À Bruxelles, le marché du vélo sportif est au pied du col
Vêtus de lycra moulant et de chaussettes flashy, ils filent, casquette retroussée, vers les bergs du Pajottenland: les cyclosportifs amateurs reviennent à Bruxelles. Combien sont-ils? Où roulent-ils? Que dépensent-ils? Alors que les vrais pros du Tour de France débarquent, L’Avenir enquête dans cette petite communauté aussi attentive à son look qu’aux automobilistes qui mordent sur leurs pistes cyclables.
Publié le 04-07-2019 à 07h10
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Dans la vitrine, un vélo de contre-la-montre anthracite réplique les montures du team pro AG2R. La selle, à scier les peaux de chamois les plus épaisses, est beaucoup plus haute que le guidon, orné de cette figure de proue où les pros du chrono reposent leurs avant-bras. Valeur: 13.000€. «En Belgique, l'achat d'un tel vélo concerne surtout les triathloniens», précise Félix Cordier, vendeur chez Kring, dans le centre de Bruxelles. De l'autre côté de la vitre, trois passants en bavent d'envie.
La boutique de la rue du Vieux Marché aux Grain est la seule à proposer des bécanes haut de gamme dans le Pentagone. Le spot est connu des gros mollets locaux: il est le point de départ de sorties hebdomadaires avalées plein tube. Entre les tuniques Le Coq Sportif qui décalquent les maillots distinctifs du Tour, les casques profilés ou dérivés du skate et les casquettes flashy à penne relevée, le cyclo peut prendre soin de son look. Kring propose des combinés «short-jersey» à 400€ de Pas Normal Studio, marque danoise haut de gamme. Sur la tringle d’en face, ce sont les Italiens de Castelli qui alignent leurs tissus respirants entre 120 et 170€. Rayon chaussures, on coince ses pieds dans les pédales dès 80€. «Mais on peut monter jusqu’à 450 avec les semelles en carbone plus légères», précise Félix Cordier.

«Le segment est complètement vierge»

«Y a trois ans, y avait rien à Bruxelles: ni pour fédérer, ni pour s’équiper. Aucun magasin spécialisé sport cycliste, c’est problématique», rappelle Boris Terlet, patron de Kring, selon qui «le segment est complètement vierge» dans la capitale. En 2017, Kring introduit donc une dose «sportive» sur un marché jusqu’ici concentré sur le loisir et la mobilité. Sous forme de café, l’idée est de fédérer les gros rouleurs en programmant des «rides», en faisant venir des stars du peloton, en doublant le shop d’un atelier. Ce concept a vécu et, même si la french press chauffe toujours en 2019, Kring s’est recentré sur le magasin, avec une visée haut de gamme.

L’emblème de cette philosophie, c’est le vélo turquoise aux liserés fluo qui trône dans l’entrée. Une pièce d’orfèvrerie. «C’est une création de l’artisan belge Jaegher. Il ne conçoit les cadres qu’en acier. Leur géométrie se fait en adéquation avec la morphologie du cycliste», détaille Félix Cordier. «Un vélo comme ça, on le garde toute sa vie». Le cadre et la fourche démarrent à 3000€. Le vélo complet peut atteindre 5.500€. «Jaegher, c’est le top du top, mondialement connu, 3e ou 5e au monde», assure Bruno, le boss. «Cet artisanat décolle aussi avec le regain d’intérêt pour l’acier: plus rigide et plus durable que le carbone». Son vendeur va plus loin: «Un vélo sur mesure coûte jusqu’à 25.000€. Certains sont prêts à des folies, du titane ultraléger, du fait main...»

L’artisanat du vélo de course décolle aussi avec le regain d’intérêt pour l’acier: plus rigide et plus durable que le carbone.

