'utilisation du vélo pour des petits déplacements.
Après le RAVeL, le trou noir
«Par contre, il est vrai, que comme la plupart des villes wallonnes nous avons un déficit clair d’infrastructures cyclables sécurisées. Actuellement, une fois le RaVEL quitté, il est possible de rouler à vélo, mais il n’y a aucun aménagement cycliste, ce qui est un frein à sa pratique quotidienne, surtout pour les jeunes enfants ou les cyclistes moins chevronnés.»
Pour illustrer son propos, le Gracq de Binche s’est livré à un petit exercice: réaliser un inventaire des pistes cyclables, parkings vélos et des points noirs et cartographier le tout. Ce qu’il en ressortait: quelques traits verts correspondant au RAVeL, un peu de bleu, pas mal d’orange, mais aussi beaucoup de points noirs.

«En dehors du contournement, il n'y a que quelques pistes cyclables sur des grands axes, souvent non sécurisées, illustre Aurélie. En ville ou dans la campagne, vers les villages de l'entité, rien n'est fait pour donner un peu de place à la bicyclette et la rendre visible. Toute la place est laissée à la voiture, ce qui rend la pratique du vélo difficile.»
Dialogue
Dans le centre-ville, les membres du Gracq pointent aussi un manque de parking pour les vélos. C'est aussi un frein, que ce soit pour un navetteur ou pour faire ses courses en ville. «Des petits parkings vélos dans la rue de Robiano, à distance régulière, par exemple, permettraient de favoriser le commerce local.»
Installer des râteliers et sensibiliser à la présence potentielle de cyclistes doivent être les deux priorités pour favoriser le retour du vélo, clame le Gracq binchois.
«Nous avons demandé de mettre en place rapidement des marquages au sol et des signalisations claires et nous avons proposé de travailler sur base d'itinéraires «Binche à vélo» à baliser et au minimum à marquer.» Le groupe est d'ailleurs en train de réaliser des fiches d'itinéraire pratiques intra-muros, vers les villages et entre ceux-ci.

Il a également eu l'occasion de s'entretenir avec les autorités communales, à leur invitation. «La réceptivité a été très bonne. La sensibilité de la ville pour le vélo 'sportif'facilite sans doute le dialogue», avance Aurélie Draguet.
Le bourgmestre Laurent Devin confirme. «La mobilité est un enjeu majeur de notre société», clame-t-il, affirmant sentir un vent de changement qu'il n'avait jamais senti auparavant. «Je ressens qu'il y a une génération qui va recommencer à marcher, à se mouvoir de manière douce.»
Le nouveau plan communal de mobilité, présenté lors d'une réunion citoyenne le mois dernier, fait d'ailleurs la part belle «à une autre mobilité». Mais il ne faut pas s'attendre non plus à une révolution à Binche.
Un quatrième RAVeL?
«Il faut cadrer les choses. Binche, c’est la treizième ville de Wallonie, avec en son centre des petites rues pavées qui montent et qui descendent. Mais c’est aussi une ville à la campagne, où il est possible de réaliser de belles choses à vélo, en partant de l’existant.»
Soit le RAVeL, dont la mise en service il y a 10 ans a été «un pas en avant. Cela a redonné le goût de la pratique du vélo à toute une partie de la population.» La commune n'est pas rassasiée et milite pour qu'une quatrième RAVeL voie le jour, «sur l'ancienne desserte de tram qui reliait Leval et Ressaix. Cela connecterait 10 000 personnes au centre-ville de Binche.»
Et à part le RaveL? On y travaille, assure le bourgmestre, citant par exemple l’installation de panneaux B22 permettant aux cyclistes de tourner à droite au feu rouge. Pour chaque nouvel aménagement ou rénovation, c’est promis, on pensera au vélo, tout en gardant à l’esprit qu’il faut composer avec centre-ville médiéval…
Pour en savoir plus, le bourgmestre Laurent Devin nous fixe rendez-vous en septembre pour en savoir plus, avec la présentation du «programme stratégique transversal» (PST), document obligatoire où sont planifiées et priorisées les politiques communales.
Suivre la musique
Il le promet: «nous voulons créer un réseau vélo qui donne envie». Mais cela se fera progressivement. En bon gille, Laurent Devin ne veut pas «danser plus vite que la musique».
Car si les sonnettes de vélo se font un peu mieux entendre, elles sont toujours très loin de couvrir le bruit des moteurs.
«D'un côté, je lis et j'entends les aspirations pour une autre mobilité, mais de l'autre je constate que le moyen de locomotion prioritaire reste la voiture.» Demandez donc aux commerçants de choisir entre des râteliers vélos et des emplacements de parking auto… Un grand projet de la mandature, c'est d'ailleurs la construction d'un parking souterrain de 400 places.
«Notre rôle aux élus, c'est d'accompagner les évolutions de la société vers cette autre mobilité. En douceur, et avec le concours de transports publics performants. » Car le vélo seul ne résoudra pas l'épineux problème de la mobilité, qui touche aussi la treizième ville wallonne.
Le TEC et la SNCB, qui a pris la désagréable habitude de laisser les navetteurs binchois en rade à La Louvière en cas de retard, sont donc aussi priés de revoir leurs ambitions pour qu’un basculement s’opère vraiment.