Tous les clients ne prétendent pas concurrencer le budget vélo de l’équipe QuickStep. Dans ce «marché de niche», Bruno Terlet distingue deux catégories de clients. «D’une part le mec qui débute et investit 1000 ou 1500€. Et d’autre part celui qui roule beaucoup et qui veut investir dans le style. Lui, il dépense 6.000 à 15.000€. Des vélos à ce prix-là, on en vend un par mois». Un client moyen tournerait autour de 2.500€. L’idée de Kring: «travailler avec des jeunes marques qui claquent moins en marketing et sont donc moins chères». Et puis «ramener du conseil». Avec quelle ampleur? Le shop rameute 12.000 abonnés sur Facebook et, plus significatif, 500 sur Strava (le réseau social des cyclistes et joggeurs qui permet de comparer ses performances sur des «segments» de route). Le club siglé Kring enfin réunit 150 membres.
Kermesse au boudin
Le signe que le vélo sportif «prend» à Bruxelles doit peut-être se chercher dans le retour du pop-up store que Kring coorganise avec l'équipementier Rapha. La marque britannique au logo manuscrit s'est lancée en 2004. À coups de plans marketing judicieux et de partenariats médiatiques avec le couturier Paul Smith, Apple, le vainqueur de Tour Bradley Wiggins, son équipe Sky ou, en 2019, les rose et marine de Education First qui hébergent le Belge Sep Vanmarcke, Rapha est devenu leader de l'équipement cycliste premium. Mis à part quelques rares magasins (on dit «clubhouses») à LA, Tokyo ou Londres, le business de Rapha se fait essentiellement en ligne. La boutique éphémère de la rue Dansaert en est à sa 2e édition.


«Le cyclisme s'est popularisé en Angleterre avec les succès de l'équipe nationale et du Team Sky. Le Grand Départ dans le Yorkshire en 2014 a renforcé le phénomène», estime Dave De Graaf, manager de Rapha Amsterdam en charge du projet bruxellois. «Notre marque a grandi dans le même temps. Et y a peut-être participé». Avec ses lignes vintages élégantes et ses possibilités de customisation, l'ambition de la marque est d'ôter au vêtement cycliste son côté kermesse au boudin. «Dans le reste de l'Europe, le cyclisme est populaire depuis longtemps. Surtout en Belgique. Mais c'est un monde très traditionnel», reprend le Néerlandais en sirotant un expresso colombien sorti de sa machine Rocket, la rolls du genre prisée des stars du peloton. «Avec ASO et l'UCI, le Tour de France, ça peut être ennuyeux. Alors on sponsorise des événements comme la Dirty Kanza, au Kansas: tu peux y courir avec tes héros». La course américaine, entre 40 et... 560km, se revendique comme la première à mettre le «gravel» à l'honneur. La discipline se situe quelque part entre notre bon vieux cyclo-cross et le VTT. Elle serait très cool chez les initiés, loin du stress de la compèt et des tentations du dopage. La boutique-atelier Bike Your City, chaussée de Waterloo à Uccle, s'en est fait une spécialité à Bruxelles. Et organise des sorties chaque jeudi en Soignes.
À Bruxelles comme à Londres il y a quelques années, les gens montent en selle, remplacent leur voiture par un vélo. C’est LE sport qui monte. Le Tour va accentuer le mouvement
Et dans les villes, le vélo devient cool? «Ces dernières années, il est sans doute davantage vécu comme un hobby. Ou un mode de vie», reprend le représentant de Rapha. «À Bruxelles comme à Londres il y a quelques années, les gens montent en selle, remplacent leur voiture par un vélo. Les autorités le permettent aussi puisque l’infrastructure s’améliore. Niveau sportif, c’est LE sport qui monte. Le Tour va accentuer le mouvement. Les cyclistes deviennent une communauté comme à Amsterdam, Gand ou Anvers».
Gilet jaune

«Communauté»: on y revient. Pour doper l’identification à sa marque, Rapha a ainsi lancé un club sans frontière. Avec son maillot gris et rose, il réunit 50.000 membres dans le monde et «une cinquantaine en Belgique dont une vingtaine à Bruxelles». À peine de quoi former un team World Tour. Mais tous ces amateurs s’identifient à la marque et sont prêts à dépenser. Au pop-up store de Dansaert, un maillot d’entraînement coûte 100€ et le tissu «super-technique» du team pro Education First 125€. Pour la ligne classique «et ses jolis détails» qui ont fait la célébrité de Rapha, comptez 135€. Une gamme urbaine, plus récente, permet de se distinguer sur les pistes cyclables de la Petite Ceinture avec une veste entre 120€ et 280€. Pas donné pour un gilet jaune.
Mais on viendrait de loin pour s’offrir cette élégance toute britannique: «les magasins du quartier expliquent que d’habitude, leur clientèle est surtout bruxelloise. Mais nous recevons des Wallons et des Flamands, qui visitent donc la rue. C’est bien pour tout le monde», assure Dave De Graaf. On est moyennement convaincu: Dansaert est un spot shopping dont la renommée dépasse depuis longtemps les frontières des 19 communes. Passons. «Le profil de nos clients, c’est entre 20 et 50 ans, avec de l’argent à dépenser. Parmi eux, le segment féminin doit atteindre 20 à 25%. Les livreurs devraient venir nous voir: si tu es sur un vélo tous les jours, tu dois avoir des bons cuissards, sinon bonjour les douleurs...!»
Friterie ou parquet?
Pour Jehan Coppé, l’importance du confort en selle ne signifie pas qu’il faut brader son look. Ce fan de cyclisme roule 200 bornes par semaine sur son cadre vintage, jolie bête de course customisée sur laquelle l’équipe Kelme grimpait dans les années 2000. Pour lui, pas question d’afficher une marque de parquet sur le torse. «Historiquement, le cycliste amateur a trois choix: soit il s’habille avec les sponsors bariolés des friteries et plomberies locales, soit il opte pour une réplique d’un maillot pro, soit il fait ses courses chez Decathlon et ressemble à tout le monde. Tout ça, ça n’a aucun style».
Le cycliste amateur a trois choix: soit il s’habille avec les sponsors des friteries locales, soit avec une réplique d’un maillot pro, soit avec un équipement Decathlon et ressemble à tout le monde.


Plutôt que de se résoudre au compromis, Jehan Coppé a designé sa propre ligne de vêtements : Fringale. «J'ai toujours fait du dessin, du graphisme sur textile et de la customisation de vêtement: pourquoi ne pas créer mes propres maillots et cuissards?», s'est demandé le jeune homme. En 2017, il peint à la main quelques motifs, sélectionne un fabricant en Pologne, dessine une coupe cintrée. Et ses premières créations se mettent en selle. «Mon maillot est moulant, assez aérodynamique: il s'adresse clairement aux sportifs. Un tape en silicone maintient la manche et du mesh permet l'aération de la version été». Le designer ne laisse tomber aucun détail: «Le maillot est vendu avec des manchettes, plus pratiques que les manches longues. Et j'ai recouvert la fermeture éclair d'un tissu». Les motifs sont classy: des crocodiles, des tennismans, des cavaliers, sur fonds vert anglais ou bleu canard. Classe. Et moins cher que les grandes marques premium: 75€ le maillot, 79€ le cuissard.
Chaussettes


La joie de Jehan Coppé, c’est de voir le logo Fringale s’afficher sur des fesses qu’il ne connaît pas. «Cet emplacement, c’est la meilleure pub parce qu’en roulant en peloton, t’as les yeux rivés sur celui de devant». Le fan des puncheurs flandriens juge que le cyclisme sportif bruxellois devient «un bel écosystème: avec les livreurs, les clubs, le triathlon, les shops et l’enjeu de la mobilité, des cyclistes qui n’ont pas tous la même vision se parlent et collaborent». Le marché va-t-il s’accroître? «Il y a déjà plusieurs milliers de cyclosportifs à Bruxelles. Le vélo serait le nouveau golf: les PDG s’y mettent le week-end. Mais ce qui marche surtout, c’est de développer des événements, des “rides”, des collaborations».
La gamme Fringale s’est déjà écoulée à 200 exemplaires. Elle devrait vite se compléter avec un cuissard long et une casquette. Mais pas de chaussettes, parce que les imprimés des maillots apportent déjà la touche d’originalité et de couleur recherchée. Pourtant, la chaussette est une niche dans la niche chez les cyclistes. Chez Kring, Félix Cordier ricane: «C’est un truc de fou, les chaussettes! Les mecs sont sapés full black, très sérieux. Et ils te sortent des chaussettes roses ou fluos, avec des lignes et carreaux dans tous les sens». Justement, doit-on y voir un sens? «Sur le vélo, on frime entre copains, mais on est quand même là pour le fun: c’est pas de la compétition, c’est juste du vélo».

Jean-Philippe Gerkens «n’a jamais été aussi heureux». Dans son magasin-atelier du quartier des squares à la frontière de Schaerbeek et Bruxelles, il donne deux coups de pompe dans le pneu plat d’un eurocrate avant de s’occuper du pliable bizarre d’un voisin estonien, au triangle de cadre inversé.
Sur les étagères de Morning Cycles, des livres en accès libre font la course avec des petits flandriens en plomb. De superbes vélos de ville allemands prennent le soleil sous les casques que le vélociste doit vendre mais qu'il ne promeut pas. «Les statistiques d'accidentologie sont formelles: chaque année à Bruxelles, on recense 0,6 mort à vélo pour 300 dans les accidents ménagers». Bim!
Jean-Philippe Gerkens respire depuis longtemps pour le vélo. Dans d'anciennes vies, il a été coursier, travailleur des associations cyclistes, chercheur. Il a même lancé sa propre marque de cycles, Velofabrik. Mais l'élégant vélo «fait pour Bruxelles», à l'éthique commerciale en circuit court, n'a pas résisté aux concurrents se fournissant en Asie ou à l'emprise de la grande surface sportive qui règne sur le marché du bexon.

Réfugié depuis 3 mois derrière le logo en vitrail de Morning Cycles, Jean-Philippe Gerkens, éternel lobbyiste du deux-roues, semblait donc l’interlocuteur parfait pour décrypter le marché du vélo sportif à Bruxelles.
Le Tour de France peut-il avoir un effet sur l’engouement pour le cyclisme sportif à Bruxelles?

Récemment, le Tour de France remet l’accent sur la santé et la mobilité. C’est nouveau car, depuis les années 60, les liens entre cyclisme sportif, mobilité et santé se sont rompus. Pourtant, ces liens sont historiques: ils remontent aux années 30, quand le cyclisme a basculé de sport aristocratique à sport populaire. À l’époque, les ouvriers qui allaient bosser à vélo, fréquemment sur plusieurs dizaines de km, ont dégommé les aristos! Avec les années 50, une tout autre mobilité a été proposée autour de la voiture. Le vélo a été déconsidéré. Comme disait Brassens: «Avec mon p’tit vélo, j’avais l’air d’un con». Et dans les années 70 et 80, le vélo est devenu un truc de gamin. Mais ça change.
Quels sont les signes de ce changement?

Les coursiers livreurs par exemple. Ils sont très cool. Pas ceux qui livrent les repas pour les multinationales de la livraison, mais les petits indépendants. Certains sont des rouleurs de dingue! Il y a aussi des magasins qui mixent mobilité et course. Je pense à Bike Your City à Uccle. Ces endroits sont tenus par des gars qui pédalent autant qu’ils réparent et vendent. Ils promeuvent le «gravel», entre VTT et route sur de longues courses de plusieurs centaines de km. C’est la nouvelle coolitude, des trucs de 3000 bornes comme la «Transcontinental Race». Beaucoup plus honnête et palpitant que le Tour de France avec l’hélico qui filme d’en haut et où il se passe rien. Enfin, il y a le triathlon. Quand il a émergé dans les années 90, le vélo de route classique était très populaire mais aussi un peu puant, avec le dopage, le fric... Le triathlon, qui ne dépendait pas de l’UCI, faisait rêver avec ses vélos racés et son dépassement de soi. Aujourd’hui, le triathlon a grandi. Pas mal de gens s’y mettent et c’est un créneau pour le vélo de course.

Peut-on parler d’un «retour» du vélo de course?
Y a pas de retour, non. Pour l’instant, aucun magasin de vélo ne peut répondre à la demande à Bruxelles. Il y a des clubs, des shops, mais ils ne peuvent pas prétendre rivaliser avec le sérieux de certaines enseignes flamandes qui ont 200 vélos sportifs en stock. Mais pour le moment, il n’y a pas grand monde à Bruxelles pour acheter du vélo de course.
A-t-on des chiffres?
À Bruxelles, il y a 354.000 vélos possédés. Le taux de renouvellement est d’un vélo tous les 7 ans. Il se vend en Belgique quelque 540.000 vélos par an. Dont 70.000 à Bruxelles. 40% sont électriques. 50 ou 60% de ces vélos neufs sont achetés en grande surface et surtout chez Decathlon. Reste 40% pour les vélocistes. Soit 25 à 30.000. Moi, je vends surtout du trekking, du ville, du loisir. Genre 30 vitesses, léger, avec un gros porte-bagages. Ce vélo, c’est un instrument de mobilité, pas un accessoire sportif.
Quelle est la part du sportif?

Très minime. Pour le sportif, le web est un concurrent sérieux. Ceux qui achètent du vélo de course ne sont pas fidèles. Ils s’y connaissent, vont d’un magasin à l’autre, comparent. Monsieur et Madame, si tu leur dis que tu es en 50/13, cadre carbone, titane, alu ou acier, ils ne comprennent rien. Le sportif oui. Il est donc capable d’acheter sur le web et avec eux, un vélociste risque de perdre du temps. Il va venir essayer chez toi pour acheter dans l’heure chez un discounter en ligne 30% moins cher. Et pour faire concurrence aux géants flamands, il faut du m2 ce qui n’est pas le point fort des magasins bruxellois. Il faut être très fort pour vendre du vélo de course à Bruxelles.
Quid du pliable?
Le pliable selon moi, on l’achète pour de mauvaises raisons. Car sur ce segment, seul Brompton vaut le coup. Mais il est cher.
«Mauvaises raisons»?
Je pense qu’avec le pliable, on fait payer aux gens l’incurie des pouvoirs publics en matière d’infrastructures. Car pourquoi achète-t-on un pliable? D’une part pour faire la navette en transport en commun sans laisser son vélo à la gare ni payer le train pour un vélo classique. Et d’autre part pour ne pas se le faire voler car il n’y a pas assez de box vélos alors que beaucoup de Bruxellois vivent en appartement.
Le Belge achète de bons vélos?
Le prix moyen du vélo en Belgique en 2016 était de 350€. Ce prix bas est dû au fait que Decathlon possède 50% du marché. 350€, soyons clairs: c’est trop peu pour obtenir du bon matériel. En Allemagne et aux Pays-Bas, c’est entre 800 et 900€ de moyenne. Résultat: ces deux pays possèdent des industries du vélo florissantes. En Belgique, la production a été divisée par deux entre 2008 et 2016 pour se chiffrer à 75.000. Mais la tendance à l’achat à bas prix diminue: de plus en plus de Belges se passent de voiture. Et pour eux, mettre 1000€ dans un vélo n’est pas exagéré.
Vous avez lancé la marque bruxelloise Velofabrik. L’idée était d’acheter européen et de monter à Bruxelles. Son premier exemplaire a été vendu en 2015 mais l’entreprise n’existe plus: pourquoi?

Velofabrik était trop petit. Quand tu vends 200 ou 400 vélos par an, tu ne pèses pas lourd pour un fabricant de cadres en Europe. En face de toi, tu as des grandes marques qui achètent des cadres à 30 dollars alors que pour toi, c’est 200. Pour tenir, nous aurions dû faire un saut de production énorme afin de s’équiper d’une chaîne d’assemblage. Des marques belges établies comme Minerva, Thompson ou Granville ont elles-mêmes du mal. Même pour le fabriquant bruxellois de pliables Ahooga, qui vend plusieurs milliers de vélos par an, ce n’est pas gagné. Sans doute une consultance plus professionnelle mais inaccessible financièrement ou le soutien logistique de la Région pour un entrepôt, auraient pu aider.
Quelles sont les perspectives?
Le marché est en croissance à Bruxelles. Et sans doute un peu sauvage. Dans les pays voisins, des chaînes de franchisés et des concessionnaires sont lancés. Il n’y en a pas chez nous. Le problème est peu connu. Pour que la Région bruxelloise puisse agir, il faudrait qu’elle se donne les moyens d’une étude un peu sérieuse pour mesurer le poids du secteur, son nombre d’emplois, ses potentialités économiques... Ce qu’on risque de perdre surtout, c’est la qualité du service par manque de formation.

Une piste?
En Allemagne, 300 vélocistes se sont fédérés sous le label VSF. Ils ont créé une marque de cycle, Fahrradmanufaktur, qu'ils ont depuis revendue. Mais leur union permet aussi de former les mécanos tout en promouvant le vélo et en stimulant son économie. Cela permet des effets d'échelle, des groupes d'achat, des synergies informatiques... Le rôle du Gouvernement pourrait être d'organiser une telle union à Bruxelles car il est impossible ne fût-ce que d'y recenser les vélocistes.